Dans un paysage de petites montagnes verdoyantes ondulant jusqu'à l'horizon, sans le moindre signe de vie humaine, le grillage électrifié de quatre mètres surmonté de barbelés, qui ondoie sur 280 kilomètres d'est en ouest, suivant les lignes de crête pour redescendre ensuite dans les vallées, délimite la zone démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corées depuis l'armistice de 1953. Au-delà, à deux kilomètres, court la ligne de démarcation. De part de d'autres de la DMZ, se font face bunkers, pièces d'artillerie et deux armées sur le pied de guerre.
A une vingtaine de kilomètres au nord de la ville de Yanggu, au poste de garde du sommet de la " cote 931 ", règne le plus grand calme. Mais dans le climat de tension provoqué par la mise en cause de la Corée du Nord par Séoul dans le naufrage de sa corvette Cheonan, qui s'est traduit par une escalade verbale, le moindre incident le long de la DMZ - provoqué ou non - peut dégénérer, estiment des sources militaires.
Pour l'instant, le Sud n'a pas encore remis en marche, comme il l'avait annoncé, les gigantesques haut-parleurs qui, le long de la DMZ, déversaient des décibels de propagande en direction du Nord. Une guerre psychologique stoppée depuis six ans. Si ces émissions reprennent, a mis en garde Pyongyang, ces équipements seront la cible de tir d'artillerie.
Les Coréens du Sud ont certes l'habitude de flambées de tension récurrentes dans la Péninsule mais, cette fois, l'appréhension est plus forte. Une inquiétude qui a entraîné en début de semaine une chute du marché boursier. Le naufrage du Cheonan, qui a causé, en mars, la mort de 46 marins sud-coréens, a profondément choqué l'opinion. Une équipe d'enquête internationale a conclu que la corvette de 1 200 tonnes avait été torpillée par un sous-marin nord-coréen, ce que nie Pyongyang.
Le président Lee Myung-bak a promis de " faire payer son agression " à la République démocratie populaire de Corée (RPDC) en imposant de nouvelles sanctions et il a annoncé la saisine du Conseil de sécurité des Nations unies. Séoul a réintroduit la notion d'" ennemi principal " pour designer la RPDC tandis que celle-ci se déclare prête à une " guerre totale " et a placé le pays en état d'alerte. Tous les contacts entre les deux Corées ont été rompus. Seules les communications entre militaires ont été maintenues.
Soutien équivoque de Pékin
Mercredi, dans la zone industrielle de Kaesong (en RPDC, à une vingtaine de kilomètres au nord de la DMZ) où a investi une centaine d'entreprises du Sud employant 40 000 Coréens du Nord, huit fonctionnaires sud-coréens ont été expulsés. Mais, pour l'instant, l'activité se poursuit sur ce site, symbole du rapprochement des deux Corées : Pyongyang autorise chaque matin des ingénieurs du Sud à franchir la frontière entre les deux pays.
Au cours d'une escale à Séoul, mardi, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a assuré Séoul du soutien américain et elle a appelé à une " réponse ferme et mesurée " à l'encontre de la RPDC. Mme Clinton arrivait de Pékin où elle n'avait obtenu qu'un soutien équivoque de la Chine, principale alliée de la RPDC. Les dirigeants chinois ont déclaré qu'ils procédaient à leur propre " évaluation " de l'affaire et qu'ils espéraient que " les parties garderont leur calme ". Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, est attendu vendredi à Séoul : il est peu vraisemblable qu'il sera plus explicite.
A la veille d'élections locales, le 2 juin, la tension avec le Nord est au centre de la campagne : l'opposition accuse le gouvernement d'être à l'origine d'un retour à une situation de confrontation en raison de sa politique intransigeante à l'égard de la RPDC en rupture avec celle de ses prédécesseurs de centre gauche, qui visait un rapprochement inter-coréen.
Philippe Pons
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