Le Monde - Spécial, jeudi, 29 avril 2010, p. SPA2
L'Exposition universelle Shanghaï 2010, dite Expo 2010, est, depuis Londres en 1851, la quarantième d'une série de manifestations internationales ayant regroupé des dizaines de nations. Ensemble, elles ont attiré quelque 500 millions de visiteurs. Librement organisées à l'origine, elles doivent désormais répondre à des critères fixés en 1928, date de création du Bureau international des Expositions (BIE), dont le siège est à Paris. Notons qu'avec six éditions de 1855 à 1937, la capitale française est une réelle multirécidiviste. Désormais, les Expositions universelles doivent avoir un but d'enseignement - elles ne peuvent pas n'être que commerciales ou artistiques - et justifier leur appellation " internationale " ou " universelle ".
A cet égard, Shanghaï 2010, avec une superficie de 530 hectares répartis sur les deux rives du Huangpu, l'ancienne ville (Puxi, à l'ouest) et la nouvelle (Pudong, à l'est) est, de loin, la plus importante qui se soit jamais tenue, battant notamment Hanovre 2005 (160 ha), Séville 1992 (215 ha), ou même Montréal en 1967 (400 ha), sans remonter plus haut dans le temps. Celle de Paris, en 1889, qui vit la construction de la tour Eiffel, s'étendait sur un espace de 50 hectares sur les deux rives de la Seine. Même la New York World's Fair 1939-1940 (500 ha), que son organisation privée, conformément à la loi américaine, fit sortir des normes habituelles du BIE, resta un peu en deçà du pari de la Chine. Seule San Francisco en 1915 parvint à couvrir une plus grande surface : 635 hectares, dans un contexte urbain largement atypique et encore marqué par le tremblement de terre de 1906.
Cent quatre-vingt-douze nations participent à Shanghaï 2010, ou ont été invitées par les Chinois par solidarité entre pays émergents : c'est le cas d'un bon tiers des nations, notamment africaines (53), asiatiques, sud-américaines, pour lesquelles près de 75 millions d'euros ont été débloqués par Shanghaï, sur un budget estimé à environ 2 milliards d'euros pour la seule Expo. Une somme qu'il faut doubler, selon Xu Bo, diplomate francophone en charge des relations extérieures de Shanghaï 2010, pour tenir compte des investissements annexes qui sont directement liés à la manifestation.
Une Exposition internationale, c'est toujours une affaire de commerce. Commerce de l'esprit, ou commerce tout court, les efforts de propagande nationale ou touristique étant toujours manifestes en arrière-plan de la célébration unanimiste du progrès, des déclarations humanistes et des thèmes édifiants. " Meilleure ville, meilleure vie " (" Better city, better life ") est le thème retenu par la Chine pour Shanghaï. Belle ambition pour le monde comme pour la Chine, dont 20 % du 1,3 milliard d'habitants détiendraient 80 % des richesses. A chaque pays d'interpréter ce thème dans l'espace ou le pavillon qu'il a décidé d'occuper.
Depuis le milieu du XXe siècle, cependant, les notions de progrès et d'humanisme n'ont guère cessé de se diluer dans les Expositions, laissant les ambitions économiques, voire un certain affairisme, investir sans état d'âme ces grandes cérémonies, et ne gardant les ambitions officielles du BIE que comme alibis. Personne n'est vraiment dupe mais le succès n'est pas garanti pour autant. Hanovre est sortie de son Expo avec une lourde ardoise, et Séville avec un site passablement désert, quand il devait devenir un nouveau pôle de métropole andalouse.
Reste que l'exercice même des Expos conduit aussi bien la nation invitante que les pays présents à placer les questions urbaines et architecturales au coeur du dispositif. Ce n'est pas rien dans un monde dont la population ne cesse de s'urbaniser. Comme les Jeux olympiques, les Expositions universelles sont l'occasion de travaux considérables dans les villes hôtes. Séville comme Lisbonne ont été métamorphosées bien au-delà des zones réservées aux Expositions. Car si ces dernières n'ont pas toujours réussi à transformer l'essai, la construction de lignes de train et de métro, de gares, d'aéroports, de routes, restent des acquis, autant que l'obligation (relative) d'une remise en état du patrimoine, d'une amélioration des conditions de vie, de la transformation des friches industrielles. C'est une nécessité technique pour accueillir le public, mais aussi un argument de séduction majeur, pour assurer le succès de chaque Expo.
C'est aussi ce qu'il en reste de plus visible, une fois les festivités passées, car les monuments comme la tour Eiffel (qui devait être provisoire), l'Atomium de Bruxelles, la Biosphère (ou dôme géodésique) de Montréal, ne sont finalement pas légion. L'obligation imposée par le Bureau international des Expositions de détruire la plupart des pavillons à la fin des festivités (près des trois quarts) ne colle pas toujours facilement avec les choix initiaux de bâtiments pérennes que font les pays d'accueil. Les édifices sont érigés avec rapidité, et avec le souci d'une attractivité et d'une circulation maximales, pour un public très différent de celui de lieux dont le programme a une vocation durable.
L'Etat chinois et Shanghaï ont fait un effort considérable en termes d'infrastructures comme de patrimoine ou de qualité de vie, probablement sans précédent dans l'histoire des villes. Le double site de l'Exposition participe, lui, ainsi d'une recomposition urbaine majeure largement due aux urbanistes de l'université de Tongji, eux-mêmes en rapport avec nombre d'institutions européennes, notamment allemande (c'est un des pays fondateurs de l'université), ou française (l'Observatoire de l'architecture contemporaine en Chine), mais aussi d'équipes d'architectes où là encore, les agences hexagonales ne sont pas absentes : l'Agence des gares de la SNCF, auteur de l'immense gare du Sud, Aéroport de Paris et Paul Andreu, dessinateur de l'aéroport de Pudong, Architecture Studio...
Le travail sur les sites de l'Exposition, conduit notamment sous la direction de l'urbaniste Wu Zhiqiang, doyen de Tongji, a ainsi été conduit dans un esprit beaucoup moins commercial qu'il ne l'aurait sans doute été dans la tradition des grandes agences américaines, particulièrement actives à Pudong.
Sur la rive ouest du fleuve Huangpu, celle de l'ancienne ville, ont été aménagées, dans le prolongement de son célèbre Bund, deux zones qui, au-delà des traditions des Expos, sont le reflet de la double préoccupation de la Chine : l'essor économique, d'une part, mais aussi la réelle inquiétude que représente, dans tout le pays, un développement urbain destructeur d'espaces et de terres agricoles. A la détermination économique du pays correspond un ensemble de pavillons construits par des entreprises - ce sont les plus proches de l'ancien Bund.
A l'inverse, l'inquiétude urbaine se manifeste dans la zone voisine, baptisée UBPA (Urban Best Practices Area), laboratoire grandeur nature pour l'architecture et pour toutes les innovations destinées à améliorer la qualité de vie dans les villes, telles que les transports, la gestion des ressources et le traitement des déchets. La participation non des Etats, mais des villes ou régions du monde, a été ici mise au concours, conduisant à sélectionner 55 projets, certains donnant lieu à la construction de pavillons réellement proches du thème général " Meilleure ville, meilleure vie " C'est au fond le creuset de l'Expo.
On pourrait imaginer que le premier fabricant du monde d'électronique n'a pas lésiné sur l'utilisation d'Internet pour donner une plus grande audience à Shanghaï 2010. D'ores et déjà fortement encadrés, Internet et les forums, présentés pourtant comme des outils majeurs et liés à l'avenir, se montrent pourtant timides. Les mondes virtuels sont en revanche largement présents, mais surtout à l'intérieur des pavillons.
La fonction anecdotique et symbolique de l'architecture s'en trouve dès lors renforcée. Et du ludique, le risque n'est pas absent de passer à une dimension puérile, assez pénible face à un XXIe siècle dont les dangers, écologiques, sociaux, politiques, ne sont pas des enjeux secondaires.
Frédéric Edelmann
L'espoir d'atteindre les 100 millions de visiteurs L'Expo Shanghaï 2010 ne risque pas l'échec. Soixante-dix millions de personnes y sont officiellement attendues de mai à octobre, avec l'espoir d'atteindre le chiffre de 100 millions de visiteurs, dont une grande majorité de Chinois : 30 % de la région de Shanghaï (près de 30 millions d'habitants, 50 % des villes du fleuve Bleu, 20 % des autres régions). 5 % d'Asiatiques (Japon, Corée, Taïwan), et un quota équivalent de touristes venus du reste du monde.
Chaque année, Shanghaï accueille dans tous les cas 5 millions de touristes. Les aéroports sont assez grands pour voir passer 100 millions de voyageurs. Et l'hôtellerie, étendue à toute la région (Hangzhou et Suzhou par train rapide), au-delà Ningbo ou Nanjing, serait en mesure de fournir les 70 millions de nuitées prévues à minima. Prix des billets : 10 euros (une journée), 40 euros (trois jours), 90 euros (neuf jours). Plus 22 millions d'entrées avaient déjà été vendues début avril. Les deux entrées principales sont organisées sur chacune des rives et reliées à des stations de métro proches.
Côté exposants, 192 nations participent à Shanghaï 2010, réparties en cinq zones de part et d'autre du Huangpu, reliées par le pont Lupu et par des navettes, ont été invitées par les Chinois par solidarité entre pays émergents.
Vitrine de l'excellence
Quarante-sept organisations internationales sont représentées. Mais aussi 55 projets venus sur concours de nombreuses régions et villes du monde (dont Paris, Ile-de-France, Rhône-Alpes et Alsace, Lyon pour ses vertus d'éclairagiste, et Lille installée dans un temple taoïste en ville).
Ces projets (constructions ou modèles techniques) seront la vitrine de l'excellence des pratiques urbaines : Urban Best Practices Area (UBPA), l'une des deux grandes zones de la rive ouest. Cinq grandes infrastructures sont appelées à passer le cap de l'Expo : le Pavillon de la Chine, le Pavillon thématique, le boulevard de l'Expo, le Centre des expositions, le Pavillon chinois, et le Grand Auditorium (18 000 places).
Shanghaï 2010 s'est donné un sigle, ou logo, dont le design est assez éloigné des sceaux traditionnels. Il est dérivé, dans une couleur verte appuyée, du caractère shi, un caractère qui désigne le monde, mais aussi la vie, " avec une allusion à trois personnes se tenant la main, évoquant une famille soudée, comblée de bonheur ".
Et, commerce oblige, l'inévitable mascotte, baptisée Haibao, ou " trésor de la mer ", le Hai étant celui de Shanghaï. C'est un dérivé bleu, mou, gonflable et agité, du caractère ren (" l'homme ") l'un des plus simples de l'écriture chinoise. Haibao est omniprésent et fait l'objet d'une étonnante production de faux.
F. E.
Le maire emblématique Han Zheng, maire de Shanghaï
Depuis 2003, M. Han, 56 ans, est le représentant le plus connu de Shanghaï, soit lorsqu'il s'agit d'accueillir des personnalités étrangères, notamment les 40 conseillers étrangers qui forment l'IBLAC (le comité des chefs d'entreprises internationales du maire de Shanghaï), ou bien de se rendre dans une ville soeur - par exemple Taïpeh, où Han Zheng a été le premier, en tant que maire d'une grande ville de la Chine populaire, à se rendre officiellement, début avril.
Né à Cixi, dans le Zhejiang, à la bordure de la municipalité de Shanghaï, Han Zheng a fait toute sa carrière dans la mégalopole. Il y a dirigé le district de Luwan, qui comprend une partie de la concession française, et fut notamment, en tant que vice-maire, chargé du secteur de la construction.
En 2006, quand le scandale des fonds de pension éclate, il est épargné par la purge qui coûte son poste, et sa liberté, à Chen Liangyu, alors numéro un de Shanghaï en tant que premier secrétaire du parti, et condamné à dix-huit ans de prison pour corruption.
Han Zheng, pourtant étiqueté comme appartement à la " clique de Shanghaï " (les fidèles de l'ancien président Jiang Zemin), occupe l'intérim pendant cinq mois, après avoir prêté allégeance au président Hu Jintao. Il sera remplacé par Xi Jinping, le dauphin officieux de M. Hu - vite promis à de plus hautes destinées -, suivi, en octobre 2007, par Yu Zhengsheng. Han Zheng reste maire de Shanghaï pendant tout ce temps, et numéro deux du parti. Contrairement à ses prédécesseurs (comme le célèbre Zhu Rongji), M. Han ne fait pas parti du bureau politique du Parti communiste chinois, ce qui limite ses perspectives de carrière à un niveau national - sauf s'il est promu lors du prochain grand rendez-vous de la politique chinoise, le 18e congrès du parti, en 2012.
B. Pe.
Un patron humaniste Wu Zhiqiang Siegfried, universitaire
M. Wu est le planificateur en chef de l'Expo 2010 à Shanghaï. Lourde responsabilité pour ce doyen de la faculté d'urbanisme et d'architecture (CAUP) de Tongji, la plus prestigieuse université de Shanghaï. Dans cet immense campus fondé par les Allemands en 1907, essentiellement scientifique, l'université s'est ouverte à l'urbanisme et à l'architecture en 1952, domaine qui a depuis intégré les dimensions les plus exigeantes du patrimoine avec des personnalités comme Zhou Jian, le vice-doyen, présent sur tous les fronts.
Wu Zhiqiang, après l'obtention de ses diplômes à Shanghaï (1985), a fait une partie de ses études à Berlin (1996), où il a acquis le nom de Siegfried. La cinquantaine à peine, visage rond et souriant, fines lunettes, cheveux bouclés, frisés les jours de tempête, cet humaniste efficace a introduit dans l'enseignement du CAUP une dimension et une inquiétude écologiques qui concernent les structures urbaines autant que la construction, sans s'éloigner des questions patrimoniales ni des réalités les plus sévères de la Chine. Le CAUP et son institut de construction, bras séculier de toutes les facultés en Chine, auront été parmi les premiers à intervenir après le tremblement de terre du Sichuan, en 2008.
M. Wu était tout désigné pour prendre la tête de l'Exposition universelle. S'il n'a pu y imposer la totalité de ses idées, il a su reprendre l'essentiel du plan proposé par les Français d'Architecture Studio, lauréats du concours de 2003, année où il prenait ses fonctions de doyen. Puis gérer l'affaire à la chinoise, prenant en compte les avis de Pékin, sans exclure les autres métropoles. Il s'est sans doute moins intéressé cependant au Pavillon de la Chine qu'à la structure de l'Expo, à son site, à ses éléments paysagers, aux usines qu'il fallait conserver, et surtout au futur : " Je ne peux travailler sans l'équipe de Tongji. Il nous faut analyser ce que peut être une ville du futur. Penser à l'Expo 2010, c'est réfléchir au Shanghaï de 2020. "
F. E.
L'artiste tourné vers l'Europe Ma Liang, photographe
Ce barbichu de 38 ans coiffé d'une calotte noire a les faux airs d'un Hui, l'une des principales minorités musulmanes de Chine. Mais c'est juste pour le look. Ma Liang est un Han, il est né à Shanghaï, d'un père metteur en scène de théâtre et d'une mère actrice.
Il reçoit dans son atelier - un ahurissant capharnaüm niché au fond d'un couloir d'une usine désaffectée où une vingtaine d'artistes louent des studios. Aux murs, ses oeuvres photographiques, des installations-montages de facture très dadaïste et surréaliste, mais aussi de bizarres créations en forme de mannequins-vampires accrochés près du coin salon, où bondit un - vrai - chat nommé Shakespeare.
" Je me sens bien à Shanghaï. Bien sûr, ce n'est pas Pékin, qui est devenu le centre de l'art contemporain chinois. J'ai pourtant choisi de rester ici, car je peux y travailler au calme ", explique Ma Liang. L'homme est un solitaire. " A Pékin, le milieu des artistes est beaucoup plus soudé, et parfois tout le monde vit, mange, sort ensemble. Ici, je ferme ma porte. Certains de mes collègues appliquent même un écriteau où il est écrit : "On ne reçoit que sur rendez-vous." A Shanghaï, on est plus individualiste. "
M. Ma trouve que sa ville a encore du chemin à faire pour retrouver son statut d'avant-guerre. " Elle était célèbre dans les années 1930 pour son dynamisme dans les domaines de la musique, du cinéma, des beaux-arts. Sur ce plan-là, Shanghaï ne produit plus grand-chose... "
Ma Liang vend l'essentiel de son oeuvre à l'étranger, surtout en Europe.
Il ne s'en sort pas trop mal. Mais il prône une réussite équilibrée : " Quand un artiste ne gagne pas assez, cela affecte son pouvoir de créativité. Mais s'il gagne trop, c'est pareil. "
B. P.
De l'audace au service d'une grande ambition La logique suivie pour organiser les sites de Shanghaï 2010 relève pour une part de la tradition des grandes Expositions universelles, entre foire et parc d'attractions, mais aussi d'une belle intelligence et d'une grande ambition. Il a fallu y mettre le prix : on ne dégage pas aisément 4,4 km2 de berges encombrées autour d'un fleuve aussi large que le Huangpu (400 m environ au niveau de l'Expo). Dans la version du concours de 2003, Architecture-Studio proposait une monumentale passerelle au coeur du dispositif. L'équipe de Tongji l'a oubliée, laissant parler le spectaculaire pont Lupu, la plus grande arche du monde, qui devient un signal majeur de l'Expo et souligne son appartenance à la ville. De ce fait, même si les navettes fluviales et deux lignes de métro permettent le passage de Puxi à Pudong, aux points-clés de la manifestation, chacune des deux rives trouve son autonomie et des liens différents à projeter dans le futur.
La rive est (Pudong) est la plus importante. C'est là que se trouve le Pavillon chinois, immense et déconcertante déclinaison du thème du dougong, à la source de toutes les charpentes chinoises depuis le XIe siècle. On aura cependant peine à retrouver la trace sincère dans ce monument de 63 mètres de haut, reposant sur quatre pieds en béton, et censé représenter une couronne impériale. Il a le rouge de la Cité interdite, et pour architecte He Jingtang, 72 ans, membre de l'Institut d'architecture de l'Université de Chine méridionale et de l'Académie d'ingénierie. L'intérieur est à dominante verte et utilise des techniques économisant l'énergie, respectueuses de l'environnement.
Erigé sur un terrain de 160 000 mètres carrés, le pavillon comprend un hall national et s'y trouvent de grands halls consacrés aux 31 provinces et régions de Chine, ainsi qu'aux minorités, soigneusement abritées comme pour une exposition coloniale. Hongkong, Macao et Taïwan naviguent autour dans des pavillons annexes.
Près du Pavillon chinois, s'étend un large boulevard central, couvert de toiles et ponctué d'entonnoirs géants, qui par quelques combines simples récupèrent les eaux de pluie. Ce boulevard abrite aussi les visiteurs, les conduit au fond vers une grande salle au profil de bivalve mais plus proche du galet que du traditionnel cercle. Elle peut accueillir 18 000 spectateurs et complète un grand hall de congrès (400 000 m2) qui accueillera conférences, concerts et manifestations. Le dessin en a été soigné pour assurer sa permanence.
De part et d'autre du boulevard se répartissent les pavillons des pays dont l'architecture répond avec une originalité et une acuité variable aux cinq thèmes cachés derrière le slogan " Meilleure ville, meilleure vie " : le métissage des cultures, la prospérité de l'économie urbaine, l'innovation techno-scientifique, le remodelage des communautés, l'interaction entre la ville et la campagne.
Imaginé par les Studios Heatherwick, le Pavillon britannique, un cube illuminé, d'une apparence simple, est sans doute le plus décoiffant gadget architectural. 60 000 tiges lumineuses, qui vibreront avec la foule de visiteurs, jaillissent d'un support invisible. Chacune des tiges porte une graine provenant du Jardin botanique royal de Londres, qui vise à préserver les plantes menacées. Le pavillon des Pays-Bas, conçu par l'architecte John Körmeling attrapera le public avec sa " rue joyeuse ". Il est composé de chemins piétons disposés en deux boucles formant des 8 : le long desquelles ont été construites dix-sept petites maisons thématiques.
Si le Pavillon des Emirats arabes unis, dessiné par l'agence anglaise de Foster bluffe par sa forme incongrue de dune et l'idée que celle-ci repartira dans les sables de la péninsule Arabique, c'est au Pavillon espagnol que semble s'attacher la plus grande curiosité. Non seulement il est l'un des plus grands (6 000 m2), mais dessiné par l'agence catalane Miralles et Tagliabue (EMBT) comme un grand tatou recouvert de 8 000 plaques d'osier, il abritera trois grandes salles et autant de projections dont la teneur est secrète jusqu'au dernier moment.
Sur l'autre rive, les pavillons révéleront des surprises peut-être encore plus audacieuses. Le Pavillon de Ningbo est davantage l'occasion de faire la connaissance de l'architecte Wang Shu, pionnier dans l'aventure d'une architecture chinoise respectueuse de l'environnement, comme de la mémoire et de la culture. Son voisin rappelle assez cruellement la beauté perdue de Xian, en proposant la reconstitution d'un splendide pavillon impérial. On y trouve aussi Paris, Grenoble et la région Rhône-Alpes et Hambourg, l'une des rares cités à rester dans le registre d'une architecture lisible et cependant conforme aux rêves d'avenir de l'Expo. Le promoteur immobilier chinois Vanke, dans la zone consacrée aux entreprises, propose un pavillon de paille qui se dissoudra peu à peu avec l'Expo, le temps aidant.
F. E.
L'auteur du Pavillon chinois Wang Shu, architecte
Il est l'auteur du Pavillon chinois, dans la zone critique de l'UBPA, celle des bonnes pratiques urbaines. Longtemps regardé de haut par ses confrères branchés, M. Wang est désormais largement reconnu pour sa manière de faire dialoguer matériaux traditionnels et architecture contemporaine : bois de charpente, briques et tuiles des maisons anciennes, structures en béton.
Une architecture douce qui sait s'emparer de l'air et du vent, du soleil et de la lumière pour dessiner des édifices habitués à une consommation d'énergie minimale, comme l'est leur production de CO2.
Derrière cette image simple, qui s'est traduite par la première participation chinoise à la Biennale d'architecture en 2006, il y a une rare position éthique et esthétique sur ce que peut être le renouveau de l'architecture contemporaine en Chine.
Wang Shu, 47 ans, n'a pas fait d'études ni de stage en Occident ou au Japon. Sa carrière a déburéé à Hangzhou, ville magnifique au bord du grand lac de l'Ouest, aujourd'hui à deux heures de Shanghaï, où il a fait ses études, commencé de construire, et où il a pris la tête du département d'architecture.
Discret mais sûr de lui, il travaille avec sa compagne, Lu Wenyu, attentive et brillante, au sein d'une des rares petites agences chinoises (Amateur Architecture Studio). Auteur d'un campus à Hangzhou, il a dessiné le Musée des beaux-arts de la ville de Ningbo (Zhejiang). Il ne restait plus à M. Wang, homme simple et décidé, qu'à prendre son baluchon pour aller proposer en modèle le pavillon de Ningbo à l'Exposition universelle.
F. E.a
Le " croisé " de la transparence Yan Yiming, avocat
A 47 ans, ce brillant avocat d'affaires de Shanghaï a d'abord pris la défense des petits porteurs contre des financiers véreux au début des années 2000, avant de se mobiliser sur les questions environnementales.
En 2009, Me Yan s'attaque à la transparence des affaires publiques : en s'appuyant sur la nouvelle loi sur l'ouverture au public des informations gouvernementales - entrée en vigueur en Chine en mai 2008 -, il demande alors des comptes à l'Agence de planification chinoise et au ministère des finances au sujet du méga- plan de relance. Il espère faire prendre conscience aux députés chinois, réunis lors de l'Assemblée nationale populaire, en mars, de l'importance de surveiller l'allocation des dépenses publiques. Les deux administrations chinoises traînent des pieds. Il les poursuit en justice, mais sa plainte est rejetée par le tribunal de Pékin. Son action suscite un vaste débat dans la presse. Il se donne trois ans pour voir aboutir une de ses plaintes.
Cette année, Me Yan a en ligne de mire le budget de l'éducation : " C'est une question de justice sociale ", dit-il. En 2011, au mois de mars, il s'attaquera à la transparence de la justice chinoise, une étape essentielle pour faire de la Chine un pays de lois. Il en a fait lui-même l'expérience : en avril 2009, il a été agressé dans son bureau, à Shanghaï, par trois inconnus. L'un d'entre eux sera arrêté et condamné. Mais les enquêteurs refusent de dévoiler l'identité du commanditaire. " Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai été agressé ", dit-il. Me Yan préfère ne pas parler des pressions qu'il subit : " Plus j'en dis, plus c'est dangereux. " Quant à l'Exposition universelle de Shanghaï, il attend qu'elle finisse pour demander des comptes à la municipalité.
B. Pe.
L'artiste ébouriffante Wang Xiaohui, écrivain, photographe et architecte
Au temps de la Révolution culturelle, elle a failli devenir garde rouge, mais sa famille était d'extraction trop bourgeoise pour qu'on le lui permette. Wang Xiaohui n'est pas une Shanghaïenne d'origine : elle est née au nord de la Chine, à Tianjin, en 1957. Arrivée à Shanghaï à l'âge de 19 ans, elle étudie l'architecture et le design à l'université de Tongji, où elle enseigne aujourd'hui. En 1986, elle part continuer ses études à Munich, où elle vit encore une partie de l'année.
Wang Xiaohui est une artiste ébouriffante, touche-à-tout, à la fois architecte d'intérieur, photographe, écrivain. Elle s'est mise en scène en réalisant des autoportraits sur son lit d'hôpital après l'accident de voiture qui a coûté la vie à son mari, à Prague, en 1991; elle a écrit un journal retraçant ses vingt ans d'Allemagne, un best-seller en Chine; elle a publié une quarantaine d'ouvrages, surtout de photos, mais aussi un livre sur sa mère et sa famille; elle a réalisé des courts-métrages, a consacré l'une de ses oeuvres " aux couleurs de la tentation " en faisant des portraits de femmes, et une autre à " l'érotisme des fleurs ". Elle a été associée à l'Exposition universelle après avoir été chargée de la réalisation conceptuelle d'un pavillon racontant en 3D l'histoire mondiale des civilisations...
Pour elle, Shanghaï est le symbole du mélange des cultures, et la promesse d'une plus grande liberté créatrice que partout ailleurs en Chine. Mme Wang égratigne Pékin et ses modes : " Dans la capitale, la moitié des expositions porte sur les thèmes récurrents de Mao et la Révolution culturelle. Ici, les bons artistes travaillent dans leur atelier, loin des galeries marchandes. A Shanghaï, j'apprécie certains artistes comme Zhou Tiehai, Zhang Huan, Gu Wenda ou Ding Yi, qui ont chacun leur studio de création et chacun leur propre langage artistique. "
Cette élégante dame, très apprêtée, considère vraiment que Shanghaï est plus raffinée. " A Pékin, on trouve que je ne ressemble pas à une artiste, plaisante-t-elle. La preuve, je ne dis pas assez de gros mots ! A Pékin, les artistes aiment brailler des jurons en anglais... "
B. P.
620 millions de citadins Population La Chine compte plus de 620 millions de citadins. 300 millions de nouveaux urbains devraient s'y ajouter dans les dix prochaines années, sous l'effet d'un exode rural massif. Les citadins n'étaient que 77 millions en 1953, 190 millions en 1980, 470 millions en 2000.
Villes Près de 250 villes nouvelles ont été construites depuis 1990, 400 autres doivent sortir de terre d'ici à 2020. Le pays compte dix agglomérations de plus de 10 millions d'habitants et quelque 90 villes de plus d'un million d'habitants, en majorité créées il y a moins de vingt ans.
Bidonvilles 171 millions de citadins chinois vivent dans des taudis, mais le pays fait figure de bon élève pour avoir " sorti " des bidonvilles 65,3 millions d'habitants entre 2000 et 2010, faisant tomber la proportion de la population urbaine vivant en taudis de 37,3 % à 28,2 %.
Le casse-tête de l'urbanisme à la chinoise ? Si les questions d'écologie urbaine et de durabilité des villes sont l'un des thèmes majeurs de l'Expo 2010 - toute une partie, la Zone des meilleures pratiques urbaines (UBPA), y est consacrée -, c'est que cette problématique pose de sacrés défis à la Chine - et, indirectement, au reste de la planète -, eu égard à la taille de sa population. Le taux d'urbanisation, estimé à 48 % cette année, atteindra 68 % en 2030, selon un rapport récent de l'Académie des sciences sociales, qui le voit ensuite stagner. Un milliard d'habitants occuperont alors les villes contre un peu plus de 600 millions aujourd'hui. La croissance économique, elle, caracole à plus de 11 %, dopée par un effort d'investissement productif colossal.
A une telle vitesse de développement, l'utilisation de l'espace et des ressources naturelles, l'articulation des zones industrielles et urbaines, la morphologie des villes, leur viabilité économique, mais aussi les flux migratoires et les modes de transport sont autant de variables dont le paramétrage est décisif, si les planificateurs et les gestionnaires chinois souhaitent construire de manière écologique. Or, force est de constater que la Chine est en la matière soumise à deux dynamiques contradictoires.
La première est que les dirigeants chinois ont, indubitablement, pris le pli du développement durable. Tout un arsenal de règles et d'incitations favorise désormais l'économie circulaire dans les grandes villes, c'est-à-dire le recyclage. La manne de fonds publics disponibles accélère la montée en gamme des infrastructures urbaines, notamment dans le domaine du traitement de l'eau ou des déchets. L'expertise occidentale est accueillie à bras ouverts et permet parfois à la Chine d'adopter les technologies les plus avancées. Les écocités fleurissent. Les meilleurs fournisseurs de solutions en développement durable de la planète accourent, en quête de nouveaux marchés : " La pression est très forte, les Chinois sont très conscients du fait que leur croissance peut s'arrêter s'ils ne font rien ", constate Gary Moys, directeur de Sogreah Chine. La société d'ingénierie française, fusionnée avec Coteba, réalise de 15 % à 20 % de son chiffre d'affaires en Chine.
La seconde dynamique tient du... dérapage permanent, celui auquel pousse la fuite en avant vers la croissance. L'afflux de travailleurs-migrants crée, notamment dans le Guangdong, des excroissances urbaines qui n'ont rien de durables : Dongguan, Shenzhen, Foshan voient s'agréger à elles des cités-dortoirs mal construites, aux équipements vétustes, qu'il faudra raser et rebâtir. Dépendants pour leurs revenus de la vente de terrains, les gouvernements locaux rivalisent pour attirer des investisseurs dans une débauche de projets somptuaires. Le mégaplan de relance a entraîné une pléthore d'infrastructures souvent surdimensionnées. La bulle immobilière fait grimper les prix toujours plus haut : " Il n'y a pas d'immeubles résidentiels verts, car les promoteurs ne sont pas intéressés, même pour un surcoût qui parfois ne dépasse pas 5 % de l'ensemble ", dit un architecte de la société Arup à Shanghaï. Les normes, et surtout leur application, sont à la traîne. La cadence des nouveaux chantiers est infernale.
Zhu Xiaoyang, anthropologue à l'université de Pékin, s'est ainsi penchée sur l'exemple de Kunming, la capitale du Yunnan : selon le plan 2010 de la commission de planification urbaine, une approbation n'est plus nécessaire pour les immeubles qui ne dépassent pas quarante étages. Ce qui signifie, explique-t-elle dans l'hebdomadaire Nanfang Zhoumo, que des forêts d'immeubles vont surgir dans les nouvelles zones ouvertes au remodelage urbain, les " villages urbains " et leur périphérie : " J'appelle ce genre de rénovation et d'urbanisation, la "dinosaurisation urbaine". La "dinosaurisation" renvoie aux corps énormes qui découlent de leur propre expansion, au caractère non durable de ce genre de développement urbain. Et à son sort similaire à celui des dinosaures ", écrit-elle.
Ordos, en Mongolie-Intérieure, est un cas d'école. Près de Shanghaï, Lingang est une ville nouvelle à l'est de Pudong, dont les infrastructures, l'université, les premiers bâtiments administratifs, sans oublier un lac circulaire de 2,6 kilomètres de diamètre, sont déjà sortis de terre.
Sept ans après la pose de la première pierre et 2 milliards d'euros d'investissements, elle reste une ville fantôme. " La partie résidentielle ne va pas encore très vite, reconnaît Yikan Guo, directeur adjoint du comité administratif de la ville nouvelle, mais les réseaux industriels sont plus rapides à décoller. "
L'objectif est d'accueillir les équipementiers du futur C919, l'avion de ligne chinois dont l'avionneur chinois Comac, à Shanghaï, s'est vu confier la construction. Un pôle d'excellence aéronautique, comme à Seattle. Or, l'ajustement d'un bassin d'emploi avec une offre résidentielle et de services est difficilement programmable à l'avance - surtout en Chine, où les ouvriers, souvent migrants, ne " s'urbanisent " pas (les familles restent au village). Les cadres et les expatriés préfèrent, eux, le centre ou les banlieues huppées.
D'autres " nouvelles frontières " de l'urbanisation à Shanghaï sont en meilleure voie : c'est le cas du district de Songjiang (sud-ouest de Shanghaï), avec sa " ville universitaire " (sept universités !), sa " ville anglaise ", ses tours de bureaux, mais aussi ses " gated communities " (quartiers pavillonnaires sécurisés) ultraluxueuses de Sheshan. " Shanghaï est une ville globale, la diversité y est très importante. Il faut pouvoir aussi satisfaire une offre de haut niveau : ces gens qui s'enrichissent soudainement, car la société qu'ils ont créée est introduite en Bourse, doivent pouvoir s'acheter une villa très chère, et non pas deux cents appartements, ce qui alimenterait la spéculation ", souligne Su Yunsheng, un des responsables de l'Institut de recherche en urbanisme de l'université Tongji à Shanghaï.
Etrange mélange de rêve californien, de verticalité sur le mode de Hongkong, ou encore d'hypermobilité à l'image de Tokyo, la mégalopole en devenir qu'est Shanghaï cherche la meilleure équation possible pour son développement urbain. L'Expo 2010 lui a apporté de nouveaux équipements plus tôt que prévu : huit nouvelles lignes de métro, 116 stations et un nouveau terminal d'aéroport, transformé en hub de transports aériens et terriens, ont été construits.
La voie à poursuivre est, selon M. Su, celle d'une meilleure gestion de la densité, selon le concept du TOD ou Transit Oriented Development (" développement orienté sur les transports collectifs ") : un premier rayon autour des gares privilégie les installations multifonctionnelles de forte densité (centres commerciaux, bureaux), puis la densité et la hauteur diminuent à mesure qu'on s'éloigne du point d'accès au réseau. Comme au Japon, mais de manière... planifiée.
Brice Pedroletti
Les éco-cités, laboratoires incertains des prochaines villes durables Les projets d'éco-cités se multiplient en Chine : certains sont à l'étude (Huludao Moon City, Jingyue Eco-city), d'autres déjà en chantier (Caofeidian International Eco-city, Tianjin Eco-city), voire passés par pertes et profits (Dongtan, Huangbaiyu). Architectes et ingénieurs étrangers y trouvent un terrain d'expérimentation : chaque ville veut la sienne. Pour les firmes étrangères, la ruée vers l'or vert chinois a commencé.
A Caofeidian, près de Tangshan, des entreprises suédoises ont conçu la première phase de cette méga-éco-cité en construction depuis 2009. A terme, Caofeidian veut héberger un million d'habitant, et promet d'utiliser toutes les énergies non industrielles : marémotrice, solaire, géothermale, éolienne... Huludao, dans le Liaoning, a accueilli un atelier d'urbanisme, mené conjointement par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l'université de Tongji (Shanghai), pour formuler des propositions adaptées en matière de morphologie urbaine et d'efficience énergétique à cette ville d'industries lourdes en quête d'un nouveau souffle.
La Chine, qui fonctionne volontiers au moyen de projets pilotes, cherche le bon modèle à répliquer. " Comment peut-on espérer des changements rapides s'il n'y a pas de projets pilotes ? C'est une courbe d'apprentissage que les Chinois suivent, et il y a une capacité internationale de réponse à leurs problèmes ", remarque Antoine Daval, qui a suivi le projet Huludao auprès du CSTB et a rejoint depuis le groupe Sogreah-Coteba. L'Eco-city de Tianjin est une co-entreprise entre le groupe singapourien Keppel et la ville. Une trentaine de sociétés françaises de l'environnement y ont accompagné la secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, lors de sa visite mi-avril. " Cette ville ne sera pas une vitrine pour les éco-technologies de pointe ou des immeubles étiquetés zéro carbone, zéro émission, zéro déchet. Elle adoptera des éco-solutions urbaines qui ont fait leurs preuves, de façon à être abordable pour la première vague de résidents qui la rejoindront d'ici deux ou trois ans ", annonce le projet. Sa carte maîtresse : la création d'" eco-business parks ", qui regrouperont des entreprises des technologies de l'environnement.
Dongtan, ex-future éco-cité de Shanghaï, sur l'île de Chongming, avait mis la barre trop haut : ce modèle de ville " zéro émission " conçu par la firme britannique Arup était économiquement non viable - et a pâti, en 2006, de la chute pour corruption du chef du parti de Shanghaï. La question de la viabilité économique est souvent sous-estimée. Anting, cité écologique avant l'heure, bâtie à la fin des années 1990 dans le district de Jiading, à Shanghaï, n'a pas réussi à attirer des habitants : " Le système de conduites, l'isolation sont de très bonne qualité. Mais les coûts de fonctionnement des immeubles n'ont jamais pu être abaissés. Ils sont remplis à moins de 50 %. C'est loin du centre, mal desservi. Et, pour ce prix, ce sont des appartements au lieu de villas ", souligne Su Yunsheng, de l'Institut de recherche et urbanisme de l'université de Tongji.
Un autre projet est à l'étude à Dongtan, qui consiste à intégrer l'économie agricole et urbaine dans une sorte de " hub " écologique.
Li Chen, créateur de tendances
A Shanghaï, il est une petite star pour les Shanghaïens nés dans les années 1980 et 1990. Stetson rose, baskets fluo, piercing en diamant, Li Chen, ou " Nic ", propriétaire de la chaîne de magasins New Project Center (NPC) avec son ami Pan Weibo, blogueur, animateur de télé, est une sorte de " créateur de tendances " à Shanghaï.
A 28 ans à peine, le jeune homme est devenu quasi incontournable dans la ville. Sa boutique au design pointu, rue Changle Lu, est une référence. Une deuxième vient d'ouvrir à Pékin, et deux autres devraient voir le jour dans les prochains mois à Chengdu et Hangzhou.
Li Chen, qui côtoie les vedettes locales et raconte ses péripéties sur le Net, se revendique comme un modèle pour les adolescents, dont il dit partager les goûts. Son blog, hébergé sur Sina, le Yahoo! chinois, a déjà attiré plus d'un million de visiteurs. " Au début, je n'avais pas conscience de l'importance d'Internet, mais, aujourd'hui, c'est le moyen essentiel pour discuter. Tout va plus vite avec le Net, c'est interactif, les jeunes réagissent tout de suite. Mon blog et mon émission de télé, c'est ce qui me prend le plus de temps ", explique-t-il.
Fils unique, élevé par ses grands-parents à Shanghaï, sa carrière a débuté il y a dix ans, quand il a passé un casting pour une publicité télévisée vantant des nouilles chinoises. A partir de ce moment-là, Li Chen est entré en contact avec le réseau branché de Shanghaï, pour ne plus jamais le quitter. Ses passions : la musique et la mode. Son objectif ? Que se développent les créateurs locaux aux côtés des grandes marques, comme Nike ou Lacoste. " Depuis cinq ans, les choses ont beaucoup changé, observe-t-il, la Chine est maintenant prête à impressionner le monde. "
Jay Chew, organisatrice d'événements
A 30 ans, Mme Jay semble être un pur produit de Shanghaï, jusqu'à la caricature : blonde décolorée, vêtue avec recherche dans le genre sexy frou-frou, Jay Chew a réussi dans la vie. En pointe dans le secteur de l'" événementiel ", elle organise des dîners, des cocktails pour entreprises étrangères. Et ça marche. Quand on lui demande si elle est riche, elle énonce : " Je possède mon propre appartement et j'ai deux voitures - une Audi et un coupé BMW. " Le bolide rouge sang est garé devant son bureau.
Sa réussite, Mme Jay l'associe à Shanghaï. " Ici, tout va plus vite qu'ailleurs, c'est une ville de jeunes, une cité cosmopolite en contraste avec le reste de la Chine. Pékin est plus traditionnelle, l'histoire chinoise y est plus présente. C'est une belle ville, mais son rythme est plus lent. A Canton, c'est le chaos ! Shanghaï ressemble par certains côtés à Hongkong. "
En tant que femme, Mme Jay est plutôt heureuse d'être née shanghaïenne : " Les hommes ont ici la réputation d'être des mous, des faibles. En fait, comparé aux autres Chinois, ils sont simplement moins machos, plus respectueux des femmes. " Divorcée en 2009, elle est mère d'une petite fille de 5 ans et ne songerait pas à aller habiter ailleurs en Chine. Si elle part, ce sera pour la Nouvelle-Zélande, où elle songe à investir pour décrocher un permis de résidence, voire une naturalisation...
Car tout n'est pas satisfaisant à Shanghaï : " La ville est polluée, on massacre son patrimoine à tour de bras, les gens sont pressés, obsédés par la réussite et l'argent... " Même si ce sont là des caractéristiques chinoises d'aujourd'hui, Mme Jay trouve que l'on n'a " pas vraiment le sentiment de vivre en Chine quand on habite à Shanghaï ".
Ordos " la neuve ", ville fantôme La ville donne l'impression d'avoir poussé, forme incongrue dans une steppe dont elle est l'envers du décor : en pleine province chinoise de Mongolie-Intérieure, Ordos la neuve a élevé en moins de cinq ans ses complexes résidentiels, ses bâtiments officiels de verre et d'acier, ses temples monumentaux dédiés à la culture.
La " ville-préfecture " du même nom existait déjà, à une trentaine de kilomètres de là. Cette dernière n'a pas disparu, mais son gouvernement local vient d'être déplacé dans cette nouvelle cité du futur, projet aux allures quelque peu pharaoniques qui est comme la démonstration caricaturale de la volonté chinoise d'urbaniser toujours plus, toujours plus vite, toujours plus loin. Parfois ex nihilo.
Les dimensions de la ville nouvelle sont vastes. La place centrale, située en face du siège municipal, semble réduire la Tiananmen de Pékin à des dimensions presque humaines... L'esthétique de l'ensemble est une combinaison de réalisme socialiste et de démesure propre aux régimes autoritaires où les urbanistes sont encouragés à faire preuve de mégalomanie inventive mais alourdie par le poids des concepts politico-historiques que l'on veut ici exalter : deux immenses chevaux cabrés devant les bâtiments du gouvernement sont là pour témoigner qu'Ordos la neuve est ceinturée de steppes où galopaient jadis les cavaliers mongols. Deux gigantesques séries de sculptures narrant la vie de Gengis Khan qui soulignent les liens de proximité du conquérant avec la culture chinoises et ses sages complètent l'ensemble.
Plus loin, de part et d'autre de la longue avenue qui s'élance vers les faubourgs résidentiels encore non construits, ont été érigés une bibliothèque en forme de livres inclinés, un opéra dessinant les contours d'un chapeau mongol et un musée aux formes tourmentées.
Sous le ciel immense de la haute Asie, on respire ici un air encore pur, et le piéton peut, privilège si rare en Chine, traverser sans trop regarder les larges avenues : Ordos, prévue pour accueillir une population de 300 000 habitants, est encore quasi vide.
Aux dires d'un technicien québécois venu installer l'orgue de l'une des salles de théâtre de l'Opéra, il n'y aurait encore guère plus d'une trentaine de milliers de personnes, surtout des fonctionnaires - la plupart étant rapatriés le soir venu chez eux, dans leurs résidences d'Ordos " la vieille ", l'ancien chef-lieu d'une préfecture peuplé en tout de plus d'un million d'habitants...
Le reste de la population est constitué par les étudiants de l'ultramoderne complexe universitaire et les travailleurs migrants venus achever la construction de la cité. " Ici, ce sera une ville de riches ", maugrée un ouvrier originaire du Sichuan en train de s'affairer sur le chantier du musée. Il y a en tout cas quelque chose qui frappe le marcheur déambulant dans la ville - presque - fantôme : c'est une cité sans enfants, sans familles.
Ordos serait-elle déjà un échec programmé ? Vouée à disparaître sous les sables du désert si elle devait, au pire, n'être que l'urbaine créature ratée de l'inépuisable machine chinoise à transformer et à (re)construire ? Trop tôt pour juger, répondent en substance les autorités locales.
Selon Han Junli, directrice du département de la gestion des affaires du parti et des masses - en chinois dans le texte-, Ordos est le fruit de l'un des derniers plans quinquennaux, quand on s'est aperçu que l'ancienne Ordos - dont l'architecture ne remonte guère avant les années 1970... - " ne pouvait plus répondre au développement économique ". La préfecture, dont le sous-sol regorge de charbon, est si riche que les derniers chiffres publiés à l'issue des trois premières années du 10e plan, achevé en 2005, affichaient une croissance de... 25 % !
Le premier avatar d'Ordos ne correspondait plus ni aux besoins industriels ni à l'expansion démographique. Une autre raison qui aurait été à l'origine de ce projet est le plus faible coût du foncier de ce nouveau territoire - source d'augmentation des recettes pour les collectivités locales incitant les promoteurs immobiliers à construire - ainsi que la raréfaction des réserves en eau dans la " vieille " Ordos. Le site de la nouvelle cité a également l'avantage de se trouver à 50 kilomètrs d'une grande mine et d'une usine de liquéfaction du charbon.
" Il faut réaliser que les premières pierres des complexes résidentiels n'ont été posées qu'en 2007 ", temporise Zhang Ling, du département de la construction. " Nous sommes conscients que cela prendra du temps pour peupler Ordos, qui sera exceptionnelle sur le plan du confort matériel et des possibilités d'épanouissement culturel. "
Mme Zhang anticipe les origines sociales de la future population, dont le découpage semble avoir été prévu à l'avance : " 10 000 habitants seront des éleveurs nomades mongols sédentarisés, 30 000 des salariés des groupes industriels, et le reste seront des gens venus de l'ancienne ville. Le coût du mètre carré résidentiel sera de 5 000 yuans (500 euros), mais les moins aisés, comme les éleveurs nomades ou les paysans, bénéficieront d'une subvention d'environ 2 000 yuans. "
Quant aux normes écologiques, tout a été prévu, et la fonctionnaire assure qu'Ordos sera une ville " verte " : isolations thermiques, multiplication de l'emploi de panneaux solaires, lampes type CFL, économisant l'énergie.
En attendant les jours fastes, on s'ennuie ferme à Ordos. Le musée n'est pas fini, la bibliothèque, riche de 200 000 volumes, est ouverte mais déserte, aucune voix ne s'élève des salles inachevées de l'Opéra. Malishan, 25 ans, masseuse dans un spa, vient tout juste de quitter Pékin pour suivre ici son petit ami. Elle voulait " changer de rythme ". Sur ce plan-là, elle est servie. Mais elle regrette un peu " le manque d'animation " en constatant : " Ici, il n'y a rien à faire. "
Réminiscences de la concession française Dans les rues situées autour de la résidence du consul général de France, mais aussi bien au-delà, les stigmates de l'ancienne concession française sont partout visibles : vieilles maisons normandes, villas aux fenêtres munies de volets, anciennes résidences coloniales décaties.
Dès l'imposition à la Chine de concessions étrangères par les puissances occidentales à la suite des guerres de l'Opium, Shanghaï se trouva divisée au début des années 1860 entre concessions française, anglaise et américaine. Devant le refus des Français de fusionner les trois zones, se forma alors une " concession internationale " regroupant Britanniques, Américains et plusieurs autres nations européennes.
Le territoire sous administration française se limitait au début à une soixantaine d'hectares marécageux. Mais il devait grandir et atteindre son apogée dans les années 1930. Il n'y eut cependant jamais plus d'un bon millier de Français.
En moins d'un siècle, ce coin de France doté d'un statut d'extraterritorialité (les lois chinoises ne s'y appliquaient pas) allait entrer dans la légende : il possédait ses églises, ses banques, ses écoles, ses bordels, où coexistèrent prostituées et lettrés, collabos et marxistes, réfugiés russes blancs et juifs d'Europe centrale.
Fondation du Parti communiste
Le Parti communiste chinois y fut fondé en 1921, en présence de Mao Zedong, réduit à un rôle mineur : les révolutionnaires avaient choisi la concession pour la protection que leur assurait cette zone. Ce qui ne les empêcha pas d'être délogés par la police française, qui interrompit ainsi le premier congrès du PCC !
Débarqué en 1848 avec son épouse, ses filles, sa belle-mère et sa belle-soeur, le premier consul, Charles de Montigny, allait vivre chichement dans une maison des missions catholiques, pendant que son homologue britannique, George Balfour, menait grand train. Pour la sinologue Christine Cornet, ces différences incarnaient le double projet, antagoniste, de Londres et Paris : " D'un côté, le rêve de la puissance marchande; de l'autre, celui de l'évangélisation " (In Shanghaï : histoire, promenade, anthologie et dictionnaire, Robert Laffont, " Bouquins ", mai 2010).
" L'histoire de Shanghaï est paradoxale ", remarque Claude Jaeck, un homme d'affaires qui y est établi depuis neuf ans et anime l'association du Souvenir français : " Pour les Chinois, les concessions étaient un chancre, une greffe occidentale sur leur territoire. Mais Shanghaï est aussi devenue ce qu'elle est parce que ces mêmes concessions ont permis à la ville de s'ouvrir sur l'économie mondiale et de rompre avec la société traditionnelle. Les concessions, notamment la française, furent le berceau, le creuset d'une liberté d'expression et la garantie d'une liberté relative pour syndicalistes et opposants. "
Après la défaite française de 1940, Vichy reprit le contrôle d'une concession dont il finit par céder le statut d'extraterritorialité au collaborateur chinois pro-japonais Wang Jingwei. L'arrivée des troupes de Mao Zedong en 1949 sonna le glas de la concession.
La mue d'une ville-monde Quoi de plus symbolique pour Shanghaï, ville-monde, que cette Expo 2010 et ses pavillons représentant la planète entière ? A la fin des années 1990, Shanghaï, en pleine expansion depuis la " réouverture " de la Chine au reste du monde, s'était dotée de quartiers thématiques adoptant le style anglais ici, le style italien là-bas, l'allemand ailleurs, ou encore l'espagnol, le hollandais... et ce dans chacune des neuf villes satellites désignées pour accueillir son redéploiement ! Des concepts en phase avec l'Histoire, puisque Shanghaï a commencé à prospérer lorsqu'elle est devenue une porte d'entrée pour les étrangers sur le marché chinois, mais aussi une fenêtre sur le monde pour une Chine avide de modernisation.
Au seuil de cette deuxième décennie du XXIe siècle, la mégapole est plus que jamais au croisement de ces deux appétits : celui du monde pour la Chine et celui de la Chine pour le monde. Près de 230 multinationales y ont établi leur siège asiatique, fruit d'efforts ciblés de la municipalité pour prendre le leadership, devant Hongkong et Singapour. Vingt ans après le lancement de Pudong, le spectaculaire quartier d'affaires établi de l'autre côté de la rive du Huangpu, dix ans bientôt depuis l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a fait de Shanghaï le premier port du monde, la ville a reçu comme mission de devenir un centre financier international d'ici à 2020 - ce qu'elle n'est pas encore.
Au sud du Bund, l'ancien Wall Street d'Asie avec son alignement d'immeubles des années 1920 et 1930, tous d'anciens sièges de banques étrangères, un gigantesque site a été vendu aux enchères, en mars, au promoteur immobilier Zendai, pour édifier dès 2011 un nouveau quartier d'affaires consacré à la finance. Services logistiques, notamment autour des transports maritimes et fluviaux, mais aussi high-tech sont les autres volets de cette montée en gamme. Les usines sont incitées à quitter Shanghaï, et les centres de recherche et développement sont accueillis à bras ouverts : quelque 274 centres étrangers de " R&D " ont sauté le pas. D'abord venues effectuer de la veille, des études marketing et adapter leur production, les entreprises internationales sont de plus en plus nombreuses à se livrer à la recherche fondamentale. Il s'agit d'innover, et les chercheurs sont en majorité chinois.
Ce bouillonnement, dont l'argent est le moteur, provoque un drôle de métissage. On vient à Shanghaï de tout le pays pour tenter sa chance et réaliser sa part de fantasme : " Shanghaï me fait rêver. Il fallait que je vienne. Je veux être trader ", dit Song Chengcheng, étudiant de troisième année en finance, originaire du Hunan, sur le campus de l'immense ville universitaire de la ville nouvelle de Songjiang.
On y revient de toutes les Chines de la diaspora : Taïwanais, Hongkongais, Sino-Américains, Singapouriens, ils sont plusieurs centaines de milliers à s'être installés Shanghaï. A la tête de filiales de multinationales, ils sont avocats, designers, entrepreneurs, et contribuent à la revitalisation des idées et des savoir-faire locaux. " C'est ici que ça se passe ", résume la directrice taïwanaise d'un éditeur de magazine.
L'afflux d'Occidentaux, parfois en quête d'un Graal qui tourne à l'aigre, rappelle l'attrait qu'exerçait Shanghaï dans les années 1920 et 1930. Tous ces néo-Shanghaïens forment une espèce mutante, produit de la Chine mondialisée. Ils sont acquis à l'individualisme : rien d'étonnant dans cette ville où certains, Chinois compris, ont le sentiment de ne pas être en Chine. Avec un tel métissage, le " Paris de l'Orient " aurait-il oublié ses racines ? " Pas du tout !, rétorque Sylvie Levey, réalisatrice française qui vit à Shanghaï depuis une dizaine d'années : " Shanghaï est à la fois l'une des Chines, et un pot-pourri de toutes les autres Chines, ce qui fait d'elle beaucoup plus qu'une simple vitrine de la mondialisation à la chinoise. " Comme l'écrivait le journaliste Albert Londres, mort à son retour de Chine en 1932 dans l'incendie du paquebot qui le ramenait en France : " Shanghaï, ville américaine, anglaise, française, italienne, russe, allemande, japonaise et, tout de même, un peu chinoise, est un phénomène sans pareil au monde. "
Commerçant et financier, le Gotham chinois cristallise les désirs des spécialistes en marketing venus du monde entier, qui en font la devanture tape-à-l'oeil des produits qu'ils veulent vendre aux Chinois. Les faiseurs de relations publiques sont partout, jusqu'à la caricature. Conséquence, la société civile est réduite ici à la portion congrue. On peine à trouver une organisation non gouvernementale (ONG) chinoise digne de ce nom, alors qu'elles pullulent à Pékin, Kunming, Chengdu... Quant au rayonnement culturel qu'on pourrait espérer d'une telle Babel, il n'est pas encore vraiment au rendez-vous en dépit de la prolifération de galeries d'art et des rénovations architecturales : " Il manque quelque chose à Shanghaï ", regrette la créatrice de mode Ni Zhihua, qui vient de rentrer de Paris après deux ans d'études : " Les gens n'ont pas tellement d'appétence pour la culture. "
Han Han, célèbre blogueur shanghaïen, est plus caustique : " Quand Paris dit qu'elle a un beau parc, de grands hôtels, une belle avenue, les officiels de Shanghaï répondent : "Nous aussi." Mais quand il s'agit de réalisateurs, d'écrivains, d'artistes... il n'y a plus personne. " Il faut dire que le pouvoir local comprime encore plus durement ici qu'ailleurs les espaces de liberté : " Les officiels de Shanghaï ont tendance à serrer les boulons, car ils sont en général destinés à de hautes fonctions à Pékin. Ils ne veulent pas d'éléments perturbateurs ", poursuit-il. Han Han tente, pour l'instant en vain, d'obtenir à Shanghaï le feu vert pour la publication d'un magazine qui accueillerait des essais littéraires libres.
Des dirigeants aussi importants que l'ancien président Jiang Zemin, l'ex-premier ministre Zhu Rongji, l'actuel vice-président Xi Jinping sont passés par Shanghaï. Mais la ville a souffert de la double " punition " imposée à Shanghaï par Pékin en un demi-siècle en raison de sa réputation sulfureuse de bordel de l'Asie avant-guerre et pour avoir été le repaire de la " bande des quatre " de sinistre mémoire durant la Révolution culturelle.
Brice Pedroletti et Bruno Philip
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