il faut apprendre à maîtriser l'extraction des grès et des schistes bitumineux, combustibles d'avenir.
La double catastrophe sismique et nucléaire qui frappe le Japon donne aujourd'hui, et de façon un peu indécente, de nouveaux arguments à ceux qui, en France ou ailleurs, veulent sortir du nucléaire. C'est pour moi un débat doublement inopportun. D'abord parce qu'en France, du moins, il n'y a aucun risque de tremblement de terre de cette amplitude. Ensuite parce que ce débat est relancé au moment où se complique un peu plus le dilemme sur les sources d'énergie pour demain. Le prix du baril de pétrole ne cesse de monter. Et ça ne va pas s'arrêter là. Le développement des géants que sont la Chine et l'Inde fait exploser la demande. Le malheur japonais va accroître cette tension sur le marché pétrolier.
Les énergies nouvelles photovoltaïques, éoliennes ou géothermiques sont intéressantes, mais ne couvriront au mieux que 10 % des besoins. Il faut donc impérativement être en quête de nouvelles sources d'énergie. C'est dans ce contexte qu'on a cherché puis découvert deux types de combustibles fossiles nouveaux : les grès riches en pétrole lourd et les schistes bitumineux.
Les grès sont d'anciens sables compactés. Les schistes d'anciens lits d'argiles déposés au large des côtes dans des temps géologiques anciens, mais qui ont été soumis à ce qu'on appelle en géologie le métamorphisme, c'est-à-dire des conditions de température et de pression élevées.
Les grès pétrolifères (tar sands en anglais) ont commencé à être exploités au Canada, dans l'Alberta. Dans le grès, le « pétrole » est à l'état pâteux et il colle à la roche. Il faut le fluidifier avant de le pomper. Dans l'état actuel de la technique, ces méthodes d'exploitation sont épouvantables pour l'environnement. Usage excessif d'eau et d'énergie, pollution intense des lacs et rivières, etc. Cette filière est pour l'instant en sommeil, et le gouvernement canadien demande aux sociétés pétrolières une amélioration radicale des méthodes avant de permettre à nouveau son exploitation.
Les schistes bitumineux, quant à eux, ont pendant longtemps posé un gros problème. On connaissait leur richesse en carbone organique, mais on ne savait pas comment le mobiliser. Jusqu'au jour où l'on a découvert que la matière organique se présentait en partie sous forme d'inclusions gazeuses.
A partir de là, on a développé une technique sans doute trop rustique, qui consiste à fracturer la roche-réservoir en lui injectant de l'eau sous pression plus ou moins acidifiée. C'est la technique de la fracturation hydraulique. On libère le gaz qu'on récupère à l'aide du même forage ou de forages annexes.
Cette activité a débuté aux Etats-Unis et aujourd'hui 20 % des dépenses énergétiques de ce pays sont couvertes par ces gaz de schiste !
L'exploitation de ces schistes bénéficie des progrès accomplis dans l'industrie du forage depuis vingt ans. La technologie consiste à forer jusqu'à 2 000 ou 3 000 mètres, puis à faire faire une rotation au tube pour forer horizontalement dans la formation des schistes préalablement repérés. La méthode d'extraction est moins polluante que celle utilisée pour les sables pétroliers, mais présente tout de même des risques sérieux pour l'environnement, notamment pour l'eau. A la fois parce que cela entraîne une importante consommation de celle-ci et parce qu'il y a un risque de pollution des nappes phréatiques. Même si les nappes sont à 100 ou 200 mètres de profondeur alors que les forages se font à 2 000 ou 3 000 mètres.
Faut-il pour autant interdire la recherche de gaz de schiste ? Faut-il empêcher l'Europe d'assurer sa sécurité énergétique pour un ou deux siècles ? Même s'il n'est évidemment pas tolérable que cette exploitation se fasse en polluant l'eau ou en asséchant les nappes phréatiques ou les rivières.
A l'heure actuelle, on ne connaît pas les réserves de ces gaz de schiste, ni en France ni en Europe. Mais nos connaissances géologiques, appuyées par le schéma de la dérive des continents, nous font penser que ces réserves pourraient être énormes. Il ne faut donc céder ni aux lobbys ni à l'émotion. Il est nécessaire d'étudier avec soin le problème en distinguant bien prospection et exploitation. Après ces études, il faudra fixer des règles strictes de protection de l'environnement et de l'eau auxquelles les compagnies devront se plier.
Il est également indispensable, si l'on veut ne pas dresser les populations contre tout projet de ce type, de modifier le Code minier. Issu du code Napoléon, il statue que le sous-sol appartient à l'Etat. Celui-ci délivre les permis de prospection puis d'exploitation. Si une découverte est faite dans un terrain, son propriétaire est exproprié et ne perçoit aucun bénéfice.
Ne serait-il pas plus efficace et juste de décider que, tout en laissant la propriété du sous-sol à l'Etat, le propriétaire d'un terrain ait automatiquement droit à 5 % des profits réalisés sur son sol ? On éviterait ainsi l'opposition systématique des propriétaires à toute recherche.
Le bon sens guide la conduite à suivre : prospecter pour connaître les réserves, développer des technologies permettant une exploitation préservant l'environnement. N'y a-t-il pas là une véritable stratégie européenne à mettre en oeuvre pour assurer l'indépendance énergétique de notre continent ?
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