jeudi 20 janvier 2011

Le PC vietnamien face aux tensions économiques - Bruno Philip

Le Monde - International, jeudi, 20 janvier 2011, p. 8

Un idéologue conservateur, Nguyen Phu Trong, a été désigné, mardi 18 janvier, à la tête du Parti communiste vietnamien (PCV) au terme d'un congrès quinquennal qui devrait néanmoins confirmer la montée en puissance du premier ministre, Nguyen Tan Dung, réélu au sein du comité central.

Nguyen Phu Trong, 66 ans, originaire du nord, a été élu secrétaire général du parti par le nouveau comité central (180 membres). Il assumera cette fonction pendant cinq ans. Un bureau politique de 14 membres a été désigné. Président sortant de l'Assemblée nationale, Nguyen Phu Trong était favori pour ce poste. Son profil consensuel est proche de celui de son prédécesseur, Nong Duc Manh, qui part à la retraite après deux mandats consécutifs. En dépit de ce statut de numéro un officiel, Nguyen Phu Trong devrait demeurer dans les coulisses d'un pouvoir qui se concentre désormais entre les mains du premier ministre Nguyen Tan Dung, 61 ans, ancien soldat " sudiste " et vétéran de la guerre.

Le 11e Congrès du Parti communiste vietnamien (PCV) - 3,6 millions de membres - s'était ouvert, le 12 janvier, dans un contexte économique marqué par l'inflation, la faiblesse de la monnaie nationale et l'accumulation de déficits commerciaux abyssaux (12 milliards de dollars). Le " dragon " d'Asie du Sud-Est traverse une période de turbulences qui devrait forcer, à plus ou moins court terme, les responsables vietnamiens à reconsidérer la pertinence de leurs choix en matière de développement.

" Nous devons revoir notre modèle de croissance, accélérer l'industrialisation et la modernisation ", avait déclaré à l'ouverture du Congrès Nong Duc Manh. Selon lui, le Vietnam devrait se doter d'une main-d'oeuvre plus qualifiée, améliorer son système d'éducation et développer les sciences et les technologies. Un choix d'évolution à la taïwanaise désormais mis en avant en Chine populaire.

Le scandale Vinashin, conglomérat d'Etat et géant des chantiers navals, a pesé sur les débats au sein d'un appareil fracturé par des clans rivaux. L'entreprise Vinashin, dirigée encore il y a peu par un proche - aujourd'hui arrêté - du premier ministre Nguyen Tan Dung, est en situation de quasi-faillite après avoir accumulé une dette de 4,4 milliards de dollars, soit 4,5 % du PIB de 2009. Ce naufrage, que le gouvernement tente d'éviter, avait affaibli, un temps, la position du chef de gouvernement qui a dû batailler ferme ces derniers mois pour se défendre face aux accusations de ses adversaires politiques.

Par ailleurs, en dépit d'une montée en puissance de son économie (elle connaît un rythme de croissance de plus de 7 % depuis les années 1990, de 6,8 % en 2010), la réputation du Vietnam souffre de ses carences en matière de gestion et d'un système bancaire trop fragile.

En 1986, Hanoï avait lancé le Vietnam sur la voie du " doï moï ", le renouveau. Une stratégie de développement calquée sur le modèle chinois qui combinait évolution vers l'économie de marché, maintien du parti unique et fermeté du contrôle politique. Un quart de siècle plus tard, le pouvoir vietnamien va sans doute être amené à réviser sa stratégie.

" La capacité des autorités à discipliner l'économie et ses acteurs divers n'est pas très développée ", explique Martin Gainsborough, chercheur à l'université de Bristol. Le parti unique, politiquement distinct de l'Etat dans les années 1990, a évolué au fil du temps de plus en plus vers une situation d'" Etat parti ". Sur le plan social, d'un côté, une classe moyenne s'est développée, de l'autre, les inégalités se sont creusées, scénario classique chez les pays émergents mais doublé, au Vietnam, d'un visage de plus en plus autoritaire.

La période qui a précédé l'ouverture du 11e Congrès a, en effet, été marquée par une crispation des autorités à l'égard de journalistes irrévérencieux et des acteurs d'une blogosphère dynamique. Un décret qui entrera en vigueur en février va permettre de punir les auteurs d'informations " non autorisées " ou non conformes aux " intérêts du peuple ". Les observateurs voient dans cette mesure une nouvelle contrainte pour des médias déjà bridés par le pouvoir.

Bruno Philip

PHOTO - Vietnam Communist Party's newly elected Secretary General Nguyen Phu Trong (C), 66, poses with re-elected Politburo member and Prime Minister Nguyen Tan Dung (L) and re-elected Politburo member Truong Tan Sang (R) and new Central Committee members during the closing session of the VCP's 11th national congress in Hanoi on January 19, 2011. Vietnam's ruling communists have elected as their new leader a 'soft' figure whose power is expected to be eclipsed by the prime minister's, party sources said. They said the elite Central Committee of 175 members chose Nguyen Phu Trong, 66, to be general secretary of the Communist Party.

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