Les cours du pétrole ont fortement réagi à la baisse, alors que le Japon en est le troisième importateur mondial et que ses besoins d'énergie de substitution risquent d'augmenter avec l'arrêt des centrales nucléaires. Tout aussi contradictoire, le yen salue les malheurs de l'Archipel par un spectaculaire rebond. Et ultime paradoxe, ce pronostic de Lawrence Summers (PHOTO), l'ex-conseiller économique de Barack Obama, s'exprimant ce week-end à la télévision CNBC : « Cela peut temporairement accroître le PIB (produit intérieur brut), dans la mesure où un processus de reconstruction va se mettre en place. » Selon la parabole classique, après une catastrophe naturelle, de la « vitre cassée » qui fait le bonheur du vitrier chargé de la réparer.
C'est précisément ce qui s'était passé après le tremblement de terre de Kobe en janvier 1995. Les dégâts matériels, estimés alors à 100 milliards de dollars, et les efforts de reconstruction avaient contribué à accélérer la croissance du pays. Autre similitude frappante, la poussée du yen qui était passé de 100 yens pour un dollar à près de 80 yens en mars 1995.
Mais comparaison n'est pas raison. À l'époque, le dollar subissait une grave crise de défiance liée « à l'effondrement de la banque Barings et de la crise financière mexicaine (déclenchée en décembre 1994) », rappellent les analystes de Bank of America.
La bonne santé de la devise nipponne observée depuis deux jours obéit pour sa part à des facteurs techniques ponctuels, l'anticipation du rapatriement d'actifs en devises par les compagnies d'assurances. On estime entre 10 et 35 milliards de dollars l'ampleur des sinistres pour les assurances, ce qui en ferait le séisme le plus coûteux après celui avait frappé la Californie en 2004, selon Bank of America.
Tremblement de terre, tsunami, alerte nucléaire : la combinaison des trois empêche « toute comparaison historique valide avec d'autres chocs », tranchent les économistes du Crédit agricole. Ils s'attendent à un effet négatif sur la croissance de 2 % à 2,5 % de PIB (en rythme annuel) pour chacun des deux premiers trimestres de 2011. Pour ses partenaires, les conséquences ne s'exprimeront pas tellement en termes de demande : « Le Japon est un petit importateur, sa demande intérieure est traditionnellement faible », remarque Eric Chaney, économiste du groupe Axa. À quelques exceptions, comme les produits de luxe pour lequel le Japon représente 11 à 15 % de la demande mondiale.
Financement des déficits
En revanche, la troisième économie de la planète joue un rôle névralgique de fournisseur dans les chaînes de production transfrontalières comme les composants électroniques, et en particulier pour l'assemblage de l'iPad en Chine, dont il est le premier fournisseur : « On pourrait assister à une pénurie de semi-conducteurs dans les deux prochaines semaines », prévoit le spécialiste de la sous-traitance IHS iSuppli.
La paralysie du Japon risque-t-elle d'exercer un effet de thrombose dans le commerce international comparable à la faillite de Lehman Brothers dans la finance en septembre 2008 ? « Le parallèle peut sembler excessif, mais on marche sur des oeufs quant à l'impact macroéconomique, même si le Japon est plus tiré par la reprise mondiale qu'il n'en est un acteur », prévient Jean-Luc Proutat, économiste à BNP Paribas.
Un autre canal de transmission des difficultés de l'Archipel est sur la sellette : le financement des déficits publics, aux États-Unis et en Europe. Il en est le deuxième créancier après la Chine. Lors du séisme de Kobe, le retrait momentané de ses investisseurs avait provoqué une montée des taux d'intérêt outre-Atlantique encore dans toutes les mémoires.
Jean-Pierre Robin
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