La marche annuelle qui célèbre la rétrocession de l'ancienne colonie britannique est un semi-échec.
Progressant sous une chaleur accablante, les uns jouant du tambour, les autres frappant leurs cymbales ou hurlant des slogans, plusieurs dizaines de milliers de Hongkongais ont participé, jeudi 1er juillet, à la marche rituelle, haute en couleur, qui célébrait cette année le 13e anniversaire de la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine.
Mais cette marche, sorte de grand défouloir réunissant toutes les communautés - et qui est l'occasion pour les partisans de la démocratie et les adversaires du gouvernement chinois de scander haut et fort leur demande d'un système d'élections locales au suffrage universel -, n'a pas eu cette année le succès qu'elle avait connu en 2009 : plus de 50 000 personnes, selon les organisateurs, 20 000 selon la police. Peut-être un quart de moins que l'année dernière. Certains attribuent ce moindre succès à la canicule, mais beaucoup estiment que c'est la division du camp des démocrates anti-Pékin qui en est responsable.
Une majorité du conseil législatif (ou Legco), le mini-Parlement hongkongais, avait approuvé, la semaine dernière, une réforme à la constitution de la Région administrative spéciale (RAS) qui permettra, lors du prochain scrutin de 2012, d'élire plus de députés au suffrage universel. Actuellement, seuls 30 des 60 députés sont élus au suffrage direct, les autres étant issus de circonscriptions corporatistes où les pro-Pékin représentent l'écrasante majorité.
La réforme va augmenter de dix le nombre de députés et, parmi eux, cinq seront élus au suffrage universel. Mais une bataille a opposé, au sein du camp des démocrates, radicaux et modérés au sujet de l'élection de ces cinq autres sièges, qui seront choisis, comme le voulait Pékin, parmi les représentants des corporations, mais - petite concession de la Chine - sur une base élargie du corps électoral.
Les plus radicaux estiment que le Parti démocratique, la plus grande formation des adversaires du gouvernement chinois, a trahi ses idéaux en acceptant cette demi-mesure proposée par Pékin au-dessus de la tête du pourtant très docile gouvernement local.
« Dans nul autre endroit au monde, on doit faire une marche de protestation chaque année pour exiger le suffrage universel, c'est ridicule », grondait Jack, 50 ans, marcheur d'un jour et employé dans une banque américaine. « On nous avait promis [après la rétrocession] que Hongkong serait administré sous l'égide d' «un pays, deux systèmes». En fait, c'est «un pays, un système». »
Selon les termes de la rétrocession négociée à l'époque entre Margaret Thatcher et Deng Xiaoping, Hongkong et ses sept millions d'habitants jouissent d'un statut spécial leur garantissant un fort degré d'autonomie. Que les agissements de Pékin ne cessent de mettre en péril, affirme le camp démocrate. « Nous savons tous que le gouvernement communiste ne veut pas nous accorder une démocratie pleine et entière parce qu'il s'inquiète du fait que le reste de la Chine pourrait lui demander la même chose », observait Kevin, un homme qui marchait pour la septième fois.
Vuvuzelas et pouces baissés
Pour éviter des frictions, responsables et militants du Parti démocratique s'étaient prudemment placés en queue de cortège. Devant eux, les syndicats hurlaient leur exigence du minimum salarial. Suivaient les employées de maison philippines, réclamant la même chose, et les femmes de ménage indonésiennes de confession musulmane, la tête ceinte d'un hidjab. Il y avait même les membres de la secte religieuse du Falungong, interdit en Chine, qui défilaient au son d'un orchestre.
Quand, au bout de cinq longues heures, les représentants du Parti démocratique sont arrivés devant le siège du gouvernement local, terminus de la marche, ils se sont fait huer.
Trompetant dans des vuvuzelas, pouces baissés en signe de mépris, nombreux étaient ceux pour lesquels ces parlementaires ont « trahi ». « Le Parti démocratique a peur de Pékin et du gouvernement de Hongkong », se lamentait Wendy, femme au foyer. « Ce n'est pas nous qui devons avoir peur du gouvernement, c'est le gouvernement qui doit avoir peur de nous ! », tempêtait Alban, 22 ans, étudiant en Australie, le visage couvert d'un masque blanc symbolisant le traître dans l'opéra de Pékin.
Bruno Philip
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