Le numéro un mondial, LVMH, a accusé une baisse de 13 % de ses bénéfices. Mais sans les acheteurs chinois, la situation aurait été bien plus critique.
La reprise s'amorce doucement dans le luxe. Après un coup d'arrêt de la croissance en 2008 et une récession en 2009 (estimée à - 5,9 % par Eurostaf et - 7 % par le cabinet Bain & Company), le secteur semble avoir atteint les tréfonds de la crise. Après un dernier trimestre moins catastrophique que prévu, il s'apprête à relever la tête. Et à rattraper son retard, notamment grâce à l'essor fulgurant de la demande chinoise, oasis qui continue à afficher des taux de croissance à deux chiffres. « Ce n'est guère avant 2012 qu'un retour à la normale pourrait se faire jour, avec une croissance de 8 % à 10 % », précise Nicolas Boulanger, chargé du luxe chez Eurostaf. Il mise sur une sortie de crise cette année.
Dans le droit-fil de cette bien mauvaise conjoncture en 2009, le leader mondial des produits de luxe, LVMH, a annoncé, jeudi 4 février, une chute de son bénéfice net de 13 %, à 1,755 milliard d'euros, et une légère baisse de son chiffre d'affaires (- 1 %, soit 17,05 milliards d'euros) pour l'année 2009.
La baisse atteint - 4 % à taux de change constants. Parmi tous les métiers du groupe, le champagne et la division montres et joaillerie ont le plus pâti. Ces deux secteurs ont subi la crise de plein fouet, enregistrant des replis respectifs des ventes de 16 % et 13 %.
L'année 2009 a toutefois été, selon Bernard Arnault, PDG de LVMH, marquée « par des gains de parts de marché des marques phares [comme les cognacs Hennessy, les parfums Dior, ou les montres Tag Heuer] » et notamment par la poursuite de la « performance unique » de Louis Vuitton, le maroquinier imperméable aux aléas du marché, qui continue à aligner une croissance à deux chiffres malgré la crise. En 2009, le groupe a revu à la baisse ses prétentions : les investissements ont été réduits de 200 millions d'euros et bon nombre d'ouvertures de magasins ont été reportées. L'année 2010 est envisagée avec prudence, en réduisant les coûts. En préférant notamment rénover des boutiques plutôt qu'en implanter de nouvelles.
Malgré ce piètre et inhabituel résultat pour le géant français du luxe, M. Arnault s'est félicité de l' « amélioration significative des performances pour tous les métiers au quatrième trimestre » et surtout d'un mois de décembre 2009 « record ». Cette embellie s'est, selon lui, amplifiée en janvier. Le redémarrage du marché semble proche.
Sur l'année 2009, c'est l'Asie qui a permis d'amortir l'effet de la crise pour LVMH. Malgré une mauvaise performance au Japon, les ventes y ont grimpé de 10 % rien qu'au cours des trois derniers mois. La Chine a elle seule représente désormais 6 % des ventes du groupe. Hennessy est déjà en tête des ventes de cognac dans ce pays, où une autre marque du groupe, les chaussures Berluti, réalise une belle percée. Louis Vuitton, très présent en Chine depuis 1992, ajoutera à son puzzle trois grandes villes de province et renforcera sa présence à Shanghaï avec deux emplacements majeurs avant l'Exposition universelle (1er mai-31 octobre)
« On ne traite pas les clients des pays émergents différemment » des autres, a expliqué M. Arnault. « On les traite comme s'ils étaient les plus évolués du monde. » Une façon sibylline de dire que son groupe a autant d'égards pour les clients chinois que pour les Japonais, « les plus connaisseurs et les plus sophistiqués dans le luxe ».
Plus insensible à la crise, le groupe Hermès s'en est, une nouvelle fois, bien mieux sorti. Le groupe, qui compte publier fin mars un résultat net proche de celui de 2009, a annoncé, vendredi matin, une hausse de 8,5 % de son chiffre d'affaires, à 1,914 milliard d'euros (4,1 % à taux de change constants). Grâce à de bonnes ventes à Noël, le chiffre d'affaires a augmenté de 18 % au quatrième trimestre. Là encore, c'est la maroquinerie qui a dopé les ventes ( 16 % sous l'impulsion des sacs en cuir) et les plus fortes progressions géographiques ont été réalisées en Chine, à Macao et à Hongkong ( 29 % sur l'année).
Six nouvelles succursales ont ainsi été ouvertes en Asie (hors Japon). Le sellier de la rue du Faubourg- Saint-Honoré à Paris est l'un des rares à avoir vu ses ventes progresser au cours du dernier trimestre dans le monde entier, aussi bien en Amérique (20 %), qu'en Asie (12 % en intégrant le Japon) et en Europe (9 %).
Une performance d'autant plus remarquable que la crise avait sérieusement affecté les marchés « matures » du luxe : le Japon, les Etats-Unis, et dans une moindre mesure l'Europe.
Le numéro deux mondial du luxe, le groupe suisse Richemont (Cartier, Montblanc, Piaget, Jaeger-LeCoultre...), qui a subi une année particulièrement mauvaise, semble aussi avoir atteint le creux de la vague. Entre octobre et décembre, ses ventes, qui avaient fortement dégringolé, sont redevenues en légère hausse ( 2 %, à 1,6 milliard d'euros). Là aussi, la Chine et Hongkong ont joué le rôle envié d'unique relais de croissance avec une hausse du chiffre d'affaires de 25 %.
Le nouveau tropisme du luxe pour l'empire du Milieu n'en est qu'à ses débuts.
© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire