« Le recensement bénéficie à tous. » Commencée hier, l'opération décennale de comptage de la population chinoise oblige le pouvoir à placarder, dans les rues du pays, de grandes affiches afin d'obtenir la coopération de la population. Le « Quotidien du Peuple » plaide, lui aussi, la cause de la « plus grande mobilisation collective en temps de paix », tandis que le vice-Premier ministre, Li Keqiang, insiste sur l'intérêt de l'opération pour la mise en oeuvre de politiques publiques pertinentes.
On comprend aisément l'importance, pour Pékin, de mieux connaître la démographie d'un pays dont la vertigineuse croissance économique a radicalement modifié, en trente ans, la réalité sociale. Mais la tâche s'annonce ardue, car cette fois, les autorités sont bien décidées à regarder la réalité en face, fusse-t-elle non conforme à la loi. Ce qui implique, d'abord, d'établir le lieu réel de résidence des Chinois, et en particulier des millions de « mingongs », ces travailleurs migrants que la loi oblige théoriquement à rester dans leurs campagnes. Faut-il croire les autorités lorsqu'elles promettent de faire preuve de clémence pour les millions d'habitants des grandes villes qui ne possèdent pas de carte de résident ? Sur Internet, les techniques s'échangent pour échapper aux six millions de fonctionnaires mobilisés pour recenser leurs compatriotes.
Autre réalité sociale que le pouvoir a bien l'intention de regarder en face : le nombre d'enfants par famille. Pékin se demande dans quelle mesure la politique de l'enfant unique serait à revoir. Car elle débouche sur une trop forte proportion d'hommes, la tradition poussant certaines familles à préférer avoir un seul garçon qu'une seule fille. Impossible d'y voir clair sans dresser, d'abord, un diagnostic. Les autorités promettent des réductions jusqu'à 70 % sur l'amende à payer, afin d'inciter les Chinois à tomber le voile sur la réalité de leur progéniture. Il n'est pas exclu que l'on découvre, dès avril, que le pays le plus peuplé du monde compte en réalité nettement plus que 1,3 milliard d'habitants.
GABRIEL GRESILLON
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