jeudi 3 février 2011

VIN - La Chine rêve de châteaux - Ferracci Marie-Thérèse


Valeurs Actuelles, no. 3871 - Jeudi, 3 février 2011, p. 68

Bordeaux Acquisitions de grands crus et riches retours sur investissement sont les objectifs des Chinois.

Ce 24 janvier a marqué un anniversaire : en 2008, Haiyan Cheng, une Chinoise de 30 ans, s'emparait du vignoble Château Latour-Laguens. Pour la première fois en France, la preuve était faite : les Chinois ne sont pas seulement amateurs de grands crus, ils savent aussi repérer les domaines intéressants et les acquérir. La Chine est devenue le premier client à l'export du vin de Bordeaux. En un an, les ventes ont augmenté de 71 %. En cinq ans, elles ont été multipliées par vingt.

Le temps a donné raison aux Chinois. Le coup de coeur de Haiyan Cheng n'était pas une tocade. À la tête d'une société d'importation de vins en Chine, filiale de la société immobilière Longhai International, la jeune femme, qui apprécie particulièrement le Bordelais, prospectait depuis un an dans la région. Elle a tout de suite compris le parti qu'elle pouvait tirer de ce vignoble payé près de 2 millions d'euros. Tenace, elle l'a emporté face à une comtesse luxembourgeoise, à un investisseur belge et à un riche propriétaire maltais.

Réaliste, elle a aussitôt mis en place un programme de restructuration étalé sur six ans et prévu les investissements nécessaires dans le vignoble, dans le chai comme au château lui-même, pour que Latour-Laguens devienne une destination touristique de choix ainsi qu'un vin digne d'un grand cru. Le vin est aujourd'hui classé dans la catégorie AOC bordeaux et bordeaux supérieur. L'encépagement en rouge est constitué de 55 % de merlot, 40 % de cabernet-sauvignon et 5 % de cabernet franc, tandis que l'encépagement en blanc - pour une production dix fois inférieure - est constitué de 40 % de muscadelle, 35 % de sauvignon blanc, 15 % de merlot blanc, le reste étant du sémillon.

À mi-parcours de ce pro gramme de rénovation, les résultats sont déjà perceptibles. Située dans l'Entre-Deux-Mers, la propriété, confiée depuis deux générations à la famille Laguens, n'avait pas été entretenue depuis longtemps. Aucun des enfants ne voulant prendre la succession, le domaine était quasi à l'abandon. Aussi, dès le printemps 2008, plus de 10 000 pieds ont été plantés tandis que la vigne hors d'état de produire des vins de qualité a été arrachée et remplacée.

Un premier résultat a été visible avec la présentation de ce cru aux primeurs de Bordeaux en 2008 puis en 2009 et avec l'obtention de la médaille d'argent pour sa cuvée Bacchus 2008 au concours général agricole de Paris. « Le but est de montrer qu'il existe de très beaux produits à Bordeaux en dehors des grands crus », indiquait à l'époque l'oenologue Stéphane Toutoundji. Il considère que Latour-Laguens, qui sort chaque année 140 000 bouteilles de rouge et 15 000 de blanc, peut encore progresser. Un impératif puisque l'âge moyen du vignoble atteint 25 ans. « D'année en année, je remarque que le terroir est vraiment magnifique et permettra de produire des vins d'une extrême qualité », explique-t-il.

La métamorphose touche aussi le bâtiment. Petit, c'est tout de même un vrai château avec sa tour et son donjon, capable de faire rêver les amateurs de princesses à la Disney venus de l'autre bout du monde. Le lieu se transforme pour accueillir des chambres d'hôtes de grand standing dont l'aménagement, avec des matières nobles, respecte le lieu et la région.

La propriété a donc toutes les qualités pour être la vitrine du groupe chinois, qui pousse les restaurateurs pour que tout soit prêt d'ici quelques mois, notamment la salle de dégustation, placée en contrebas de la cour d'honneur du château. Du 19 au 23 juin prochain, se tiendra en effet à Bordeaux la prochaine édition de Vinexpo. Avant cela, la présentation des primeurs au printemps offrira peut-être une nouvelle bonne surprise.

Château Latour-Laguens sera aussi certainement présent au salon de Vinexpo Asie-Pacifique qui aura lieu à Hong Kong du 29 au 31 mai 2012. Il convient de ne rien négliger pour asseoir la notoriété de ce cru et en faire une marque de grand luxe.

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Pékin investit dans le Bordelais - Valérie Landrieu
Les Echos, no. 20861 - Entreprises et Marchés, mercredi, 2 février 2011, p. 17

Les guides des vins lui prêtent une « rondeur » et « un velouté en bouche ». Le Château de Viaud, un lalande-de-pomerol, est désormais propriété chinoise. Après presque trois ans de discussion, l'entreprise publique Cofco, gros opérateur du secteur agroalimentaire en Chine, et Philippe Raoux, vigneron négociant du Bordelais, sont parvenus à un accord. Le géant chinois obtient les 21 hectares du vignoble AOC pour une dizaine de millions d'euros.

C'est la première fois que l'Etat chinois achète une activité dans les vins de Bordeaux, mais quelques entreprises privées s'y étaient déjà essayées. En 2008, le groupe immobilier Longhai International avait ainsi acheté les 60 hectares, dont 30 hectares de vignes, du Château Latour-Laguens. Depuis, la Chine est devenue le premier importateur des vins de Bordeaux. De quoi motiver Cofco. Le Château de Viaud n'est pas aujourd'hui commercialisé en Chine. La moitié de sa production - de 800 à 1.000 hectolitres par an -part à l'export, quasi exclusivement à destination des Etats-Unis.

Le groupe chinois peut aussi espérer améliorer son savoir-faire. Il est propriétaire d'une marque de vins incontournable en Chine, le Great Wall, qui, au dire des connaisseurs, est de piètre qualité.

Pour Philippe Raoux, le projet ne s'arrête pas là. Un accord a aussi été conclu pour commercialiser en Chine les vins de l'un des trois domaines dont il est propriétaire.

De son côté, Cofco a l'intention de poursuivre son expansion viticole. Le groupe a acheté il y a peu un vignoble au Chili et ne cache pas être intéressé par l'achat d'autres vignobles dans le Bordelais. « Cofco est prêt à regarder d'autres dossiers », explique Guillaume Rougier-Brierre, associé du cabinet d'avocats Gilles Loyrette Nouel qui a conseillé le groupe pour l'opération Château de Viaud. Un projet serait d'ailleurs dans les cartons.

VALERIE LANDRIEU

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