C'est une épidémie qui inquiète la Chine. En un mois, cinq attaques contre des établissements primaires et des maternelles ont provoqué la mort d'au moins huit enfants et fait des dizaines d'autres petits blessés. À chaque fois, la violence déployée contre des êtres sans défense est inouïe. L'affaire a commencé à prendre un tour social et politique embarrassant, obligeant Pékin à réagir au plus haut niveau.
Lors de la dernière en date, à Weifang dans le Shandong, un homme a agressé 5 enfants et un enseignant à coups de marteau, avant de s'immoler par le feu en tenant deux bambins dans les bras. La veille, à Taixing dans la province du Jiangsu, un homme de 47 ans avait pris d'assaut une maternelle avec un couteau de 20 cm, blessant 29 enfants, dont 5 sérieusement, et 2 professeurs. Le jour d'avant encore, un ancien professeur de 33 ans avait blessé au couteau 15 élèves d'une école primaire de Leizhou, dans le Guangdong. La plus grave tuerie a eu lieu le 23 mars, quand un homme a tué au couteau 8 élèves de 6 à 11 ans dans une école du Fujian.
Les écoles ont désormais des gardes de sécurité et des policiers à l'entrée. Sur l'Internet chinois, cette folle contagion est devenue le sujet de discussions numéro un, la colère grandissant contre l'incapacité des autorités à protéger la jeunesse chinoise. Les dirigeants ont pris la mesure du risque de « déstabilisation sociale » posé par ces tragédies. D'autant que les consignes du département de la Propagande de taire le sujet dans les médias pour se concentrer sur la fête de l'Exposition de Shanghaï n'ont guère été appréciées. Sur le Web, les accusations de dissimulation du nombre exact de victimes ont fait tache d'huile.
Sentiment d'« injustice sociale »
Le « tsar de la sécurité » chinoise, l'ancien ministre de la Sécurité publique Zhou Yongkang, devenu l'un des « neuf » du comité permanent du bureau politique du parti, a décrété la sécurité dans les écoles « tâche politique cruciale ». Côté répression, la justice a été rapide car le meurtrier du Fujian a été jugé, condamné à mort et exécuté en un mois. Mais Zhou a aussi appelé à une évaluation du système permettant de « réduire les conflits sociaux » et de prendre en compte les maladies mentales. Selon la presse chinoise, la plupart des attaquants avaient ressenti de graves « injustices sociales » ou déboires professionnels avant de passer à l'acte.
Spécialiste de la fameuse « stabilité sociale » à l'Académie des sciences sociales, Yu Jianrong explique que la nouvelle société chinoise a des responsabilités dans ces drames, avec « un creusement des inégalités » et « peu d'empathie pour les laissés-pour-compte ». Du coup, des désespérés « se vengent atrocement contre plus faibles qu'eux encore ».
Sun Liping, sociologue de l'université Tsinghua, écrivait récemment que la Chine accélère vers une « déroute sociale ». En affirmant que, plus que les émeutes et troubles sociaux dont le gouvernement fait grand cas, la menace viendra à terme d'une société dont le manque de valeurs précipite la désagrégation des structures.
© 2010 Le Figaro. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire