vendredi 4 février 2011

ENQUÊTE - Pourquoi l'expansion chinoise nous fait peur


Les Echos, no. 20862 - L_enquête, jeudi, 3 février 2011, p. 12

La chine se retrouve au coeur de plusieurs actions à un moment où ses entreprises passent en mode offensif et où le pouvoir central durcit le ton. paranoïa gratuite parmi les pays étrangers ou réelle menace ?

Après l'admiration, la crispation. A mesure que la Chine sort de ses frontières en multipliant les acquisitions, la crainte d'une déferlante menaçant nos intérêts vitaux grandit en Occident. Fantasme ou réalité ?

C'est devenu une quasi obsession. Après un mélange de stupeur et d'admiration devant la formidable montée en puissance de la Chine, voici venu le temps de la défiance. En Occident, et singulièrement en Europe, une peur sourde s'installe. Il ne se passe plus une semaine sans qu'une initiative chinoise affole les milieux politico-économiques de nos vieux pays. Cet automne, le feuilleton Draka a illustré mieux que d'autres cette soudaine crispation. En novembre, le néerlandais est l'objet de trois offres de rachat. Sur les rangs, le français Nexans, l'italien Prysmian et un invité surprise : le chinois Tianjin Xinmao. L'enjeu : devenir le numéro un mondial des câbles industriels... Après plusieurs semaines et des réactions en cascade, le prétendant chinois, rejeté de toutes parts, retirera finalement son offre. A peu près au même moment, l'Etat chinois, riche de ses 2.800 milliards de dollars de réserves de change, vient au secours de la zone euro en rachetant des emprunts d'Etat. Et c'est aussi « l'ombre chinoise » qui se dessine dans l'affaire d'espionnage non encore élucidée qui agite Renault. Des événements parmi d'autres, qui alimentent le fantasme d'une déferlante chinoise incontrôlée sur notre industrie et nos finances. Une inquiétude entretenue par les prises de position anxiogènes de plusieurs hauts responsables. « Si la Chine gagne, l'Europe perdra son savoir-faire », déclare fin 2010 le commissaire à l'Industrie, Antonio Tajani. « Il est important pour l'Europe de défendre ses entreprises le mieux possible. » Mieux, comme aux Etats-Unis, Bruxelles cherche aujourd'hui à mettre en place une autorité ad hoc qui serait chargée de passer au peigne fin les investissements chinois.

Croissance et réserves de change

Mais qu'en est-il vraiment de ce nouveau péril jaune ? A la lumière des statistiques, la menace d'une Chine qui ferait main basse sur Vieux Continent est encore très exagérée. Même multipliés par plus de trois en un an, les investissements directs chinois en Europe (3,35 milliards de dollars en 2009) restent inférieurs à ceux de l'Europe en Chine (plus de 5 milliards). Et la série d'acquisitions réalisée ces derniers mois, type Volvo ou Cerruti, ne doit pas faire oublier les contrats géants que continuent d'engranger les firmes européennes sur le sol chinois. Pourquoi, dès lors, ce changement de perception ?

Sorti renforcé de la crise de 2008, désormais deuxième puissance économique mondiale devant le Japon, l'empire du Milieu est passé depuis deux ans en mode offensif. Il continue d'afficher d'insolents taux de croissance : + 10,3 % en 2010 après 9,2 % en 2009 et 9,6 % en 2008. S'il reste encore un acteur de second rang en matière d'innovation, il a entrepris de combler son retard. De 20.000 publications scientifiques en 1998, le pays est passé dix ans plus tard à 112.000.

Quant aux entreprises chinoises, nourries pour la plupart aux joint-ventures signés avec les étrangers, elles cherchent désormais des relais de croissance à l'extérieur et se muent en réels concurrents des occidentaux. Le bal a été ouvert dans les télécommunications, avec Huawei ou ZTE, très offensifs dans les pays en développement. Les pétroliers ont suivi. Demain ou après-demain, ce sera au tour des fabricants de TGV ou de centrales nucléaires.

Contrats d'approvisionnement

De leur côté, les dirigeants sillonnent le monde et multiplient les contrats d'approvisionnement en matières premières, en Asie centrale, tandis que, en Afrique subsaharienne, ce sont plutôt des terres agricoles et les ressources naturelles qui ont été l'objet de leurs convoitises. Partout sur la planète, le pays étend son influence, multipliant l'ouverture des instituts Confucius ou des bureaux de l'Agence Chine Nouvelle.

A cette expansion chinoise répond une inflexibilité de ses dirigeants dans les instances internationales, qu'il s'agisse de défendre le yuan ou leurs intérêts commerciaux. L'OMC (Organisation mondiale du commerce) met régulièrement en avant l'absence de réciprocité dans les affaires qui était pourtant une condition de base à l'entrée de Pékin dans l'Organisation mondiale en 2001.

Sur le terrain diplomatique aussi, le ton chinois se durcit : fin 2010, le Japon a payé le prix fort pour l'arrestation de l'équipage d'un chalutier chinois qui avait heurté un de ses bâtiments militaires. En représailles, Pékin a interrompu un temps ses livraisons de terres rares. Une réaction disproportionnée, mais que le monde occidental capte comme autant de signaux négatifs, comme la marque d'une intransigeance. « Depuis un an ou deux, il y a une prise de conscience des pays développés et l'image de la Chine n'est plus aussi positive qu'avant », résume Valérie Niquet, analyste auprès de la Fondation pour la recherche stratégique.

MICHEL DE GRANDI



PetroChina, le géant courtisé

EMMANUEL GRASLAND

PetroChina est un acteur avec lequel les grandes compagnies pétrolières tentent de plus en plus de travailler. Pour assurer les besoins énergétiques de la Chine, la deuxième capitalisation de la planète multiplie les prises de participation dans des permis d'exploration ou des projets à l'étranger, qu'il s'agisse des sables bitumineux au Canada, des gisements irakiens ou du gaz non conventionnel en Australie. Sa force de frappe financière et sa capacité à supporter des retours sur investissement moins élevés que les compagnies occidentales en font un rival difficile à affronter. Les majors préfèrent en faire un partenaire. En Europe, PetroChina est également passé à l'offensive en prenant des participations dans deux raffineries d'Ineos. La distribution de carburants constitue enfin l'un de ses points forts. La société, qui compte plus de 500.000 salariés, contrôle près de 40 % du marché des carburants en Chine avec plus de 18.000 stations-service.


Song Zhe (ambassadeur de Chine auprès de l'UE)

ALEXANDRE COUNIS

Titulaire d'un master en économie, Song Zhe défend les intérêts de la Chine à Bruxelles depuis mars 2008. On le dit très bien introduit auprès du Premier ministre Wen Jiabao, dont il fut conseiller diplomatique. Le parcours de cet homme discret, né en 1960, marié et père d'une fille, passe par Pékin, bien sûr, mais aussi par Londres, où il fait un premier passage à l'ambassade de Chine au Royaume-Uni de 1988 à 1992, puis de 2000 à 2001. Ce qui lui permet de maîtriser parfaitement l'anglais. Le reste de sa carrière, il la passe au département Europe occidentale du ministère chinois des Affaires étrangères, jusqu'à rejoindre en 2003, comme directeur général, le Secrétariat général du Conseil des affaires d'Etat. A Bruxelles, il cherche notamment à faire reconnaître le statut d'économie de marché pour la Chine et travaille à la levée de l'embargo sur les armes.


Kong Quan (ambassadeur de Chine à Paris)

MICHEL DE GRANDI

Pour ses premiers pas d'ambassadeur de Chine à Paris, Kong Quan, cinquante-cinq ans, aurait sans doute aimé un climat plus apaisé. Ce diplomate est en effet arrivé quelques semaines avant le passage houleux de la flamme olympique dans la capitale française, en 2008... et le « coup de froid » qui s'en est suivi. Fini le calme feutré du ministère des Affaires étrangères à Pékin, dont il était le porte-parole. La France, Kong Quan la connaît bien. Il a été pendant deux ans stagiaire à l'ENA. Dans le cadre du G20, comme sur le plan bilatéral, il lui revient de chercher des bases de coopération nouvelles entre les deux pays.

© 2011 Les Echos. Tous droits réservés.

0 commentaires: