mercredi 19 mai 2010

La répression de la corruption en Chine doit trouver un juste milieu

Le Monde - Economie, jeudi, 20 mai 2010, p. 15

En Chine, les entrepreneurs véreux n'ont qu'à bien se tenir. C'est en quelque sorte le message envoyé par la justice chinoise après la condamnation du magnat de l'électronique Huang Guangyu à quatorze ans de prison. C'est un signal fort pour un pays en rapide croissance, bien que la mesure ne semble s'appliquer encore que de façon trop sélective.

Huang Guangyu, fondateur de Gome, la première chaîne chinoise de matériel électrique et électronique et ancienne plus grande fortune de Chine, ne semble pas avoir été si durement sanctionné, au regard des précédentes affaires traitées par la justice chinoise.

En effet, sa condamnation pour " pots-de-vin, délit d'initié et pratique d'affaires illégales " est comparable à celle des employés du groupe minier multinational Rio Tinto, récemment reconnus coupables de corruption passive. Alors que, pour une infraction du même type, la justice chinoise avait pourtant décrété en avril la " peine de mort avec sursis " à l'encontre d'un employé de la Banque de développement de Chine.

Mais le cas de M. Huang reste un exemple hautement symbolique. Depuis son arrestation il y a un an, le célèbre homme d'affaires, désormais tombé en disgrâce, était devenu la figure de proue d'une génération d'entrepreneurs chinois qui avaient fait fortune à une époque où la réussite passait par l'usage de pratiques peu scrupuleuses. Il aurait été très difficile de les éviter alors que capitalisme chinois n'était qu'à ses balbutiements. Mais les délits commis par M. Huang datent de 2007 et 2008, donc bien après les réformes du marché et lorsque Gome était déjà bien établi dans le paysage économique chinois.

Inégalité croissante

M. Huang n'est probablement pas un cas unique en Chine. Et son arrestation pourrait être en grande partie liée au fait qu'il ne soutenait pas les bonnes personnes dans les hautes sphères. En outre, l'inégalité croissante est généralement une incitation à la criminalité économique, et la Chine est aujourd'hui un pays avec de très fortes inégalités. Des chercheurs affiliés au gouvernement chinois ont même donné l'alerte la semaine dernière : les inégalités atteignent un niveau dangereux, elles auraient doublé par rapport à la mesure officielle de 1983.

Les peines infligées suite à la cupidité de quelques entrepreneurs de haut vol devraient avoir un effet dissuasif. Mais elles sont également utilisées à des fins politiques, afin d'apaiser la grogne de ceux qui ne peuvent pas profiter de l'expansion économique rapide de la Chine. Le véritable défi pour les autorités chinoises reste donc de décider où placer la barre dans leurs mesures punitives. Car si la Chine dénichait et punissait autant de Huang qu'il y a de suspects, les investisseurs pourraient finir par perdre confiance dans ce système.

John Foley

(Traduction de Séverine Gautron)

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PHOTO - Chinese traffic police officers monitor delegates arriving at the Great Hall of the People to attend a session of the annual National People's Congress in Beijing, China, Thursday, March 11, 2010.

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