Textile Éric Bompard démontre que l'on peut gagner sa vie en vendant des pull-overs. Pourvu qu'ils soient en cachemire et fabriqués en Chine.
S'il est un homme qui ne se plaint pas de la suppression des quotas d'importations en provenance de Chine, c'est bien Éric Bompard. À 63 ans, ce patron de PME vient d'ouvrir rue du Bac (Paris VIIe) son quarante-deuxième magasin pour commercialiser des pulls en cachemire à son nom. Car contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'essentiel du cachemire ne vient pas de la province aux confins de l'Inde et du Pakistan mais du désert de Gobi, en Chine. Des bergers y élèvent soixante millions de chèvres qui produisent la laine précieuse. L'affaire commence au début des années 1980, quand les Chinois exportaient encore leur laine brute, retravaillée en Écosse où elle acquérait l'essentiel de sa valeur ajoutée. Après avoir bourlingué en Chine pour le compte d'une entreprise informatique britannique dont il dirigeait la filiale en France, Didier Bompard passe un accord avec les Chinois pour s'assurer la matière première et faire fabriquer sur place les produits. Cet amateur de parachutisme fait le grand saut et quitte l'informatique pour ouvrir son premier magasin à Neuilly. Il édite son premier prospectus, ancêtre de son catalogue actuel, pour faire « sa réclame », comme le disait sa maman. L'affaire décolle : vente par correspondance, puis, depuis 2006, sur Internet, ouverture de nouveaux magasins en France, en Belgique, en Suisse, en Allemagne et en Angleterre... Aujourd'hui, Éric Bompard vend 500 000 pull-overs par an et réalise 60 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Une affaire presque entièrement autofinancée
Chez lui, pas de cachemire bon marché à 60 euros la pièce. Il vise le haut de gamme. «Le cachemire, c'est comme l'or, explique-t-il, plus c'est lourd, plus c'est cher. » Le traitement de la laine subit un long processus et passe par plusieurs étapes. On peut faire moins cher en sautant des étapes, mais c'est de moins bonne qualité. Il veut aussi la finition parfaite. Il retourne le revers de manche de son tricot beige - un cachemire Bompard, croit-il utile de préciser - pour montrer la perfection du maillage.
La qualité paie. L'entreprise réalise 10 % de bénéfice avant impôt. Elle s'autofinance à 99 %. Au top du classement de la Banque de France, elle peut sans difficulté se couvrir jusqu'en 2012 pour les fluctuations de cours du dollar. Même la crise n'a pas trop de répercussion sur cette PME qui n'a pas besoin de crédit. Seul problème, dont se plaint ce créateur d'entreprise, la mainmise étouffante de l'État sur les PME qui bride les initiatives par la lourdeur de la fiscalité et la rigidité des réglementations.
Va-t-il introduire son entreprise en Bourse ? Sûrement pas ! Se vendre à un grand groupe comme Pinault ou LVMH ou à un fonds d'investissement ? « Ils sont tous là à nous attendre, dit Éric Bompard. Mais la société n'est pas organisée pour être vendue. Si vous vendez à un grand groupe, même si vous restez dans l'entreprise, vous perdez la liberté d'actionner quelque chose qui est votre âme. » Et sa fille, Lorraine de Gournay, directrice générale, est là pour assurer la continuité.
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