Le Temps - Finance, lundi, 1 novembre 2010
La Chine et le Japon détiennent de la dette américaine pour des montants importants. Les vendre risque d'entraîner des pertes, à moins de profiter que la Fed les rachète pour les céder à profit. Une occasion de diversifier ses placements.
Andreas Höfert*
En 2004, en la qualifiant de «sorte d'équilibre de la terreur monétaire», Lawrence Summers, l'ancien directeur du Conseil national économique du président Obama, notait que «la motivation du Japon ou de la Chine à abandonner les bons du Trésor n'est pas très forte compte tenu des conséquences qu'elle pourrait avoir sur leurs propres économies». A l'époque, les réserves de la Chine avoisinaient les 600 milliards de dollars; elles se situent actuellement à 2600 milliards, celles du Japon aux alentours de 1000 milliards.
Les obligations d'Etat américaines constituent une large partie des réserves de change de la Chine, du Japon et de bien d'autres pays. Si ces obligations étaient mises en vente massivement, leur cours chuterait, entraînant une forte augmentation des taux d'intérêt américains. L'accumulation considérable de devises par la Chine et le Japon représente donc une menace sérieuse pour l'économie américaine. Mais Summers a parlé d'un «équilibre de la terreur monétaire» et il y avait effectivement une contre-menace. En vendant leurs réserves, la Chine et le Japon perdraient doublement de l'argent: d'une part cette vente affaiblirait le dollar américain, entraînant une perte en monnaie locale, d'autre part les cours obligataires chuteraient.
Aujourd'hui, cependant, avec une Fed qui envisage un nouvel assouplissement quantitatif pour maintenir les taux d'intérêt bas, l'équilibre de la terreur monétaire pourrait pencher en faveur de la Chine et du Japon. Comme acheteur de dernier ressort, la Fed offre aux créanciers des Etats-Unis une opportunité intéressante de prendre des profits sur leurs bons du Trésor américain et de diversifier leur portefeuille en revendant leurs titres.
Bien sûr, cette manne de dollars devrait être réinvestie quelque part. Où donc? Les obligations exprimées en euros seraient un excellent candidat. La Banque centrale européenne semble actuellement beaucoup plus réticente à entrer dans un conflit monétaire que la Fed. En achetant des actifs libellés en euros avec leurs dollars, la Chine et le Japon feraient monter le cours de l'euro exprimé en dollars tout en maintenant leurs propres monnaies constantes face à la monnaie américaine.
Les matières premières et l'or offrent une autre alternative pour éviter de trop s'exposer aux dégâts engendrés par un dollar affaibli. Et si les prix des matières premières s'envolent en conséquence, l'impact sur l'inflation et surtout la croissance américaine pourrait se retourner en fin de compte contre les Etats-Unis. De toute évidence, les tactiques dans un conflit monétaire peuvent être légèrement plus complexes qu'il n'y paraît au premier abord.
*Chef économiste, UBS.
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