La consommation intérieure explose et prend le relais des exportations, perturbées par la hausse des coûts.
La Chine restera-t-elle pour longtemps encore l'atelier du monde et le chaînon incontournable du prêt-à-porter ? De multiples métamorphoses devraient modifier en profondeur cet état des choses. Après avoir travaillé de façon forcenée pour l'export, le pays se met à l'ouvrage pour son propre marché.
Du lundi 17 au jeudi 20 janvier, pour le Hongkong Fair Fashion Week, près de 2 000 exposants de vingt-sept pays sont venus chercher des tissus et des sous-traitants pour réaliser leurs collections, promouvoir leurs marques de prêt-à-porter, ou encore, pour les très nombreux fabricants chinois, rencontrer leurs clients. Cette énorme foire du « sourcing » - la recherche de fournisseurs à moindre coût - mêlait des stands tristounets de prêt-à-porter chinois très bas de gamme, des rangées de robes longues à froufrous et paillettes, une poignée de représentants de magnifiques soies et cachemires et quelques créateurs novateurs, japonais et chinois, comme JNBY, Mademoiselle ou Anagram.
Tous les acheteurs américains et européens sont unanimes : faire fabriquer en Chine est devenu beaucoup plus cher. Le salaire des ouvriers du textile a un peu augmenté (à Shenzhen, dans la province Guangdong, il est ainsi passé en juillet 2010 de 103 à 126 euros par mois), tout comme leur protection sociale minimum - un mois de salaire leur est désormais dû en cas de licenciement. Mais surtout, les matières premières ont explosé. Le prix du coton a flambé et, dans une moindre mesure, celui de la soie, de la laine et du polyester.
« Tout le monde pleure amèrement la Chine d'avant la crise », souligne-t-on chez OTTO, un conglomérat allemand qui effectue le sourcing de mastodontes américains du textile et, pour la France, celui des 3 Suisses et de La Redoute. Depuis 2008, les prix de fabrication en Chine se sont envolés de plus de 30 %, voire 40 %, si l'on prend en compte les salaires et la hausse des matières premières. « Beaucoup pensaient que cet eldorado ne changerait jamais, mais désormais, il sera impossible de voir des T-shirts en vente à 3,99 euros », dit-on de même source.
Bon nombre de géants du prêt-à-porter, qui achètent en très grosses quantités, travaillent maintenant avec le Pakistan, le Cambodge, le Vietnam, le Bangladesh ou l'Inde, bien moins chers en termes de main-d'oeuvre. « On ne trouvera pas, demain, un substitut à la Chine, on travaillera encore longtemps avec leurs usines », tempèrent la plupart des gros acheteurs.
Daniel Benayoun, directeur des achats de Zapa, une entreprise française de prêt-à-porter, compte cependant réduire son sourcing en Chine de 45 % à 35 %, au profit des pays du Maghreb et « de la Tunisie, si cela redevient possible ». « Les prix y sont devenus comparables à ceux de la Chine, la qualité est bonne, le coût du transport bien plus faible et la proximité mieux adaptée au renouvellement fréquent des collections », dit-il.
Normes strictes
Mais la Chine pourra toujours se consoler en habillant ses millions d'habitants. La demande est exponentielle. Entre janvier et août 2010, la consommation de textiles, vêtements et chaussures a augmenté de 23,7 %, à 354 milliards de yuans (39,5 milliards d'euros) par rapport à la même période de 2009, selon Gildas Minvielle, responsable de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode. Les grandes enseignes de Hongkong ont crû et multiplié.
Ainsi, Weija Textiles, qui fournit 2,5 millions de cols par an pour les polos Adidas, Reebok, Fila et Lotto, travaille désormais pour trois marques locales. Les Chinois sont aussi devenus d'importants acheteurs de matières premières.
Certaines usines modifient la règle du jeu avec leurs clients occidentaux, en augmentant le niveau minimum des commandes. D'autres demandent des engagements fermes six mois à l'avance... « Ils trouvent que les Français coupent les cheveux en quatre pour des petits volumes et leur préfèrent les Américains, plus carrés, qui commandent des volumes énormes », concède M. Benayoun. Travailler avec les Occidentaux oblige à se plier à des normes plus strictes que celles appliquées au marché local. Ces fabricants chinois ont, dit-il, le choix entre « réaliser de très gros volumes mais des marges faibles pour le marché intérieur et travailler pour l'export, avec des marges plus importantes mais des labels de certifications ISO ou Reach ». Même si de grands magasins chinois commencent à élever leurs exigences dans ce domaine. Au point de refuser de commercialiser des tissus « made in China »...
L'autre métamorphose du marché textile du pays pourrait être, contre toute attente, un manque de main-d'oeuvre qualifiée à moyen terme. En tout cas dans le berceau de cette industrie, sur la côte est, près de Shanghaï. Le gouvernement a mis fin aux aides qu'il accordait au secteur pour développer les industries tertiaires. Cela devrait profiter aux manufactures implantées plus tardivement dans l'ouest et le nord, où les salaires restent, pour l'heure, bien moins élevés.
Nicole VulserLa classe moyenne a soif de consommation
Stéphane Lauer
L'IMPRESSIONNANTE croissance chinoise s'accompagne d'une accélération de la consommation. Les ventes de détail ont augmenté de 18,4 % en 2010, après une progression de 15,5 % en 2009. Sans être encore le principal moteur de l'économie du pays, la consommation a tout de même contribué à hauteur de 3,9 points aux 10,3 points de croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2010.
Même si ces chiffres peuvent impressionner par rapport à ce que connaissent les Etats-Unis ou l'Europe, la consommation pèse encore relativement peu dans l'économie chinoise : à peine 35 % du PIB, soit deux fois moins qu'aux Etats-Unis, notamment du fait d'un taux d'épargne record.
Conscient que le ralentissement dans les pays développés risque de gripper la machine exportatrice chinoise, Pékin s'est fixé comme objectif, notamment au travers du 12e plan quinquennal (2011-2015), de rééquilibrer l'économie au profit de la demande intérieure.
Plan de relance
L'équation reste toutefois compliquée. Ces deux dernières années, une bonne partie de la consommation a été tirée par le plan de relance, décidé par les autorités chinoises dans la foulée de la crise financière internationale. Or, celles-ci ont annoncé un arrêt des aides à la consommation. Ce sont elles qui avaient permis à la Chine de devenir, en 2009, le premier marché automobile du monde devant les Etats-Unis. Que se passera-t-il lorsque ce soutien artificiel prendra fin ?
L'autre clé de la consommation réside dans la capacité à augmenter les salaires. Les décisions qui viennent d'être prises dans le Guangdong, la première province exportatrice chinoise, pourraient constituer un précieux soutien. Le gouvernement provincial vient en effet d'annoncer une hausse des salaires minima de 18,6 %, après une augmentation de 20 % en mai 2010. Même tendance à Pékin, où le salaire minimum a été relevé le 1er janvier de plus de 20 %. Par ailleurs, la hausse des prix agricoles devrait continuer à alimenter les revenus ruraux, qui ont progressé de près de 10 % en 2010. Enfin, l'accroissement de la dépense publique en matière de retraite et de maladie devrait jouer un rôle. Mais ces soutiens à la consommation ne seront efficaces que si le gouvernement parvient à maîtriser les menaces inflationnistes.
A court terme, la mission économique de l'ambassade de France à Pékin reste optimiste : « Au total, l'évolution de la consommation en 2011 devrait être favorable. Elle devrait contribuer pour près de la moitié de la croissance. » A plus long terme, la base de consommateurs s'élargit. Ainsi, le Boston Consulting Group estime que sur les dix prochaines années le nombre de consommateurs des classes moyennes et supérieures passera de 150 à 400 millions.
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2 commentaires:
Merci pour la grande information que vous écrivez, il est très propre. Je suis très chanceux d'avoir cette astuces.
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