Bright Food, leader chinois des produits laitiers, est candidat au rachat des 50 % de Yoplait détenus par PAI. Ses dirigeants mènent campagne auprès des autorités françaises pour défendre leur projet. Ils répondent au « Figaro ».
Pas moins de cinq hauts dirigeants de Bright Food ont passé la semaine en France pour défendre leur projet de rachat des 50 % de Yoplait détenus par le fonds PAI. Même si ce géant de l'agroalimentaire, propriété de l'État chinois, a déposé la plus élevée des neuf offres de reprise, la complexité du dossier, très politique, l'oblige à de multiples démarches pour convaincre. Pas tant le vendeur, étonnamment, que les autres parties prenantes. Après avoir été reçue à l'Élysée, à Bercy et au ministère de l'Agriculture, la délégation de Shanghaï a longuement discuté avec les dirigeants de la coopérative Sodiaal, qui veut garder sa participation de 50 % dans Yoplait. Elle a aussi planché avec les managers de Yoplait, visité l'usine et le centre de recherche du Mans. La semaine prochaine sera consacrée à des rencontres avec les élus et la presse des régions où Yoplait est implanté. Cao Xiao Feng, directeur financier de Bright Food, et Gui Ben Heng, patron de la branche produits laitiers, répondent au Figaro.
LE FIGARO. Pourquoi voulez-vous racheter Yoplait?
CAO XIAO FENG. - Nous sommes le troisième groupe alimentaire chinois, et le premier sur le yaourt et le lait frais avec notre filiale Bright Dairy. D'ici 5 à 10 ans, la Chine deviendra le troisième marché mondial pour les produits laitiers. Les ventes de yaourts augmentent de 20 % par an. Les ventes de Yoplait en Chine pourraient atteindre 220 millions d'euros d'ici à 5 ans.
Comment comptez-vous convaincre le vendeur?
CXF. - Nous avons proposé à Sodiaal un plan commercial, qu'ils considèrent comme très bon. Ce projet gagnant gagnant permet d'accentuer l'internationalisation de Yoplait et de Bright Food. Nous partageons avec Sodiaal la même expérience des relations avec les éleveurs et les mêmes problèmes. Bright Food est le Sodiaal chinois. Yoplait est la première étape d'une coopération plus large avec Sodiaal. Nous sommes intéressés par le fromage, le beurre, la poudre de lait et le sérum. Ce sont des produits dont nous avons besoin, et que nous importons jusqu'à maintenant.
Quels sont vos projets pour Yoplait hors de Chine?
GUO BEN HENG. - En Europe, nous voulons faire croître la production pour protéger l'intérêt des producteurs laitiers et des employés. Pour y parvenir, nous réinvestirons en France et en Europe, et nous coopérerons en profondeur sur nos gammes de produits. J'ai visité Yoplait. Nous avons chacun des avantages dans la recherche. Bright Dairy est en pointe sur les produits laitiers fonctionnels. L'Europe est une base pour internationaliser Yoplait. Nous allons progressivement remplacer le système de franchise par un modèle d'exploitation direct. L'Inde et l'Indonésie ressemblent à la Chine il y a 20 ans. Nous avons confiance dans notre capacité à y promouvoir la marque.
Le gouvernement français semble privilégier un repreneur français. Cela vous apparaît-il comme un handicap pour votre offre?
CXF. - Nos interlocuteurs au gouvernement nous ont fait part de leur préoccupation de protéger l'intérêt des producteurs de lait et des salariés de Yoplait, en précisant qu'ils n'interviendraient pas dans les négociations. Notre plan commercial répond aux préoccupations du gouvernement. Nous allons créer des emplois.
Danone a eu des déboires en Chine avec Wahaha, son ex-associé dans l'eau en bouteille. Ne craignez-vous pas que cela dissuade Yoplait?
GBH. - La coopération entre Danone et Bright Food pour les produits laitiers a été un succès. Peng Qin, le président de Danone Chine, en a d'ailleurs témoigné auprès de Sodiaal. En cinq ans, nous avons fait de Danone la deuxième marque de yaourt en Chine, derrière Bright. Nous nous sommes séparés en 2007 parce que Danone (qui possédait 20 % des actions) voulait racheter la totalité du capital de Bright Dairy. Nous sommes une entreprise très ouverte au marché, avec une réputation de transparence. Carrefour est notre premier partenaire distributeur, et Wang Zong Nan, le président de Bright Food, a été le premier patron de Carrefour en Chine.
Vous avez rompu il y a quelques mois les négociations engagées avec PAI pour lui racheter United Biscuits. Ne craigniez-vous pas que le fonds vous écarte des négociations?
CXF. - Dans le dossier United Biscuits, nous nous sommes rendu compte pendant les négociations d'un problème de financement de leur fonds de pension. Yoplait n'a pas ce genre de contrainte. Nous n'avons pas trouvé d'élément qui puisse entraver notre coopération avec Sodiaal. Nous avons eu beaucoup de contacts avec PAI. PAI va respecter le choix de Sodiaal. Bright Food est le meilleur candidat pour Yoplait. Yoplait sera la priorité de notre groupe et nous avons le soutien du gouvernement chinois.
Pourriez-vous augmenter votre prix? Vous allier à un groupe français ou au FSI?
CXF. - Le prix n'est pas le facteur décisif. Si nous payons un prix juste, nous aurons les capacités d'investir pour plus tard. Pour Sodiaal, l'important, c'est de choisir son partenaire. Nous nous entendons très bien avec Sodiaal et nous n'avons pas l'intention, pour le moment, de nous allier avec Bel ou le FSI.
Propos recueillis par Isabelle Chaperon et Ivan Letessier
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