Banquier du monde, la Chine semble désormais particulièrement ouverte à l'idée de participer à la " recapitalisation " européenne, après avoir initialement exprimé son inquiétude. Elle le fait directement auprès de pays comme le Portugal, la Grèce et l'Espagne - Li Keqiang, le vice-premier ministre chinois, a promis que Pékin absorberait pour 6 milliards d'euros de titres souverains espagnols lors de son voyage à Madrid en janvier. C'est moins le chiffre qui importe que le signal de soutien ainsi envoyé aux marchés, aussitôt rassurés.
La Chine a aussi acheté 200 millions d'euros de la première émission obligataire de 5 milliards d'euros lancée en janvier par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), indique Christof Roche, responsable médias du FESF. C'est cinq fois moins, toutefois, que le Japon. Mais l'administration chinoise des changes, la SAFE, détiendrait, selon certaines estimations, 630 milliards d'euros de titres européens. Une information difficile à vérifier, car la répartition des réserves chinoises est classée secret d'Etat !
En mai 2010, la SAFE s'était certes inquiétée du sort de ses avoirs grecs, italiens, irlandais, portugais et espagnols. Deux mois plus tard, elle faisait pourtant l'acquisition de 400 millions d'euros de titres espagnols.
" Opportunité commerciale "
Pékin dispose, il est vrai, d'une belle marge de manoeuvre : au dernier trimestre 2010, les réserves de changes ont gonflé de 200 milliards de dollars pour atteindre 2 847 milliards de dollars. Au cours des dernières années, la Chine a, sinon réduit ses avoirs en bons du Trésor américain, en tout cas cessé de les augmenter. Ceux-ci s'élevaient à 895 milliards de dollars fin novembre 2010 - dernier chiffre connu -, soit moins qu'en novembre 2009.
Cette diplomatie de la dette satisfait un intérêt bien compris : la Chine aide d'abord son premier client, les Etats-Unis. Mais elle poursuit aussi une politique de diversification de ses placements, formulée très explicitement depuis la crise financière mondiale. Pour Zhu Lijun, vice-présidente de l'université chinoise des affaires étrangères, qui forme les diplomates chinois, c'est d'abord " une opportunité commerciale " que saisit la Chine, mais aussi " l'occasion pour elle d'améliorer sa relation avec l'Europe depuis que celle-ci s'est détériorée en 2006 ".
Selon la chercheuse, la Chine avait placé beaucoup d'espoirs dans le partenariat Chine-Union européenne (UE), car elle pensait se voir accorder le statut d'économie de marché - ce que la Russie a obtenu en 2002 alors qu'elle n'était même pas membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pékin comptait également sur une levée de l'embargo sur les ventes d'armes.
Mais, en 2006, un rapport de la Commission européenne épingle la Chine comme la principale préoccupation de l'UE en matière de concurrence. " A partir de là, les experts de l'UE en Chine ont eu le sentiment que les pays européens en appelaient à une politique plus ferme vis-à-vis de Pékin ", note Mme Zhu. Le torchon brûle, et les relations sont au plus bas en 2008, au moment de la brouille franco-chinoise. Pékin annule même le sommet Chine-Europe prévu à Lyon en décembre 2008 ! " Avec la crise financière, c'est comme si la Chine et l'Europe redécouvraient des intérêts communs, poursuit Zhu Lijun. C'est ce qui explique le soutien très fort exprimé par M. Li en Espagne. Les deux parties ont beaucoup appris durant ces années de refroidissement. "
La question de l'attribution du statut d'économie de marché à la Chine a de nouveau été soulevée par le premier ministre, Wen Jiabao, lors du dernier sommet Chine-Europe, à Prague, en octobre 2010. Pour Feng Zhongping, spécialiste de l'Europe à l'Institut chinois des relations internationales, Pékin n'attend pas de résolution immédiate de ce problème : " Cela prendra plusieurs années. Ce n'est pas en aidant quelques pays que toute la politique européenne à l'égard de la Chine changera du jour au lendemain. "
Brice Pedroletti
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