Liu Kaiming, directeur de l'Institute of Contemporary Observation
Depuis quelques semaines, plusieurs crises dans des entreprises du sud de la Chine ont semblé mettre en lumière le mal-être d'une partie des ouvriers chinois. Pourquoi cette soudaine explosion ?
D'abord, il convient de pointer que ces conflits salariaux ne sont pas nouveaux. Entre 2004 et 2007, nous avions déjà recensés dans les usines, notamment du sud, plus de 5.000 actions collectives et notamment des centaines de grèves. En 2008, ces mouvements ont même été plus nombreux encore. Ils illustrent une évolution profonde de la main-d'oeuvre migrante du pays qui constituent l'essentiel de la population ouvrière. Désormais, plus de 50 % de ces travailleurs migrants venus des campagnes pour faire tourner les usines et les chantiers sont nés dans les années 1980 ou 1990 après le lancement des réformes économiques et ont donc un profil totalement différent de celui de leurs parents qui avaient composé la première vague de migrants.
En quoi sont-ils si différents ?
Leurs parents avaient connu la dureté de la vie agricole. Lorsqu'ils étaient venus travailler en ville, ils cherchaient à accumuler de l'argent pour financer la construction d'une maison et l'éducation de leur enfant resté à la campagne. La nouvelle génération n'a pas ces contraintes. Tous ces jeunes ne viennent pas pour assurer la survie de leur famille mais pour réaliser leurs rêves de développement personnel. Ils veulent tous commencer une « affaire » mais s'aperçoivent vite qu'ils gagnent toujours peu d'argent et ne peuvent s'intégrer à la ville où le coût de la vie a explosé. Ils ont l'impression de n'avoir aucun avenir. Cela alimente les frustrations et peut encourager les revendications.
Les conflits devraient donc se multiplier ?
C'est probable mais, pour l'instant, ils restent très contenus. Les revendications ne portent que sur des situations personnelles. Il n'est jamais question de remise en cause du système et on ne parle pas de politique. On a bien vu ici ou là sur des forums internet, quelques commentaires faisant référence aux questions de la représentation syndicale et le nom de Solidarnosc est parfois évoqué. Mais ce sont des cas très isolés.
Comment doivent répondre le gouvernement et les entreprises ?
Le pouvoir veut encourager le dialogue entre le management et les employés. Tant que les actions collectives n'entraînent pas de troubles sociaux, c'est acceptable pour les autorités. Le gouvernement central dit d'ailleurs qu'il souhaite une hausse des salaires des ouvriers. Les entreprises vont donc devoir progressivement s'adapter aux exigences de la nouvelle génération. Elles vont devoir accepter des hausses de salaires mais aussi améliorer les conditions de travail, modifier la gestion des ressources humaines pour proposer des évolutions de carrière et revoir leur communication interne. Ces jeunes migrants vont redessiner le modèle du « made in China ».
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