La cité sud-coréenne, rivale d'Annecy, veut convertir l'Asie aux sports d'hiver.
Les Dieux de la neige semblent avoir choisi leur camp. Samedi, 77 centimètres de poudreuse en provenance du Pacifique ont tapissé en quelques heures la côte orientale de la péninsule coréenne d'un épais manteau blanc. Cette chute de neige « du siècle » est tombée juste à temps pour accueillir les experts du Comité international olympique (CIO) qui examinent cette semaine la candidature de Pyeongchang pour les Jeux d'hiver de 2018. Un nouveau signe favorable pour cette bourgade sud-coréenne qui défie Annecy et Munich et croit plus que jamais en son étoile.
Après avoir échoué par deux fois face à Vancouver et Sotchi, Pyeongchang est persuadé que sa troisième tentative sera la bonne. « Nous avons tiré les leçons de nos erreurs passées. Désormais, tout le monde tire dans le même sens, le gouvernement, les entreprises et la région », explique un conseiller du président Lee Myung-bak, venu en personne accueillir la délégation du CIO. Car à cinq mois du verdict (le 6 juillet à Durban), la petite station qui culmine à seulement 1 800 mètres d'altitude fait la course en tête face à ses prestigieuses rivales européennes. Avec un atout clé dans sa manche : la croissance économique de l'Asie qui fait miroiter un nouvel eldorado blanc à l'Est.
« Les JO à Pyeongchang vont promouvoir les sports d'hiver en Asie et développer un marché en plein boom », clame Cho Yang-ho, le président du comité. Le patron de la compagnie aérienne Korean Air sait de quoi il parle. Dans le flambant neuf Hotel Intercontinental construit au pied des pistes, les touristes de Hongkong, Singapour ou de Bangkok affluent, les yeux émerveillés. « Ils voient la neige pour la première fois. C'est exotique pour eux! », résume un hôtelier dont les affaires prospèrent grâce à cette nouvelle clientèle. Et qui fantasme déjà sur l'éveil de la Chine à l'or blanc.
Une architecture d'inspiration tyrolienne
Pour capter ce marché et séduire le CIO, Pyeongchang ne lésine pas : Alpensia, une nouvelle station de ski ultramoderne, avec hôtel de luxe et même parc aquatique, a surgi d'un champ de pommes de terre l'an dernier. Une bagatelle estimée à 1,5 milliard de dollars. En trente minutes, les athlètes pourront rejoindre l'ensemble des sites de compétition et un TGV reliera la capitale Séoul en moins d'une heure!
Si l'architecture a de timides allures tyroliennes, les Alpes sont bien loin. Dans les champs, des poissons séchés pendent sur des tréteaux. Le long des routes campagnardes, des gargotes servent une cuisine épicée entre des boutiques de snowboard. « Les sports d'hiver ne peuvent rester le privilège des pays occidentaux », insiste le conseiller présidentiel rappelant que l'Europe et l'Amérique ont monopolisé 22 des 24 Olympiades d'hiver. Mais cette fois la conjonction des astres olympiques pourrait changer la donne. Car, dans le secret de l'isoloir, des membres européens du CIO vont voter pour la candidature asiatique afin de maximiser les chances de succès de Rome ou Madrid en 2020, Barcelone ou la Suisse en 2022. Et Séoul peut compter sur la force de frappe politique et économique d'un des hommes les plus riches du monde pour convaincre les hésitants.
Condamné pour malversation financière, Lee Kun-hee, le patron de Samsung, a repris ses fonctions au CIO en 2010 grâce à un opportun pardon présidentiel. Cet entrepreneur au carnet d'adresse planétaire est déterminé à entrer définitivement dans la légende nationale en ramenant les Jeux au pays après ceux de Séoul en 1988. « Si nous continuons nos efforts nous avons une chance », a-t-il lâché, confiant. Mais Pyeongchang refuse d'endosser la tunique de favori : « Surtout, n'écrivez pas que nous sommes optimistes! », a lancé aux journalistes un représentant du Comité.
Sébastien Falletti Envoyé spécial à Pyeongchang
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