Les récentes statistiques chinoises montrent une baisse tendancielle du nombre de jeunes, qui pourrait bouleverser le modèle économique du pays.
Si les parents ont scruté avec angoisse, début juin, les performances de leur progéniture au « gaokao » - l'équivalent du baccalauréat en Chine -, les économistes ont eux aussi guetté avec impatience les statistiques nationales sur cet examen. Tentant de mesurer l'accélération du vieillissement de la population chinoise, ils surveillent le nombre d'inscrits aux différents tests marquant la vie scolaire des jeunes Chinois. « Et nous estimons maintenant que le nombre de candidats a reculé en 2009 et 2010. Après un pic de 10,5 millions de personnes en 2008, ce chiffre a reculé de 8 % pour atteindre 9,6 millions cette année », explique Stephen Green, l'économiste en chef de la Standard Chartered Bank. Pour confirmer l'émergence de ce virage démographique, l'analyste a également mesuré le nombre d'inscrits dans les écoles primaires et les collèges du pays. Et toutes ces données montrent que la Chine, qui vit toujours la règle de l'enfant unique, a de moins en moins de jeunes.
« Point de pénurie »
A terme, pointent les économistes, cette raréfaction de la main-d'oeuvre pourrait bouleverser le modèle économique chinois, qui a été construit depuis les années 1980 sur l'abondance d'une main-d'oeuvre bon marché et jeune venant des campagnes pour travailler dans les usines, les restaurants et sur les chantiers des pôles urbains de la côte est. La Chine est en train de faire l'expérience du « point de pénurie », prévient Stephen Green. Cette phase, mise en évidence par Arthur Lewis, marque le passage entre un développement économique basé sur un réservoir de main-d'oeuvre illimité, notamment lié au sous-emploi agricole, à une phase plus tendue où l'épuisement de ces flux massifs de travailleurs entraîne une poussée des rémunérations et une amélioration des conditions de travail. « Inévitablement, cette évolution stratégique de la démographie va entraîner une pression structurelle sur les salaires », résume Wang Tao, une économiste d'UBS.
Tout en pointant cette mutation profonde, les économistes refusent de proclamer la fin prochaine du travail bon marché en Chine. Des dizaines de millions d'ouvriers ne gagnent encore que 1.500 yuans par mois (178 euros) dans le pays et chaque année des millions de personnes abandonnent les zones rurales, où les ménages ne gagnent en moyenne que 40 euros par mois, pour tenter leur chance dans les grandes villes.
Le piège démographique devrait toutefois pousser les entreprises du pays à négliger les activités de faible valeur ajoutée, à envisager des relocalisations ou à revoir leur fonctionnement, leur approche marketing ou encore leur logistique pour doper leur productivité.
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