mercredi 12 janvier 2011

Pékin a tout intérêt à racheter de la dette portugaise et espagnole

Le Monde - Economie, mercredi, 12 janvier 2011, p. 16

La Chine est devenue un acteur majeur de la crise de la dette dans la zone euro, en s'engageant à acheter des obligations espagnoles et portugaises. Lors de sa visite à Madrid, du mardi 4 au vendredi 7 janvier, le vice-premier ministre, Li Keqiang, a en effet lancé une bouée de sauvetage à l'Espagne. Le Portugal, lui, a annoncé vendredi des négociations en cours avec un mystérieux acheteur sur une émission privée d'obligations. Il serait surprenant que l'acheteur en question ne soit pas Pékin, car le refinancement de ces économies en difficulté pourrait s'avérer rentable.

Des défauts souverains dans la zone euro ne seraient pas sans douleur pour la Chine. L'Europe est son premier partenaire commercial, et un climat d'incertitude affecterait la demande pour ses produits. Peut-être est-ce même déjà le cas : les statistiques de décembre 2010 montrent une augmentation de 18 % des importations en provenance de Pékin, en glissement annuel, soit la moitié seulement du taux enregistré le trimestre précédent. Par ailleurs, l'union monétaire a ses charmes : impossible, pour ses Etats membres, de dévaluer leur monnaie pour gagner des parts de marché.

Pour la Chine, dépenser au total 11 milliards d'euros pour la dette de l'Espagne et du Portugal, comme l'ont avancé des journaux locaux, ne serait guère un sacrifice. Cela représente 0,5 % de ses réserves de change, qui ont atteint fin 2010 le montant record de 2 847 milliards de dollars (2 198 milliards d'euros), selon des chiffres publiés mardi 11 janvier par la Banque populaire de Chine. Quant au Portugal, le coût des credit default swaps (CDS, contrats de protection financière) ayant doublé par rapport à août 2010, une forte décote semble assurée.

Pékin peut aussi espérer quelques concessions d'ordre politique. Le Portugal apporte avec lui des liens étroits avec l'Angola, un pays riche en pétrole, et l'Espagne avec l'Amérique latine. A plus court terme, la Chine demande à l'Union européenne de lui accorder le statut très convoité d'" économie de marché ", qui la mettrait à l'abri de droits de douane prohibitifs destinés à lutter contre le dumping. Pékin souhaiterait aussi la fin de l'embargo sur les armes, que l'Europe avait presque levé avant que les Etats-Unis n'interviennent il y a cinq ans.

En achetant la dette de la zone euro, la Chine continuerait de faire ce qu'elle fait peut-être déjà, mais plus ouvertement. Elle n'a pas pour habitude de donner des informations sur ses avoirs. A lui seul, son soutien ne résoudrait pas non plus les problèmes du Portugal et de l'Espagne. Mais le battage médiatique que cela engendrerait est bon à prendre. Les dirigeants de ce pays tributaire des échanges commerciaux ont bien compris que ce qui renforce l'euro ne manquera pas d'améliorer les exportations chinoises vers une Europe aux abois.

John Foley

(Traduction de Ngoc-dung Phan)

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