Après s'être fixé des objectifs gargantuesques, le constructeur automobile chinois BYD patine. Son fondateur, Wang Chuanfu, l'homme le plus riche de Chine en 2009, avait promis de faire de sa marque la première du pays en 2015, puis, dix ans plus tard, la première de la planète. Au lieu de cela, une autre réalité s'impose : des ventes en chute de 19 % au mois d'août, de 25 % en septembre et des profits 99 % plus faibles au troisième trimestre que l'année précédente. En deux jours, le cours de BYD - pour " Build Your Dreams " (" Construisez vos rêves ") - a dégringolé de 20 % à la Bourse de Hongkong.
La baisse des ventes n'a pourtant pas empêché le financier américain Warren Buffett, détenteur de 9,89 % du groupe, de réitérer sa confiance au constructeur, qualifié lors d'une récente visite à Shenzhen de " jeune et énergique ".
BYD a pêché par excès d'ambition. Un trait de caractère pourtant nécessaire pour survivre sur le plus gros marché automobile mondial, où la concurrence est devenue très rude. Quelque 17 millions d'unités devraient être vendues cette année en Chine et 200 millions de véhicules sont attendus sur les routes du pays en 2020.
" Ils vont trop vite, la cible était trop haute. BYD voulait plus que doubler ses ventes en une seule année ", juge John Zheng, directeur des prévisions Asie du cabinet de consultants en automobile JD Power. La multiplication des concessionnaires BYD les contraint à s'auto-concurrencer et à réduire leurs marges à la limite de la viabilité. Certains ont quitté le réseau ces dernières semaines.
Face aux étrangers tels que Volkswagen, General Motors (GM) et Toyota, qui dominent largement, les marques chinoises jouent des coudes. Elles rêvent surtout de saut qualitatif, car les Chinois, une fois qu'ils peuvent se le permettre, s'offrent systématiquement des berlines allemandes, japonaises ou américaines. Le gouvernement a lancé en 2009 une politique contraignant à acheter au moins 50 % de véhicules de fonction de marques chinoises pour les officiels, plutôt portés sur les Audi noires.
La compétition est d'autant plus grande que Pékin a publié en mars 2009 un plan de restructuration de l'industrie automobile pour faire émerger des champions nationaux compétitifs et réduire le nombre de marques disponibles - plus d'une centaine à l'heure actuelle. Le gouvernement voudrait que les constructeurs locaux se hissent à 40 % des ventes nationales à la fin 2011, contre 29 % aujourd'hui, et prévoit, par le biais d'acquisitions, de ne conserver que dix des quatorze acteurs qui, seuls ou à l'aide de leurs coentreprises avec des étrangers, réalisent 90 % des ventes de voitures.
La volonté du gouvernement central se confronte à celle des responsables politiques locaux qui maintiennent à flot leurs constructeurs. " Ils s'opposent à ce que les capitaux et emplois partent dans d'autres provinces. Donc même si le gouvernement central l'a dit, ce n'est pas nécessairement la tendance ", explique Xiang Ming, analyste de Timer auto consulting.
Parmi ces dix, le gouvernement central verrait bien deux ou trois " géants ", d'une production supérieure à 2 millions de véhicules par an, et quatre ou cinq autres, fabriquant plus de 1 million d'unités. Les plus grands constructeurs chinois, tels que SAIC, qui travaille avec GM et Volkswagen, First Automotive Works, partenaire de Toyota, ou Dongfeng - qui se sont développés en s'appuyant technologiquement sur les coentreprises imposées aux étrangers souhaitant entrer sur ce marché prometteur puis en développant leurs propres marques - devraient trouver leur place dans ce décompte, de même que Chery, qui commercialise la fameuse QQ, petite urbaine populaire.
Pour les indépendants tels que BYD, les jeux ne sont pas faits. " Il reste deux jokers parmi les dix, ce qui explique certaines des stratégies que nous observons en ce moment, note André Loesekrug-Pietri, directeur du fonds d'investissement A Capital. BYD se positionne sur l'électrique, Geely rachète Volvo. Ils veulent se montrer un peu différents pour mériter d'être dans la liste. "
Cela pourrait expliquer le programme initial de 800 000 unités écoulées cette année, proche du million évoqué par le gouvernement, que s'était fixé Wang Chuanfu. Objectif qu'il a fallu réduire à 600 000 en août et qui sera malgré tout difficile à atteindre, BYD n'ayant vendu que 386 000 unités au cours des neuf premiers mois de l'année.
Harold Thibault
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