La préfecture de Paris doit décider demain si cette Chinoise, en liberté conditionnelle, sera renvoyée dans son pays, laissant derrière elle ses deux enfants français.
La dernière fois, c'était Emma (1) qui ne voulait pas partir. «Maman, quand est-ce qu'on pourra dormir chez toi ?» Li les a pris tous les deux dans ses bras. Sa «petite» de 8 ans, Emma, et son «grand», Luc, 10 ans. Elle a murmuré : «Bientôt».
Les professionnels de l'aide sociale à l'enfance chargés d'encadrer ces visites ont écrit qu'il serait bon que la mère et les enfants se voient plus souvent, et plus longtemps. Qu'après quatre ans et demi de séparation forcée, il fallait, certes, prendre le temps, mais que l'amour, l'attention, l'affection étaient là. «Les meilleures conditions possibles» pour envisager un retour des enfants auprès de leur mère.
«menace grave». C'était compter sans la préfecture de Paris, qui a engagé une procédure d'expulsion contre Li. Motif : elle a été condamnée en 2007 pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Bien que résidant en France depuis douze ans et mère de deux enfants français, Li, chinoise, constitue donc, aux yeux de la préfecture, «une menace grave pour l'ordre public». Le fait qu'elle ait purgé sa peine en détenue exemplaire et soit aujourd'hui en liberté conditionnelle ne semble pas compter. Le fait qu'elle représente, pour Luc et Emma, le seul espoir d'une vie familiale enfin apaisée, non plus. Li doit partir, et Luc et Emma, grandir seuls.
«C'est une double peine, celle que Nicolas Sarkozy a soi-disant supprimée, s'insurge l'avocate de Li, Me Marie Dosé. Les cours d'assises qui l'ont jugée ont décidé de ne pas prononcer d'interdiction du territoire. Et voilà la préfecture qui l'expulse en disant se fonder sur le jugement d'assises !» L'histoire de Li, dit son avocate, est aussi «celle d'un sort qui s'acharne».
Née à Shanghai, Li a 37 ans lorsque, en 1998, elle rencontre Jean, un Français passant ses vacances en Chine. Il a douze ans de plus qu'elle, un diplôme d'HEC et de jolies formules. Il lui parle de la «belle vie» qu'ils auraient en France, lui prof dans une boîte privée, elle qui gagnerait «beaucoup plus» qu'avec son salaire de vendeuse à Shanghai, et les enfants qu'ils auraient... Elle signe. Epouse Jean. S'installe avec lui à Loches (Indre-et-Loire), puis à Paris. Luc naît en 1999, Emma en 2001. La «belle vie» se passe enfermée entre quatre murs, à s'occuper du ménage et des enfants, à obéir aux «listes de conditions» que Jean affiche. «1 : répondre aux questions, 2 : faire ce qui est prévu de faire, 3 : être à l'heure, 4 : ne pas critiquer, 5 : pas de jalousie, 6 : priorité au travail, 7 : penser à l'argent.»
«coups de pied». Il y a aussi les coups, que Jean reconnaîtra plus tard sans remord apparent : «Elle sait prendre les coups. Je me souviens une fois lui avoir donné de très gros coups de pied sur le bras, elle s'est relevée souriante.» Il y a enfin les absences de son mari, longues, répétées, jamais expliquées. Peu après leur mariage, il lui a dit vouloir «sept enfants, de cinq femmes différentes». Il a déjà commencé avec sa première femme, une Malgache, avec qui il a un fils de 11 ans. Il dit que «la suivante sera une Japonaise». Ses maîtresses, a souligné la justice, sont «toutes des femmes étrangères, seules, isolées et démunies», qu'il maintient dans une position «d'esclaves».
Un jour, Li découvre dans l'appartement un document portant le nom de Jean mais avec une autre adresse. Elle s'y rend. Là-bas, Li tombe face à Kim, une Vietnamienne qui vit avec son bébé. Kim est la maîtresse de Jean, le bébé son fils. Il est habillé avec les anciens habits de Luc et Emma. Il est assis dans leur ancienne poussette. Il joue avec leurs anciens jouets. Li explose. Les deux femmes se battent. Kim a le crâne fracassé. Elle décède quelques heures après.
«détresse». Le 6 octobre 2006, la cour d'assises de Nanterre condamne Li à cinq ans de prison. Le parquet fait appel et, en octobre 2007, elle est condamnée à dix ans. Luc et Emma se retrouvent avec leur père qui les place en internat. Ils le voient certains week-ends. Jusqu'en 2008, où les services sociaux décident d'interdire tout contact. Jean a expliqué à Luc et Emma que leur mère voulait les tuer et leur a décrit longuement le meurtre et l'autopsie de Kim. Les psys décrivent un mode de relation «pervers» à ses enfants, en «réelle détresse» face aux «violences psychiques et verbales» de leur père.
Le 31 mars 2008, quatre ans et demi après son incarcération, Li sort de prison. Elle retrouve pour la première fois Luc et Emma, le père ayant réussi à empêcher toute visite. Elle pleure de les trouver «si grandis». Il a fallu à nouveau s'apprivoiser, cravacher pour trouver un emploi, un logement avec deux lits superposés. Aujourd'hui, dit Li, «on est à nouveau une mère et ses enfants». Si elle part, dit l'aide sociale à l'enfance, les conséquences seront dramatiques pour Luc et Emma. Une commission a rendu un avis défavorable à l'expulsion. C'est à la préfecture de trancher, demain.
(1) Les prénoms ont été modifiés
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