jeudi 28 octobre 2010

La Chine devient le premier marché de General Motors devant les Etats-Unis

Les Echos, no. 20794 - Industrie, jeudi, 28 octobre 2010, p. 20

Cette année, le groupe de Detroit prévoit de vendre 2,3 millions de voitures en Chine, ce qui serait légèrement supérieur à ses résultats commerciaux aux Etats-Unis. Mais il a dû accepter de lâcher une part de son pouvoir à SAIC.

Du jamais-vu depuis la création de General Motors en 1908 par William C. Durant : cette année, la Chine sera officiellement le premier débouché commercial du constructeur de Detroit, dépassant pour la première fois le marché américain. L'an passé, il s'en était fallu de peu pour que cette permutation historique ne se produise, alors que GM se débattait dans les affres de la faillite, qui touchait avant tout ses activités nord-américaines.

« Cette année, GM est bien parti pour vendre 2,3 millions de véhicules sur le marché chinois, maintenant sa part de marché locale de 13,5 % et dépassant au passage les volumes d'immatriculations aux Etats-Unis », selon Kevin Wale, PDG du constructeur en Chine. Grâce à son alliance sur place avec Shanghai Automotive (SAIC), dont les origines remontent à 1997, le groupe qui fabrique sur place des modèles Chevrolet, Buick et Cadillac, et compte pas moins de 10 usines d'assemblage et quatre de moteurs, a réussi à maintenir ses positions. Une petite prouesse alors que la concurrence est de plus en plus féroce.

Pour l'ancien numéro un mondial de l'automobile, le chassé-croisé entre la Chine et les Etats-Unis est le fruit logique d'un double phénomène : en Amérique, GM a nettement réduit la voilure avec son passage éclair sous la loi des faillites, à l'été 2009, sacrifiant ses marques Saturn, Pontiac et Hummer, et réduisant la taille de son réseau de concessionnaires. Pendant ce temps, la fulgurante croissance du marché chinois a plus que réconforté le constructeur, qui revendique le rang de numéro un local devant Volkswagen et, plus loin derrière, l'ambitieux Hyundai-Kia.

Sur les neuf premiers mois de cette année, GM a immatriculé 1,77 million de véhicules dans l'ex-empire du Milieu, soit presque autant que sur tout 2009 (1,83 million). Son projet de passer le cap des 2 millions sera allègrement franchi d'ici à décembre, avec plusieurs années d'avance. Le groupe se fixe désormais l'objectif d'atteindre les 3 millions en 2015, soit une nouvelle croissance de 50 %. Loin de la crise qui affecte d'autres marchés comme l'Europe, il bat ici ses records de ventes depuis vingt mois d'affilée. Et ses usines tournent au rythme moyen de 120 %. Toutes marques confondues, le marché chinois devrait à nouveau grimper de 25 % cette année, pour dépasser le seuil des 17 millions de livraisons, après un bond de 51 % l'an passé.

Beaucoup de facteurs concourent à cet essor, détaille Kevin Wale : « Une croissance rapide de la demande hors des grandes métropoles, l'expansion du portefeuille produits des marques étrangères,lamontée en régime de marques locales ambitieuses, des véhicules de plus en plus abordables financièrement_ Mais, au-dessus de tout, le fait que les Chinois adorent l'automobile et veulent en acheter. Tous ces facteurs sont durables. Il n'y a pas de raison d'imaginer une inversion de fond », ajoute le dirigeant d'origine australienne, qui table sur une hausse moyenne de la demande, à moyen terme, de 10 % à 15 % par an. Même si certains experts tablent sur des niveaux plus bas (5 % de croissance moyenne annuelle sur 2010-2014, selon le Boston Consulting Group), cela augure de belles années pour les constructeurs.

Création d'une marque locale

Pour répondre aux injonctions du gouvernement central et diversifier leur offre, GM et ses deux partenaires, SAIC et Wuling, ont créé en juillet dernier une marque low-cost 100 % locale, Baojun (« Cheval précieux ») qui, comme par hasard, sonne comme « BMW » lorsqu'elle est prononcée en mandarin_ Et dans les petits utilitaires, la coentreprise ad hoc entre GM, SAIC et Wuling va investir pour augmenter ses capacités industrielles de près de 50 % d'ici à 2012.

Seul hic, mais de taille, dans ce tableau plus que flatteur : GM a dû accepter de diluer son pouvoir en Chine, mais aussi par la même occasion en Inde, à la faveur d'un accord conclu fin 2009 avec SAIC. Le puissant groupe de Shanghai, qui compte à ce jour pas moins de 60 sociétés communes, par exemple avec Volkswagen, Bosch ou Johnson Controls, a acquis 1 % supplémentaire de son joint-venture avec General Motors, pour 85 millions de dollars, passant de 50 à 51 %. Même si l'américain garde officiellement ses droits de vote et une option pour racheter ces 1 % ultérieurement, cet accord ressemble à une perte d'influence stratégique sur le marché le plus bouillonnant de la planète, qui est aussi le premier des BRIC.

D'autant qu'en vertu de cet accord, le même Shanghai Automotive a pris la moitié des opérations de GM en Inde, qu'il contrôlait à 100 %, et apportera l'essentiel des investissements à venir, soit de 300 à 350 millions de dollars. Un beau marchepied, pour le groupe chinois, qui débarque en force sur le prometteur marché indien. De son côté, GM avait besoin d'argent frais pour recapitaliser sa filiale coréenne GM Daewoo, constituée en 2002. Le constructeur d'Incheon, près de Séoul, est une composante importante dans le dispositif industriel et de R&D de General Motors, réalisant notamment le design de ses petites voitures. Mais il a encaissé, en 2008, des pertes de 2 milliards de dollars en jouant sur des dérivés basés sur le won coréen.

DENIS FAINSILBER

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