Une ville, un cinéaste
Bien que né à Shangaï, Wong Kar-wai est un pur produit de Hongkong, une ville où il est arrivé à l'âge de 5 ans et où il a découvert simultanément le cinéma, la musique et la vie. Le Hongkong de Wong est d'ailleurs fréquemment la ville de ses années de formation, tant l'action de ses films ultra-urbains se situe bien souvent dans les années 1960. De Nos années sauvages à 2046, en passant par le célèbre In the Mood for Love, il s'agit d'une ville fantasmée, habitée par des fantômes et des flux d'un autre temps. Les suaves rengaines latines de Xavier Cugat et de Nat King Cole en sont assurément la bande-son idéale, cocktail glamour de réminiscences pour des musiques importées dans l'île par la colonie philippine. Ce Hongkong des années 1960 est entièrement sous le signe d'une inextinguible mélancolie, une cité désertée, tout en intériorité, comme si la ville réelle avait été vidée de ses habitants pour laisser place à un labyrinthe mental inextricable. Ce Hongkong-là est surtout pour Wong une ville de chambres d'hôtels pour écrivains en mal d'inspiration, d'appartements trop étroits, de restaurants un peu désuets, de rues vides, d'occasions manquées et de peines d'amours perdues. Mais le Hongkong contemporain, en tout cas celui des années 1990, existe aussi dans d'autres films : As Tears Go By, Chungking Express, Les Anges déchus. Et là, la ville speedée, grouillante, étrange, métissée prend le pouvoir... Comme si, en une poignée de films, le cinéma du styliste hongkongais avait réussi à dévoiler toutes les dimensions passées, présentes, futures, de cette ville insulaire hantée par sa fin et par son identité fragmentée.
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