L'enquête internationale précédente avait conclu que le navire sud-coréen a coulé, le 26 mars, après une explosion causée par une torpille nord-coréenne. Quarante-six marins avaient péri.
Les résultats de l'examen par des experts russes de l'épave de la corvette sud-coréenne Cheonan, coulée le 26 mars après une explosion, ne corroborent guère ceux de l'équipe internationale d'enquête (dont ni la Chine ni la Russie ne faisaient partie), qui, le 20 mai, a attribué à la Corée du Nord la responsabilité de ce naufrage. Quarante-six marins y avaient perdu la vie.
Les conclusions russes donnent un écho international au débat sur l'impartialité de ce rapport dont une partie de l'opinion sud-coréenne doute. Elles interviennent alors que Séoul et Washington mènent en mer Jaune et en mer du Japon des manoeuvres navales qui se veulent un avertissement à la République populaire démocratique de Corée (RPDC), et accroissent les tensions régionales. Pyongyang nie toute implication dans le naufrage du Cheonan, et demande à participer à une contre-enquête. Requête rejetée par Séoul.
Selon les experts russes, mandatés par Moscou, ce naufrage est dû à « une combinaison complexe de facteurs ». Partageant les conclusions de l'enquête internationale selon laquelle le Cheonan a été victime d'une explosion sous-marine sans contact direct, les Russes font valoir qu'avant le naufrage la corvette avait heurté le fond marin endommageant son hélice droite et réduisant sa mobilité. Le navire aurait ensuite touché l'antenne de l'une des mines sud-coréennes - nombreuses dans cette zone - datant des années 1970.
Selon les conclusions de l'enquête internationale, « le Cheonan a coulé après une explosion causée par une torpille de fabrication nord-coréenne. Les preuves conduisent à la conclusion que cette torpille a été tirée par un sous-marin nord-coréen. Il n'y a pas d'autre explication plausible. »
En raison des réticences de la Chine et de la Russie à endosser ce rapport, le Conseil de sécurité des Nations unies est resté réservé, condamnant, le 10 juillet, « l'attaque ayant conduit au naufrage du Cheonan », sans en imputer la responsabilité à la RPDC. Position prudente adoptée également au Forum sur la sécurité en Asie, qui s'est tenu à Hanoï le 23 juillet.
En dépit de ces revers diplomatiques pour Séoul, qui espérait une condamnation unanime de la RPDC, le président Lee Myung-bak, épaulé par Washington, poursuit sa politique de confrontation avec le Nord. Mais sa position est affaiblie par les doutes sur l'impartialité de l'enquête internationale.
Peu avant la diffusion des conclusions des experts russes, deux professeurs américains d'origine coréenne, Seunghun Lee (université de Virginie) et J.-J. Suh (université John-Hopkins), soulignaient dans un rapport documenté - « Rush to judgment : inconsistencies in South Korea's Cheonan report » - les lacunes de l'enquête internationale. Cette dernière omet de mentionner les manoeuvres américano-sud-coréennes qui avaient lieu au moment du naufrage, et élude la localisation précise de celui-ci.
« Mauvaise conduite »
Pour Bruce Cumings, historien américain spécialiste de la guerre de Corée (1950-1953), ce naufrage - quel que soit le responsable - « doit être inscrit dans le contexte d'un conflit auquel un traité de paix n'a jamais mis fin ».
Les conclusions des experts russes ne disculpent pas Pyongyang mais appellent à une nouvelle enquête, situant ce naufrage « dans une perspective plus large qu'une condamnation de la mauvaise conduite de la RPDC », estime l'historien Mark E. Caprio sur le site The Asia-Pacific Journal.
Elles risquent d'entamer la crédibilité diplomatique de Séoul, d'embarrasser Washington et d'accroître le scepticisme des Sud-Coréens à l'égard de leur gouvernement.
Philippe Pons
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