lundi 7 février 2011

Les nouveaux empereurs - Yann Le Galès

Le Figaro, no. 20688 - Le Figaro Économie, lundi, 7 février 2011, p. 26

Zhang Yong, le président fondateur de la chaîne de restaurants Haidilao Hotpot, Jiang Xipei, le président fondateur du conglomérat Far East, Ye Maozhong, le président de l'agence de publicté et de marketing Ye Maozhong Marketing, Guo Zhenxi, directeur de la chaîne de télévision CCTV-2, Zhou Hongyi, président du fonds Qihoo.com, Zong Qinghou (PHOTO), président du groupe Wahaha spécialisé dans les boissons non alcoolisées et les laitages et première fortune de Chine, qui a été en conflit pendant plus de deux ans avec Danone, ne sont pas seulement des entrepreneurs qui contribuent à bâtir la puissance économique de la Chine. Ces hommes qui dirigent leurs entreprises comme les empereurs chinois gouvernaient leur pays sont peut-être en train de réaliser une véritable révolution culturelle dans le monde des affaires en mettant à mal l'un des domaines où les Américains règnent depuis des décennies en maîtres du monde : le management.

« Les entrepreneurs privés chinois ne sont pas des révolutionnaires au sens où ils rejettent tout ce qu'ils ont appris dans les écoles de management occidentales. Ils adaptent le modèle de management occidental à la Chine moderne et le mélangent avec les idées, les concepts, les philosophies et les différents éléments de la culture chinoise », écrit Charles-Édouard Bouée, président Asie et membre du comité exécutif groupe du cabinet de conseils Roland Berger qui publie China's management revolution. Spirit, Land, Energy aux éditions Palgrave Macmillan. L'empire du Milieu démontre chaque jour davantage qu'il est à la fois la patrie de Confucius et de Den Xiaoping qui a lancé la modernisation du pays en 1978 et encouragé les Chinois à s'enrichir. La nouvelle grande puissance économique ne s'inspire plus de l'Amérique pour développer son économie. Elle est suffisamment forte pour décider par elle-même ce qui est bon pour son avenir en puisant dans sa culture plusieurs fois millénaire.

Plongeant dans l'histoire politique, économique, religieuse et culturelle de la Chine, Charles-Édouard Bouée retient trois concepts pour décrypter la manière dont les entrepreneurs chinois dirigent : le spirituel, la terre, l'énergie. Il rappelle que l'équilibre entre l'État et les entrepreneurs s'inscrit dans une longue tradition historique. Car les différences sont grandes dans l'art de faire grandir une entreprise chinoise ou européenne. Alors que les Occidentaux jurent par la rationalité, les Chinois obéissent davantage aux règles de la logique floue. Ils misent sur la flexibilité, la capacité d'adaptation, le consensus, la dynamique pour s'adapter à un monde qui change à toute vitesse. Ils se concentrent sur la compréhension de leur environnement, la tactique et délaissent la stratégie. « Un dirigeant occidental fait d'abord allégeance aux actionnaires, puis à ses clients, à ses fournisseurs et enfin à ses salariés. En Chine, le pays et la communauté arrivent en premier, même si les entreprises sont cotées. Les actionnaires sont rarement mentionnés », conclut Charles-Édouard Bouée.

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