mardi 23 novembre 2010

Avec son offre sur le néerlandais Draka, la Chine entre dans la bataille du câble

Le Monde - Economie, mercredi, 24 novembre 2010, p. 20

La Chine vient de donner une nouvelle illustration de son appétit pour les entreprises étrangères à haute valeur ajoutée. Et de sa capacité à surenchérir pour essayer de coiffer ses concurrents européens ou américains sur le poteau. Cette fois, la bataille se joue dans le secteur du câble.

Lundi 22 novembre, quelques heures seulement après l'annonce d'une offre de l'italien Prysmian pour le rachat du néerlandais Draka Holding, Tianjin Xinmao S & T a proposé 20,50 euros par action et en liquide. Près de 20 % de plus que l'offre du groupe italien (17,20 euros) et 25 % de plus que celle du français Nexans (15 euros).

Que feront les actionnaires de Draka ? Peu avant l'annonce de l'offre chinoise, ils avaient rejeté celle de Nexans, qui ne valorisait leur entreprise que 730 millions d'euros, pour retenir celle de Prysmian (840 millions d'euros). Tianjin Xinmao a modifié la donne, puisqu'il donne à Draka Holding une valeur de 1,37 milliard. Le groupe s'est engagé à maintenir une " solide base industrielle " aux Pays-Bas et à ce que l'opération n'ait " aucune conséquence sociale ".

Valerio Battista, administrateur-délégué de Prysmian, a prévenu que son groupe ne surenchérirait pas sur l'offre de son rival chinois, selon l'agence financière DowJones Newswires, jugeant son offre déjà " excellente ". Quant à Flint Beheer, principal actionnaire de Draka avec 48,5 %, il a affirmé que son choix en faveur du groupe italien était " irrévocable "... après avoir soutenu celle du concurrent français.

Au terme de l'accord avec les autorités de marché néerlandaises, Nexans a jusqu'au 24 novembre pour modifier ou retirer son offre. Mais les analystes estiment qu'il ne la relèvera pas, compte tenu des faibles synergies attendues et de l'intérêt stratégique limité d'une fusion avec Draka Holding. Celui-ci est très implanté dans les télécommunications (cuivre, fibre optique), alors que Nexans a opéré un revirement stratégique en 2008 : l'énergie (électricité, pétrole, gaz...) et les transports (trains, métros, automobiles, navires...) sont " devenus nos principaux moteurs de développement ", souligne son PDG, Frédéric Vincent.

Avec Draka Holding, Nexans aurait néanmoins conforté sa position de leader mondial et renforcé sa présence sur le marché chinois en pleine expansion. Une première tentative de mariage entre Prysmian et Draka Holding avait échoué en 2009. S'il se réalise, le groupe italien deviendra leader mondial d'un secteur encore très morcelé. Depuis quelques années, cette activité du câble se développe, se structure et gagne en autonomie. Les grands acteurs européens sont, en effet, issus de conglomérats aux activités diversifiées : Nexans a été créé à partir de l'activité câble d'Alcatel, Prysmian est né d'un spin-off au sein du fabricant de pneumatiques Pirelli, Draka sort du giron de Philips.

Très sensible à la crise économique mondiale, l'activité du secteur est néanmoins promise à un bel avenir en raison du développement de tous les secteurs où ces équipements sont vitaux : télécommunications, transports, énergie.

A lui seul, ce dernier devrait absorber 1 100 milliards de dollars (800 milliards d'euros) d'investissements par an d'ici à 2030, dont la moitié dans l'électricité, rappelle M. Vincent en citant les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Et la moitié du total des sommes en jeu sera réalisée dans les pays émergents et en développement. Il n'est guère étonnant qu'une entreprise comme Tianjin Xinmao s'y intéresse.

Jean-Michel Bezat

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