Schneider Electric a tourné la page de la crise
Entré en 1988 chez Schneider Electric, Jean-Pascal Tricoire, 47 ans, en a été nommé directeur général délégué en 2003 puis président du directoire en 2006. Il a mené une politique active d'acquisitions, dont l'achat, en 2010, de la branche transmission et distribution d'Areva. Le chiffre d'affaires du groupe est passé de 8,7 milliards d'euros, en 2003 à près de 16 milliards d'euros, en 2010. Schneider Electric est le leader mondial de la moyenne tension.
Pour Schneider Electric, la crise est-elle terminée ?
Dès le premier trimestre 2010, nous avions renoué avec la croissance. Celle-ci s'est amplifiée aux deuxième et troisième trimestres, atteignant un rythme de 12 %. A la fin de l'année, Schneider Electric retrouvera des niveaux d'activité et de rentabilité relativement comparables à ceux d'avant-crise. Effacer la crise en deux ans est une réussite remarquable, mais c'est en partie un effet d'optique car elle a bouleversé une partie importante de notre environnement et a validé trois de nos hypothèses.
D'abord, l'importance des nouvelles économies qui tirent la croissance mondiale : près de 40 % de notre chiffre d'affaires sont désormais réalisés dans les pays d'Asie (hors Japon et Australie) en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe de l'Est et en Amérique latine.
Ensuite, tous nos clients veulent réduire leur facture énergétique : ils se rendent compte que l'énergie devient chère et parfois rare. Elle le sera de plus en plus, sous la pression de la demande grandissante des pays émergents.
Enfin, il faudra gérer l'énergie de façon différente, notamment grâce aux réseaux électriques intelligents, les smart grids, pour optimiser la génération d'énergie et sa consommation. Nous constatons que l'écart entre les pointes et les creux de consommation augmente, ce qui oblige les producteurs d'électricité à faire appel de façon temporaire à des sources d'énergies très carbonées. Or, tout en utilisant au mieux l'éolien, le solaire, il devient possible, dans les bâtiments et usines " intelligents ", de consommer beaucoup moins en heures de pointe.
Schneider Electric va-t-il poursuivre ses acquisitions dans les pays émergents ?
Oui, car c'est là que se trouvent beaucoup des besoins et de la croissance. En Russie, où nous venons de conclure un accord portant sur l'acquisition de 50 % d'Electroshield-TM Samara, nous devenons leader dans le domaine de la moyenne tension. C'est un pays riche de pétrole, de gaz et de minerais, où les infrastructures électriques doivent être entièrement rénovées. Chacune des trois raffineries de la région de Samara nécessite près d'un milliard de dollars (750 millions d'euros) d'investissement pour leur mise aux normes.
Présent en Chine depuis de nombreuses années, Schneider a été poursuivi en justice pour contrefaçon en 2007, cela vous a-t-il amené à revoir votre stratégie ?
Pas du tout. En 2008, la Chine, où nous comptons 22 000 salariés, est devenue le deuxième marché du groupe derrière les Etats-Unis. Nous avons contesté la conformité de ce jugement - il nous a coûté 17 millions d'euros - aux règles internationales en cours sur la propriété intellectuelle et avons tourné la page. Je suis sûr que la Chine, qui, désormais, dépose des brevets, sera de plus en plus attentive à la conformité aux règles internationales de propriété intellectuelle et participera même à leur élaboration.
Vous cherchez à réduire les coûts, notamment en France, en y supprimant certains sites de production. Ne participez-vous pas à la désindustrialisation de la France ?
Non, absolument pas. Au contraire. Nous continuons d'investir et de nous développer dans l'Hexagone dans la domotique, le contrôle des bâtiments, l'efficacité énergétique, le véhicule électrique et les services. La France est notre troisième marché mondial. Nous y réalisons 10 % de notre chiffre d'affaires. Nous avons certes dû y réduire nos effectifs, mais moins qu'ailleurs dans le monde, et nous y comptons désormais 18 % des salariés de Schneider Electric, hors Areva, contre 17 %, avant 2008.
Dans notre centre mondial de recherche, à Grenoble, nous avons investi 60 millions d'euros en 2007 et nous allons faire de l'usine de Carros (Alpes-Maritimes), qui emploiera 800 personnes, une référence mondiale en automatismes industriels et une vitrine de notre savoir-faire environnemental. Nous prévoyons d'y investir 12 millions d'euros. En France, comme ailleurs, nous devons faire évoluer nos outils de production et former nos collaborateurs pour les activités du futur, en particulier les services. Si nous ne le faisons pas, nous ne répondrons pas à la demande de nos clients. Schneider change et s'adapte pour répondre aux défis futurs. Je regrette simplement que la France soit l'un des pays où les évolutions prennent plus de temps qu'ailleurs pour être réalisées.
Payez-vous beaucoup d'impôts, en France ?
Nous avons le sentiment de contribuer fortement à la richesse nationale à travers les emplois, les salaires, les charges sociales, les impôts locaux, les taxes et les impôts que nous payons en France. Sans compter les dividendes que nous versons à nos actionnaires français (50 % du total), sur la base de nos profits réalisés à 90 % hors de France. Quant à l'impôt sur les sociétés, nous bénéficions encore d'un report de déficit lié à notre perte lors de la revente de Legrand, ordonnée par la Commission européenne. Nous nous félicitons de la réforme de la taxe professionnelle, dont l'assiette n'est plus l'investissement, ainsi que de la création du crédit impôt-recherche.
Propos recueillis par Isabelle Rey-Lefebvre
© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire