En Chine, les militants prodémocratie sont réduits au silence
C'est un prétexte. » Hua Chunhui est encore hébété par la lourdeur de la sentence infligée à sa compagne. Chen Jianping, 46 ans, purge une peine d'un an de « camp de rééducation par le travail ». Son crime : avoir envoyé un court message sur Twitter le 17 octobre.
La Chine est alors furieuse contre le Japon après l'arrestation d'un de ses marins à proximité des îles Diaoyu, dont la souveraineté est contestée. Le couple d'internautes aguerris commente sur Twitter la manifestation qui a lieu à Mianyang, dans la province du Sichuan. Hua Chunhui signale sur le ton de l'ironie que les manifestations antijaponaises, ce n'est plus très original, que ces jeunes nationalistes pourraient être plus innovants, pourquoi pas en exprimant leur mécontentement devant le pavillon japonais à l'Exposition universelle de Shanghaï. Wang Yi, le pseudonyme de Chen Jianping sur Twitter, relaie ce message et a le malheur d'ajouter « En marche, jeunesse en colère ! »
Mais la censure chinoise n'est pas sensible au second degré. Le 28 octobre, date à laquelle le couple avait prévu de faire les démarches administratives pour son mariage, trois hommes de la sécurité publique viennent cueillir M. Hua dans le cabinet d'assurances qui l'emploie, à Wuxi, dans le Jiangsu. Il est enfermé dans une « prison noire », en fait une simple chambre d'hôtel du centre-ville, puis maintenu en détention pendant dix jours. Libéré le 8 novembre, il apprend que sa future épouse a été arrêtée elle aussi et transférée vers sa province natale, le Henan. Elle est ensuite condamnée à un an de travaux forcés pour « trouble à l'ordre public » par une procédure extrajudiciaire. Elle a été insultée et parfois violentée, selon les informations recueillies par son ami. La cour de justice locale refuse de se saisir du dossier déposé par ses avocats.
« Nous sommes modérés »
« Ce qui distingue une société civilisée d'une société barbare, c'est que nos crimes sont définis par rapport à nos actes et non sur les pensées que l'on nous prête », lance Hua Chunhui. Ni Chen Jianping, une auteure indépendante ni lui n'ont l'aura de dissidents tels que Liu Xiaobo. Au mieux sont-ils des citoyens un peu plus engagés que la moyenne. Ils se sont rencontrés sur Internet et partagent cette préoccupation pour les libertés civiles. Tous deux ont osé commenter sur le Web l'attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo et se réunir pour la célébrer. Voilà probablement le vrai crime de Chen Jianping, car depuis l'annonce la répression s'abat sans pitié sur ceux qui osent lui montrer de la sympathie.
« Nous voudrions faire de la Chine une société de citoyens. Nous ne prônons pas la révolution, nous sommes des modérés qui espérons des avancées sociales par le dialogue », explique Hua Chunhui. Il garde l'espoir que son mariage puisse être enregistré malgré la sentence.
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