Le Figaro, no. 20630 - Le Figaro, lundi, 29 novembre 2010, p. 8
Sous un ciel bleu glacé, l'armada de l'US Navy s'est engouffrée en mer Jaune, déclenchant la colère de Pyongyang et l'inquiétude à Pékin. Appuyée par six bâtiments de la marine sud-coréenne, la flotte menée par le porte-avions nucléaire USS Washington a entamé quatre jours de manoeuvres aéronavales à 125 km au sud de Yeonpyeong, l'île frappée par l'artillerie nord-coréenne. Et à peine 250 km de la péninsule chinoise du Shandong.
Une démonstration de force qui a poussé l'empire du Milieu à reprendre l'initiative diplomatique pour tenter d'apaiser la crise coréenne. Hier, Pékin a proposé une réunion d'urgence des pays impliqués dans les pourparlers à six sur le nucléaire afin d'enrayer la montée des tensions entre Séoul et Pyongyang. La rencontre entre les partenaires clés du dossier nord-coréen (États-Unis, Russie, Chine, Japon et les deux Corées) pourrait se tenir début décembre dans la capitale chinoise, a suggéré le chef négociateur Wu Dawei. Une proposition accueillie avec scepticisme par la Corée du Sud et le Japon, qui attendent la position de leur protecteur américain.
Durant tout le week-end, la Chine a multiplié les contacts pour échafauder une solution diplomatique à l'une des crises régionales les plus graves depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953). Embarrassée par les incartades de son turbulent protégé Kim Jong-il et de son fils héritier, elle se retrouve isolée face au concert de condamnations internationales contre le royaume ermite, auquel s'est même jointe la Russie. Surtout, le coup de sang de Pyongyang a déclenché un retour en force de l'US Navy au large des côtes chinoises, au grand dam des généraux de l'Armée populaire de libération. Piégée par son soutien indéfectible à son petit frère rouge, Pékin veut jouer l'apaisement pour sortir par le haut de cette crise.
Samedi, l'un des plus hauts dirigeants du régime, le conseiller d'État Dai Bingguo, s'est déplacé d'urgence à Séoul pour convaincre le président Lee Myung-bak de relancer les négociations multilatérales sur le nucléaire. Derrière les sourires, la rencontre s'est mal passée : Lee refuse de parler de négociation à l'heure où le Nord menace son territoire de nouvelles attaques. Séoul est exaspéré par la protection offerte à Pyongyang par son grand frère communiste. « La Chine doit devenir responsable! Elle ne peut pas continuer à faire cavalier seul », tonne en privé un conseiller de la Maison bleue, le palais présidentiel.
Pour amadouer Séoul et Tokyo, Pékin souligne que la réunion d'urgence proposée ne sera pas une reprise formelle des négociations à six, mais seulement une étape préparatoire. Les pourparlers visant à la dénucléarisation de la péninsule sont dans l'impasse depuis que Kim Jong-il décida de les boycotter en avril 2009 et de relancer son programme atomique militaire. Mais le torpillage d'une corvette sud-coréenne par le Nord, en mars dernier, a inversé les rôles : Pékin et Pyongyang plaident désormais pour une reprise des discussions, alors que Washington, Tokyo et Séoul jouent la fermeté et exigent des mesures tangibles en matière de dénucléarisation avant revenir à la table des négociations.
Nouveaux tirs
Dans l'immédiat, la priorité des États-Unis et de leurs alliés est d'empêcher un nouveau coup de force nord-coréen. Le régime a menacé de mener une « contre-attaque impitoyable » à l'approche du USS Washington, présenté à sa population comme l'avant-garde d'une force d'invasion. Sur la ligne de front, la tension est extrême : des détonations ont de nouveau retenti hier au large de Yeonpyeong, faisant craindre une nouvelle attaque et déclenchant l'évacuation urgente de l'île. Sur terre, le long de la zone démilitarisée (DMZ), l'artillerie du Sud s'emballait, déclenchant des tirs par erreur. « Personne ne souhaite que cela tourne au conflit », a affirmé le chef d'état-major des forces américaines, l'amiral Mike Mullen.
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