mercredi 7 juillet 2010

Le climat se tend entre les étrangers et la Chine - Arnaud Rodier

Le Figaro, no. 20503 - Le Figaro Économie, samedi, 3 juillet 2010, p. 22

Les chefs d'entreprises étrangères sont de plus en plus nombreux à dénoncer la multiplication des mesures discriminatoires et inutilement compliquées prises à leur égard par l'administration chinoise.

La polémique enfle de jour en jour. Après les Européens, c'est au tour du patron de General Electric d'accuser la Chine de mettre des bâtons dans les roues des entreprises étrangères. « Je suis vraiment inquiet, je ne suis pas certain qu'au bout du compte ils veuillent que nous y réussissions », s'est-il plaint devant un parterre d'hommes d'affaires italiens, rapportait hier le Financial Times.

Mardi dernier, c'était un rapport de la Chambre de commerce européenne à Pékin qui reprochait à la Chine de multiplier les mesures discriminatoires. Il dénonçait une « application discrétionnaire des lois et des règlements », des processus d'enregistrement inutilement compliqués et des « incohérences dans l'application des critères nationaux ».

À Pékin, de nombreux chefs d'entreprise le disent à mot couvert : il est de plus en plus difficile de travailler en Chine. « On leur fait comprendre qu'ils peuvent partir s'ils ne sont pas contents », note un avocat d'affaires. Dès le mois d'avril, le journal du parti, le China Daily, avait flairé le vent de révolte et se faisait presque menaçant. « Quand des entreprises étrangères rencontrent des difficultés dans leurs projets (...), si elles ne font que se plaindre et que les médias étrangers amplifient les plaintes sans analyser le fond et en calomniant l'économie chinoise, ils finiront par retarder le processus d'amélioration de l'environnement des investissements », écrivait-il.

Drôle de manière d'apaiser les esprits quand le président Hu Jintao affirme vouloir « prendre des mesures concrètes pour rejeter toute forme de protectionnisme et soutenir sans équivoque le libre-échange ».

L'Organisation mondiale du commerce souligne dans son dernier rapport « l'intérêt pour la Chine et pour ses fournisseurs étrangers d'une libéralisation plus rapide des industries de services chinoises ». Mais Pékin, qui, dans un geste de bonne volonté, va abandonner le 15 juillet les abattements de taxes à l'exportation sur certains produits sensibles, préfère croire que les étrangers « grognent » à cause des salaires.

Hausse du coût du travail

« Les plaintes formulées par les entreprises en disant qu'elles souffrent d'un environnement législatif qui se détériore ne sont pas justifiées », affirme Liu Shenjun, directeur adjoint du centre de recherche Lijiazui à Shanghaï, qui juge qu'elles sont surtout « inquiètes au sujet de l'augmentation du coût du travail ». De fait, le taïwanais Foxconn va déménager une partie de sa production de Shenzhen à Tianjin dans le Nord et dans le Henan pour payer ses ouvriers moins cher. Et les grèves qui se multiplient chez Honda, chez Toyota et, depuis hier, chez Mitsumi Electric, alourdissent le climat social.

Le premier ministre, Wen Jiabao, reconnaît que la « situation intérieure reste compliquée ». Mais toutes ses velléités d'amélioration de la situation administrative pour les entreprises se heurtent aux gouvernements locaux qui, de l'aveu du China Daily, « ne sont pas en mesure d'appliquer les lois du gouvernement central ». Des gouvernements locaux de surcroît lourdement endettés (entre 700 milliards et 1 300 milliards d'euros), qui craignent une crise financière et traînent les pieds pour obéir à Pékin. En attendant, Google n'a toujours pas obtenu le renouvellement de sa licence qui a expiré mercredi.

PHOTO - Unidentified delegates speaks before the opening of the World Trade Organization's (WTO) General Council in Geneva October 20, 2009.

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