Pékin soutient à tout prix son expansion record. Au détriment des réformes économiques et de l'ouverture d'un pays qui accumule les déséquilibres.
Les milieux d'affaires doivent-ils se remettre à rêver de l'eldorado chinois - son marché gigantesque, ses contrats mirobolants - et de sa capacité d'entraînement de l'économie mondiale ? La Chine a beau afficher une croissance insolente, de l'ordre de 9 % en 2009, le rêve pourrait bien tourner court. En tout cas, des signes inquiétants s'accumulent qui résonnent comme autant de mises en garde.
Le changement de ton de Pékin à l'égard des marchés occidentaux ne préjuge déjà rien de bon. A présent, les Chinois n'hésitent plus à renvoyer dans leurs cordes l'Union européenne (UE) ou les Etats-Unis. Ainsi, lorsque la question du maintien du yuan à un taux de change artificiellement bas a été abordée, lors du sommet Europe-Chine, en décembre dernier à Nankin, la réponse du Premier ministre, Wen Jiabao, a fusé : "Commencez par balayer devant votre porte", a-t-il lancé en substance. En position de demandeur, l'UE est dans la situation la plus délicate. La Chambre européenne de commerce en Chine vient de publier un pavé de quelque 400 pages (le position paper) où elle recense les freins à l'entrée au marché chinois. Ce document n'a guère été apprécié en haut lieu.
Plus que jamais, la Chine fait prévaloir ses intérêts. Les investissements étrangers sont les bienvenus s'ils engendrent des transferts de technologie. Mais, une fois le contrat conclu, les portes se referment. Prenez les trains à grande vitesse : la Chine a annoncé qu'elle construira seule 42 lignes. La première, ouverte au mois de décembre 2009, doit permettre de relier Canton à Wuhan (Centre). Tant pis si le train n'est pas complètement sécurisé. Depuis, le marché est fermé aux étrangers. Commentaire d'un diplomate français en poste : "Nous assistons à un fort ralentissement des réformes et de l'ouverture économique initiée par Deng Xiaoping en 1978."
Tout occupé à maintenir une croissance forte - une question de survie aux yeux du régime - Pékin ne songe qu'à augmenter les exportations et à "tenir" les salaires pour conserver un avantage compétitif. Les autorités de la région de Canton n'ont pas hésité ainsi à mettre fin aux avantages sociaux et aux hausses de salaires nés de la surchauffe de 2006-2007. Les investisseurs étrangers et les importateurs doivent prendre leur mal en patience. Ils ne peuvent même pas compter sur le plan de relance. Les 4 000 milliards de yuans injectés dans l'économie en 2008 devaient doper la consommation intérieure et permettre la généralisation de filets de protection sociaux. Mais, aujourd'hui, seuls les investissements dans les infrastructures ou l'immobilier sont privilégiés au détriment de la consommation des ménages. La part de celle-ci dans le PIB s'élevait à 35,3 % en 2008. Sept ans plus tôt, alors que la Chine entrait à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), elle était encore de 45,2 % ! La Chine vient de ravir à l'Allemagne son titre de premier exportateur mondial, mais elle serait bien incapable d'absorber ce qu'elle produit.
Cette politique économique aux forceps entraîne notamment d'importantes surcapacités de production. Surtout, elle alimente des bulles spéculatives, en Bourse et dans l'immobilier. Autant de déséquilibres que nombre d'observateurs pointent du doigt, à l'image de James S. Chanos, qui pressent un "Dubai puissance 1 000, voire pire". Ce patron d'un fonds spéculatif américain réputé a forgé sa renommée en prédisant la faillite d'Enron... Vous avez dit eldorado ?
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