Energie Huit milliards d'euros : le plus important contrat du nucléaire civil
Alors que le gouvernement français vient d'annoncer qu'EDF pilotera les projets nucléaires à l'export, l'association EDF-Areva fait déjà ses preuves à Taishan, dans le sud de la Chine : EDF a créé une joint-venture avec la Guangdong Nuclear Power Holding Corp (CGNPC) pour construire deux réacteurs de type EPR ; Areva y a raflé le plus important contrat jamais signé dans l'industrie du nucléaire civil. Huit milliards d'euros pour la conception et l'approvisionnement de ces deux réacteurs troisième génération.
Sous le soleil de plomb, au milieu de l'impressionnant paysage de collines qui donne directement sur la mer de Huangmo, le chantier incarne la démesure des hommes qui prévoient de produire ici 1.660 mégawatts. En plus du futur coeur nucléaire, pour l'instant un gigantesque cylindre rouillé de six mètres de haut, on devine déjà la structure de la salle des machines et celle de la station de pompage d'eau de mer pour le refroidissement. L'exploitation commerciale devrait débuter en décembre 2013.
« Nous sommes parfaitement dans les temps », assure Eric Neisse, le directeur en Chine d'Areva. Le message est clair, le projet chinois ne s'embourbera pas comme le chantier de l'EPR finlandais. Cette première centrale troisième génération d'Okiluoto, trop chère, trop en retard, a suscité les critiques et plombé l'image d'Areva. « A Taishan, nous profitons de notre expérience sur nos autres projets EPR à Flammanville et à Okiluoto, mais surtout de l'implication de notre partenaire chinois, capable de mobiliser de très importantes ressources humaines », explique Rémi Sénac, cet ingénieur qui a travaillé en Finlande avant de rejoindre l'équipe chinoise et qui ne tarit pas d'éloge sur CGNPC.
L'électricien du Guangdong s'est emparé de 70 % de la joint-venture avec EDF et a surtout réclamé d'importants transferts de technologies. Des ingénieurs chinois ont été accueillis au siège d'Areva en France dès les premiers pas de la conception ; aujourd'hui, des équipes essentiellement chinoises poursuivent les études en Chine, à Shenzhen. Côté fabrication, la première tranche sera presque entièrement « made in France » à l'exception de la cuve du réacteur construite par Mitsubishi. La seconde tranche, livrée dix mois plus tard, sera produite par des filiales de la CGNPC, qui auront eu le temps de se former.
L'élève ne risque-t-il pas de dépasser le maître, quitte à se passer de ses services ? « Il y a de la place pour tout le monde, répond Eric Neisse. Taishan doit servir de vitrine à Areva et, nous l'espérons, à nos partenaires chinois pour développer ensemble de nouveaux projets en Chine mais aussi dans le monde entier. » Chez Areva, on veut croire à la « Renaissance nucléaire », le retour de grandes commandes motivées par la lutte contre les gaz à effet de serre après une période difficile pour l'énergie atomique. Si l'entreprise d'Anne Lauvergeon a accepté de telles conditions de transfert de technologies, c'est que cette renaissance passe d'abord par la Chine et que les Français comptent bien avoir leur part de l'alléchant gâteau chinois. Liu Haijun, directeur adjoint de la joint-venture de Taishan, incarne la volonté chinoise quand il annonce face aux immenses tranchées hérissées de grues : « Vous voyez, après Taishan 1 et 2, déjà approuvés, nous prévoyons l'espace pour construire les unités 3 à 6. »
Selon un récent rapport de l'agence internationale de l'énergie (AIE), la Chine est devenue le premier consommateur d'énergie devant les Etats-Unis. Le pays qui tire 70 % de son énergie du charbon voit dans le nucléaire (1 % seulement de son bouquet énergétique) une solution pour développer une économie plus verte tout en s'assurant une indépendance énergétique. Autre point sensible en Chine, les coupures de courant. Selon Wu Wenbing, spécialiste énergie au China Morning Post, journal connu pour son indépendance, alors que les centrales nucléaires chinoises produisent 9 gigawatts, le pays viserait les 70 gigawatts d'ici à 2020.
© 2010 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2010
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