Séoul commémore la guerre de Corée dans la tension Soixante ans après le début de ce conflit meurtrier, la péninsule reste le dernier théâtre de la guerre froide.
Ce jour-là, la guerre froide est devenue chaude. Le 25 juin 1950, il y a tout juste soixante ans, les troupes du dictateur nord-coréen Kim Il-sung se ruaient au sud du 38e parallèle, avec l'appui de Staline, pour conquérir en quelques semaines Séoul et presque l'ensemble de la péninsule. Une offensive éclair qui allait déclencher l'intervention des États-Unis, puis de la Chine, pour déboucher sur le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Une boucherie qui a fauché entre deux et quatre millions de vies, dont 36 000 GI et sans doute un million de Chinois. Une guerre oubliée chez les seize nations, dont la France, venues au secours du camp capitaliste sous la bannière de la toute jeune ONU.
Mais, à Séoul, cet anniversaire est plus que jamais d'actualité, en pleine escalade des tensions avec Pyongyang. Depuis le torpillage de la corvette Cheonan, le 26 mars, en mer Jaune, par un sous-marin nord-coréen, comme l'accuse le Sud, les deux Corées sont à nouveau à couteaux tirés. Un drame qui vient rappeler que les deux soeurs ennemies sont toujours techniquement en guerre, en dépit de la fin des hostilités décrétée en 1953, au lendemain de la mort de Staline. 73 % des Sud-Coréens s'attendent à de nouveaux accrochages militaires, révèle un récent sondage.
Une ambiance tendue qui plane sur les cérémonies du souvenir menées par le président Lee Myung-bak, apôtre d'une ligne dure contre le Nord et qui multiplie les déclarations martiales depuis le naufrage de la corvette. Le dirigeant conservateur a donné le ton en invitant George W. Bush, qui avait placé la Corée du Nord sur l'« axe du Mal » lorsqu'il était à la Maison-Blanche. Alors que Washington et Séoul s'apprêtent à faire une démonstration de force navale en mer Jaune, la semaine prochaine, Lee veut saisir l'opportunité de l'anniversaire de l'agression nord-coréenne pour afficher son inflexibilité face à Kim Jong-il.
Pyongyang dans la brèche
Mais cette ligne dure apparaît en décalage croissant avec l'opinion publique, qui a sanctionné le parti présidentiel lors des élections régionales du 2 juin. Les stratèges conservateurs espéraient profiter du drame du Cheonan pour rafler des voix en agitant la menace nord-coréenne : les électeurs ont répondu par la défiance. Un camouflet qui sanctionne la gestion gouvernementale de la crise du Cheonan. « Le gouvernement nous cache quelque chose », explique Hyunsoo Hur, un employé de banque de 41 ans qui n'a rien d'un révolutionnaire. 40 % des moins de 40 ans ne croient pas aux résultats de l'enquête menée par des experts sud-coréens, américains et britanniques, qui accuse Pyongyang. Sur les blogs, les rumeurs d'une bavure de l'US Navy ont grand succès. Au point d'inquiéter le gouvernement, qui a tenté de neutraliser certains de ces blogs à la veille du scrutin, déclenchant un effet boomerang dans les urnes.
Une défiance qui affaiblit la position de la Corée du Sud à l'ONU à l'heure où elle peine à convaincre Pékin et Moscou de condamner Pyongyang. Comble de l'embarras, l'un des groupes civiques les plus en vue du pays, People's Solidarity for Participatory Democracy, a envoyé une lettre au Conseil de sécurité pour contester les résultats de l'enquête, déclenchant la furie des diplomates. La Corée du Nord s'est immédiatement enfoncée dans la brèche en menaçant d'une action militaire en cas de condamnation à l'ONU. Pris en tenaille entre les risques de dérapages frontaliers et la tiédeur de soutien de l'opinion, le gouvernement a baissé le ton en reportant l'installation sur le front de haut-parleurs crachant des slogans anticommunistes. Ce week-end, au sommet du G20 à Toronto, Lee Myung-bak jouera des coudes pour arracher une condamnation de Pyongyang. Un défi de taille alors que Dmitri Medvedev et Hu Jintao affichent leur scepticisme.
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