A Shanghai, le magasin phare de l'américain Mattel consacré à Barbie a fermé ses portes, mais les icônes made in China ne sont pas encore de taille à remplacer la célèbre poupée. Pékin s'est donné cinq ans pour promouvoir les médias et les arts autorisés par l'Etat, mais la censure et l'accès restreint au marché risquent de contrarier cette initiative en faveur de la « culture rouge ».
La Chine a de bonnes raisons de vouloir mettre en avant la culture nationale. Si la part des services à haute intensité de main-d'oeuvre dans le produit intérieur brut (PIB) atteignait 47 % dans cinq ans, contre 43 % aujourd'hui, le bénéfice serait double : ces activités créatrices d'emplois sont moins nocives pour l'environnement que l'industrie lourde. Les dépenses de l'Etat consacrées aux médias et à la culture devraient augmenter de 19 % en 2011, alors que, dans l'ensemble, les dépenses publiques ne progresseront que de 13 %.
La production culturelle n'est pas un secteur facile. La vidéo promotionnelle consacrée à une série de personnalités chinoises, diffusée sur les écrans géants de Times Square, à New York, avant la visite du président, Hu Jintao, en janvier, n'a pas convaincu les cybercitoyens. La nouvelle station de télévision « rouge » créée dans la mégapole de Chongqing, qui ne programme que des émissions « pour tous publics », sans publicité, ne se vante pas d'avoir conquis de larges parts d'audience.
Le premier problème tient à l'exclusion des médias étrangers. Dix ans après l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le cinéma étranger ne représente toujours qu'un tiers du temps de projection total. La télévision limite à 25 % le temps d'antenne imparti aux productions étrangères. La concurrence a souvent l'effet d'un catalyseur du développement; on ne voit pas pourquoi les médias feraient exception, surtout si la Chine espère un jour exporter sa culture.
Censure draconienne
Ensuite, loin de s'adoucir, la censure chinoise devient plus draconienne. Les entreprises locales obéissantes sont les premières à en profiter : le moteur de recherche Baidu a vu sa part de marché dépasser les 80 % lorsque Google s'est retiré de l'empire du Milieu.
L'organe du Parti communiste, l'agence de presse Xinhua, a désormais son propre moteur de recherche. Mais les usagers ne sont pas nécessairement ravis de sentir flotter un parfum de propagande, et ils pourraient, dès lors, passer par des voies illégales pour chercher leurs informations.
Si la Chine tient réellement à promouvoir la culture, elle ferait bien de laisser les médias privés donner libre cours à leur créativité. Sans quoi, c'est en pure perte qu'elle gonflera le budget de la culture. Pas un seul groupe de médias publics ne figure sur la liste des dix sites Web les plus consultés. Barbie n'a peut-être pas de leçon à donner aux dirigeants chinois en matière de culture, mais les rideaux baissés devant les vitrines de sa boutique inspireront peut-être à ces derniers quelques réflexions salutaires sur les dépenses inconsidérées.
(Traduction de Béatrice Laroche)
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