mercredi 19 mai 2010

L'Oréal veut conquérir 300 millions de nouveaux consommateurs en Chine

Les Echos, no. 20680 - Industrie, mercredi, 19 mai 2010, p. 21

C'est en Chine que L'Oréal compte aller chercher une grande partie de ses consommateurs de demain. Le groupe, numéro deux du marché des cosmétiques dans le pays y vise 1 milliard d'euros de ventes cette année. Il vient de s'y lancer dans les shampoings, pour concurrencer Procter & Gamble.

Dans la file d'attente pour visiter le pavillon français à l'Exposition universelle de Shanghai, les plus patients sont récompensés. L'Oréal, sponsor de la manifestation, leur distribue des échantillons de ses produits, notamment des crèmes pour se protéger des rayons ultraviolets. Des articles très utilisés dans le pays. « Les organisateurs nous ont demandé de leur fournir en plus 100.000 produits contre le soleil pour les volontaires qui travaillent sur l'exposition », relève Paolo Gasparrini, le président de L'Oréal en Chine. Une belle façon pour le groupe français d'accroître encore sa notoriété dans le pays.

Quand l'entreprise a débarqué il y a quatorze ans, au début de l'expansion économique, « personne n'en avait jamais entendu parler, il a fallu tout construire », rappelle le dirigeant. Aujourd'hui, le champion tricolore y occupe la deuxième place du marché des cosmétiques, avec près de 12 % des ventes, derrière l'américain Procter & Gamble, qui avait dix ans d'avance sur son concurrent. Vient ensuite le japonais Shisheido, avec 7,7 % du marché. Mais le champion tricolore revendique la croissance la plus rapide. L'an dernier, ses ventes y ont atteint 862 millions d'euros, en hausse de 25 % à données comparables. Entre 2004 et 2009, son chiffre d'affaires y a été multiplié par 3, avec l'objectif d'atteindre 1 milliard d'euros cette année. Aujourd'hui, la Chine est le cinquième marché du groupe et l'un des plus rentables.

Cette dynamique est capitale. Car, sur le milliard de nouveaux consommateurs qu'il veut conquérir dans les dix ans, les Chinois forment la première cible. « Nous visons 650 millions de nouveaux clients dans la zone Asie-Pacifique, dont la moitié en Chine », indique Jochen Zaumseil, directeur de la zone.

Le pari ne paraît pas impossible à tenir. La Chine a une longue tradition dans les cosmétiques. Les vieilles Chinoises utilisaient autrefois l'eau du riz pour hydrater leur peau. Et, aujourd'hui, le marché progresse de 10 % par an.

Du luxe au supermarché

Déjà, Lancôme est la première marque de luxe dans le pays devant Estée Lauder et L'Oreal Paris s'impose comme leader dans la grande distribution. « Les marques chinoises perdent du terrain au profit des marques internationales qui offrent une plus grande qualité et répondent mieux aux aspirations des gens », assure Paolo Gasparrini. Excepté Bawang, des shampoings soutenus par l'acteur vedette Jackie Chan, les neuf leaders du marché sont des groupes internationaux. L'Oréal est présent dans tous les circuits de distribution, du luxe au supermarché, avec 19 marques. Il a notamment lancé la marque américaine Kiehl's il y a un an. L'essentiel de l'activité est centré sur les soins pour la peau. L'utilisation de maquillage est en effet interdit en Chine avant l'âge de dix-huit ans. Il n'est pas autorisé à l'université ni dans les entreprises publiques. Son développement n'est donc pas aisé. Le groupe n'a en revanche pas de parfums en Chine, où les femmes n'y ont pas recours. « Elles n'aiment pas ces odeurs, car elles ne veulent pas se différencier », indique Carole Long, spécialiste de la peau dans le groupe.

Pour poursuivre son essor, L'Oréal a donc dû innover. Le groupe s'est attaqué à un nouveau marché restreint, mais en plein essor, celui des cosmétiques pour hommes (lire ci-dessous). Il s'est aussi lancé sur les soins pour cheveux, un domaine important dans lequel il n'était pas présent jusque-là en Chine. Largement dominé par Procter, ce segment représente 25 % du marché chinois des cosmétiques. L'Oréal a ainsi lancé en septembre dernier un shampoing sous sa marque L'Oréal Paris, dont il espère beaucoup.

Perspective d'aggrandissement

Jusque-là, le fabricant s'était concentré sur le coeur du marché, les soins pour la peau (56 % ventes), avec des formules adaptées. Les Chinoises, dont les premières rides apparaissent environ une dizaine d'années plus tard que pour les peaux de type caucasien, connaissent ensuite un processus accéléré de vieillissement. « Elles veulent des produits anti-âge pour les yeux ou le menton dans une perspective plus de prévention que de traitement », note Lin Xinrong, qui travaille sur le sujet dans les laboratoires de L'Oréal. Les produits de blanchiment sont aussi recherchés, non pas pour éclaircir la peau, mais pour cacher les taches et ne pas avoir un teint « jaune et terne ».

La fabrication de ces produits est assurée en grande partie localement. Dans son usine de Suzhou, entrée en service en 1997, plus de 80 % de la production sont destinés au marché chinois et le reste à l'Asie. Seuls les produits Lancôme et les lignes Vichy et la Roche Posay sont importés. L'Oréal dispose aussi d'une unité de maquillages près du barrage des Trois Gorges. « Nous sommes en train d'acheter des terrains dans une perspective d'aggrandissement », confie Paolo Gasparrini. Au total, le groupe emploie 2.500 salariés directs en Chine.

DOMINIQUE CHAPUIS (À SHANGHAI)

PHOTO - L'Oreal cosmetic and beauty products are seen in a hairdresser shop in Nice, southern France, November 5, 2008. For years the undisputed leader at high-end hair salons, L'Oreal is losing its shine as hair stylists turn to cheaper products from rivals such as Germany's Wella and Schwarzkopf to weather an economic downturn. L'Oreal, founded in 1909 as a hair dye company, denied it was losing market share in France or anywhere else in Europe and said professional sales in France continued to grow in recent months. Photo taken November 5, 2008.

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