jeudi 17 juin 2010

COMMERCE - La Chine et l'Europe s'interrogent sur leur avenir commun

Les Echos, no. 20700 - International, jeudi, 17 juin 2010, p. 11

La crise suscite interrogations et inquiétudes en Chine comme en Europe. Car le partenariat commercial entre les deux puissances s'est élargi à d'autres domaines - gouvernance mondiale, aide au développement, enjeu climatique, etc.

Et si les entreprises européennes avaient « trop misé » sur la Chine ? La question vient de la Commission européenne et du numéro deux de la Direction générale du commerce, Mauro Petriccione. « Elles ont investi. Or les changements espérés tardent à venir. La Chine, elle, se demande si elle n'a pas trop ouvert son économie aux étrangers. » Le débat est symptomatique de l'évolution de la relation sino-européenne. Il était hier le thème d'un colloque au ministère de l'Economie, à Paris. Longtemps limité à une relation commerciale, le dialogue Union européenne-Chine s'est élargi au changement climatique, à l'aide publique au développement ou à la réforme du système monétaire international. Cela s'accompagne d'inquiétudes.

« Il reste des lacunes importantes en matière de transparence commerciale », critiquait fin mai le représentant européen à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), John Clark. Les entreprises présentes en Chine s'efforcent pourtant de faire bonne figure. « Pour toute entreprise globale, il faut être en Chine !, lance le président du comité France-Chine du Medef, Jean-Pascal Tricoire - le patron de Schneider Electric. On n'est pas en Chine pour être en Chine, mais parce qu'il y a des partenaires aux intérêts convergents. » Louis Gallois est, lui aussi, fier d'y être. Pourtant, il s'interroge. « Ne sommes-nous pas en train de préparer nos concurrents ? Peut-être, probablement même. Mais ce partenariat nous a donné accès au marché le plus dynamique du monde dans nos métiers. » Les entreprisesprésentes en Chine ont « plus de doutes qu'avant, poursuit Mauro Petriccione. Evidemment qu'il faut être en Chine, mais il faut y être bien ! »

D'autres inquiétudes

La Chine suscite d'autres inquiétudes. Les 13 contrats de plusieurs centaines de millions d'euros signés lundi avec la Grèce ne laissent pas indifférents. « C'est une très bonne nouvelle que l'intérêt chinois se porte sur la Grèce, mais aussi une très mauvaise au moment où le pays est en crise et où les actifs sont dépréciés », commente François Godement, directeur de l'Asia Centre de Sciences po. Le rôle de la Chine en Afrique inquiète aussi. « La Chine ne pille pas l'énergie et les matières premières des Africains. Seulement 11 % du pétrole africain sont exportés vers la Chine contre 36 % vers les Etats-Unis et 33 % vers l'Europe », rétorque l'ambassadeur de Chine en France, Kong Quan.

Il y a « beaucoup de difficultés dans la relation Europe-Chine », admet le directeur général adjoint du Trésor au ministère de l'Economie, Benoît Coeuré. A l'heure où, selon lui, « la clef de la reprise est aux mains des autorités chinoises - et non du G20 », il veut toutefois voir le bon côté des choses. Sur le plan financier, la Chine a été « pourvoyeuse de stabilité », juge-t-il. Les problèmes de propriété intellectuelle et d'accès aux marchés publics ? « Tout cela est sans doute vrai, souligne la ministre de l'Economie, Christine Lagarde. Mais nous sommes désireux de voir des entreprises chinoises s'implanter en France et des entreprises françaises s'implanter en Chine. »

On est à la fin d'une époque, observe François Godement. « L'éléphant chinois est entré dans tous les circuits de l'économie européenne. Il y est entré commercialement et il est à la veille de le faire dans les domaines financier et monétaire. Il ne faut pas le craindre, mais les Européens doivent répondre de façon coordonnée et lucide. » Le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn se veut, lui aussi, confiant. Il s'attend « à une réévaluation progressive du yuan ». « Attention, cependant, à ce que les Européens laissent aux Chinois la place qu'il [leur] revient », prévient-il. A défaut, le seul débat des années à venir « serait entre la Chine et les Etats-Unis ». A l'automne 2009, les dirigeants chinois ont qualifié la relation Chine-Etats-Unis comme étant la plus importante, rappelle François Godement.

MARIE-CHRISTINE CORBIER

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