La remontée des prix du pétrole ébranle les marchés asiatiques. Et les investisseurs ont de quoi s'inquiéter. Avide consommatrice d'énergie, l'Asie importe l'essentiel de son brut du Moyen-Orient. Quand on s'interroge sur une éventuelle propagation des mouvements arabes de protestation, on ne songe habituellement qu'aux pays voisins. Or, il convient d'observer de près cette " courroie de transmission " économique qu'est le pétrole.
Car la rapidité de sa croissance a rendu l'Asie plus dépendante encore du pétrole arabe. L'intérêt porté aux sources d'énergie plus propres et plus proches - gaz naturel, énergie hydroélectrique ou nucléaire - n'a en rien altéré l'appétit de la région pour le brut. Le Japon et la Corée du Sud importent 80 % de l'énergie qu'ils consomment, comme le rapporte la Banque mondiale. Pourvues d'abondantes réserves de charbon, la Chine et l'Inde dépendent moins des importations mais, dans ces deux pays, la consommation du pétrole s'accélère. Selon les données de BP pour l'Asie, l'or noir, qui représente 30 % du bouquet énergétique du continent, provient pour moitié du Moyen-Orient.
Faute de stocks importants, l'Asie est vulnérable en cas de flambée des prix ou de pénuries. Seuls quelques rares pays ont constitué des réserves de pétrole appréciables. Et bien que dotée de réserves stratégiques, à la fin 2010, la Chine avait tout juste de quoi couvrir 40 jours de consommation, alors que l'Agence internationale de l'énergie recommande aux États de constituer des stocks équivalents à 90 jours de consommation.
La croissance asiatique reste extrêmement énergivore. La combustion d'un kilogramme de pétrole permet aux économies avancées, comme le Japon, de produire plus de 8 dollars de produit intérieur brut (PIB), contre 3,75 dollars en Chine. Un pétrole plus cher aura donc pour effet de saper la croissance économique.
En Asie comme ailleurs, l'augmentation du prix des carburants est une bombe politique. En Indonésie, les émeutes de 1998 qui ont provoqué la chute du dictateur Suharto ont été déclenchées par la hausse des prix des carburants.
La Chine, l'Inde et l'Indonésie amortissent à coup de subventions l'impact de cette hausse sur les plus pauvres qui, sans quoi, seraient les plus durement touchés en raison de la cherté du gaz domestique et des engrais. Mais si le cours du pétrole poursuit son ascension, ces subventions vont grever les budgets et drainer des ressources qui auraient dû venir alimenter la croissance. Sans compter qu'en maintenant le prix des carburants à un niveau artificiellement bas, les États ne font qu'encourager la consommation.
La flambée de l'or noir risque de gripper la croissance et d'accroître les tensions dans une région déjà en proie à l'inflation. Pour l'Asie, les troubles qui secouent le Moyen-Orient arrivent à un bien mauvais moment.
Wayne Arnold
(Traduction de Béatrice Laroche)
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