Euralis veut décupler la production de sa ferme située au pied de la Muraille de Chine. Pour vendre ses produits dans les restaurants de Pékin et Shanghaï, elle forme les chefs du pays.
L'envie de mieux gagner sa vie pour « bien marier » son fils a poussé Feng Zhou Yu, originaire de la province de Hebei, dans le nord de la Chine, à déménager pour Yanqing. Depuis l'ouverture, en 2007, de la ferme Rougié à 80 kilomètres au nord de Pékin, au pied de la Grande Muraille, elle gave des canards destinés à la production de foie gras.
Comme elles, les 53 employés de la ferme Rougié sont chinois. Mais les méthodes restent celles de la coopérative Euralis, leader mondial du foie gras. La responsable de l'élevage et de l'engraissage, Mme Wang, est ainsi une ancienne comptable proche du Parti communiste local. Mais elle a été formée à Lescar (Béarn), au siège de la coopérative. À Yanqing, les canetons arrivent chaque semaine en avion, âgés d'un jour. Comme ceux de l'Hexagone, ce sont des canards mulards, sélectionnés génétiquement par le français Grimaud, implanté au sud de la Chine.
Depuis quatre ans, la réglementation chinoise interdit l'exportation de foie gras cru dans le pays. Euralis, premier producteur mondial de foie gras - vendu sous ses marques Montfort en France en grande distribution et Rougié à l'international - a investi 3,5 millions d'euros pour s'implanter sur place.
Avant lui, deux Chinois (San Rougey, Jilin Zhengfang) se sont attelés au foie gras. Ils produisent environ 120 tonnes par an, contre 30 pour Rougié. Soit à peine 2 % des ventes de la marque, qui a réalisé l'an passé 77 millions d'euros de chiffre d'affaires. Mais le français, qui vend son foie gras 40 % plus cher que ses concurrents chinois, est confiant. « Nous allons doubler la production l'an prochain et nous espérons atteindre 500 tonnes d'ici à dix ans », confie Pierre Couderc, directeur général d'Euralis, qui rassemble 15 000 agriculteurs (1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires).
Bientôt une autre ferme
La coopérative pourrait bientôt ouvrir une deuxième ferme entre Pékin et Shanghaï, où sont situés la plupart des 200 restaurants qui utilisent ses produits. Elle prévoit de recruter trois conseillers culinaires pour les promouvoir dans le pays.
Euralis a entrepris un travail de fourmi pour s'imposer en Chine. « Notre force est le contact que nous établissons avec chacun des chefs, explique Brieuc Fruchon, patron de la marque Rougié. Nous devons faire en sorte qu'un maximum de plats à base de foie gras figure sur leur carte. » Les riches Chinois n'en consomment que depuis une dizaine d'années, uniquement au restaurant. Grands amateurs de volaille, ils aiment le foie gras cuit à Pékin, en escalopes ou en terrine à Shanghaï, et poché dans la soupe à Canton. « Le consommateur chinois vient chercher un produit de luxe, associé à la gastronomie française, comme il le fait avec le vin », explique Jean-Marie Vallier, responsable de Rougié en Chine.
Chez Maison Boulud, à Pékin, c'est un must de la cuisine française au côté des cuisses de grenouille et du steak tartare. Après avoir séduit Da Dong, la star de la cuisine chinoise, Rougié s'attaque désormais aux grands chefs de nationalité chinoise pour promouvoir son foie gras et parie sur l'essor de la gastronomie.
Mais pas seulement. « Rougié peut devenir une marque de cadeau pour les Chinois, férus de cadeaux souvenirs, à la place des chocolats », parie Pierre Couderc, ancien responsable des produits frais de Danone en Asie. Le groupe espère répéter en Chine le succès de sa marque au Japon, son premier marché à l'export en dehors de l'Europe, où il réalise 7 millions d'euros de chiffre d'affaires. En Asie, il n'exclut pas à terme d'exporter en Inde. « L'internationalisation du groupe, notamment celle de Rougié dont nous souhaitons tripler le chiffre d'affaires d'ici à dix ans, fait partie de nos priorités », confirme Pierre Couderc.
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