jeudi 14 avril 2011

Bill Gates, côté « off » - Guillaume Grallet

Le Point, no. 2013 - Economie, jeudi, 14 avril 2011, p. 77

Verbatim. Le Point a suivi le père de Microsoft en visite à Paris. Points de vue tous azimuts.

Il y a trente-cinq ans, il a fait un pari : « Dans chaque maison, il y aura un PC. » Aujourd'hui, le fondateur de Microsoft a un autre rêve fou : vacciner chaque homme de la planète. Depuis son départ de la direction exécutive de Microsoft, en 2008, Bill Gates consacre toute son énergie à la fondation caritative (890 employés) créée avec sa femme Melinda. La légende de l'informatique s'est muée en héraut de la lutte contre la malaria et la polio. Mais Bill Gates, deuxième fortune mondiale (56 milliards de dollars selon Forbes), a également un avis, méconnu, sur la marche du monde.

Les faiseurs

« Je ne supporte pas les bonnes âmes qui disent "La pauvreté me fait horreur", comme elles diraient "Oh, j'adore le dernier album de Lady Gaga !" Il faut joindre les actes à la parole. C'est seulement quand elles se déplacent en Afrique que je commence à les trouver crédibles . Je me souviendrai toujours de ce conférencier qui voulait inonder de téléphones portables un village de Somalie : quelle bêtise, il n'était pas raccordé au réseau électrique ! »

WikiLeaks, Twitter et les révolutions arabes

« L'histoire des "révolutions Twitter" , pour moi, c'est du bullshit... La plupart des messages du "hashtag#Iranelection" [thème de discussion] à Paris le 4 avril ne venaient pas d'Iran mais ont été écrits des Etats-Unis. » Pour Bill Gates, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui chahutent les dictatures, mais bien le satellite. « Il ne se serait rien passé en Egypte si Al-Jazeera n'avait commencé à parler de ce qui se passait en Tunisie. » Le trublion WikiLeaks n'a guère plus de crédit aux yeux de la deuxième fortune du monde. « C'est quand même dingue, ce site qui réussit à faire croire que les Etats-Unis sont un pays totalitaire, alors qu'il s'agit en fait de l'un des Etats les plus transparents au monde. »

Mark Zuckerberg et Facebook

Son regard s'illumine. « J'ai l'impression de me revoir quand j'avais son âge, à bosser des nuits entières ! » Dans son coeur, Mark Zuckerberg est sur le point de ravir la place de Steve Jobs... Il y a trois ans, Bill Gates déclarait, à propos du patron d'Apple : « Si je dressais une liste des gens qui ont le plus apporté à l'industrie informatique, je mettrais Steve Jobs au tout premier rang. » Mark Zuckerberg a, dans l'esprit de Gates, une botte secrète: « C'est Priscilla Chan ! » Pour le natif de Seattle, la petite amie de Zuckerberg, qu'il a rencontrée à plusieurs reprises, lui permet de garder les pieds sur terre. « Elle l'intéresse à autre chose, à l'éducation, à la Chine : résultat : c'est un type normal ! » Depuis, le grand-père de l'informatique et son chouchou se voient « souvent ». « C'est moi qui l'ai poussé à rejoindre The Giving Pledge » (NDLR : une association de milliardaires qui ont promis de reverser la moitié de leur fortune à des oeuvres caritatives). Bill Gates s'est trouvé un nouveau fils.

Le nucléaire

« L'exploitation du gaz ou l'extraction du charbon causent bien plus de morts que ce qui s'est passé au Japon, et ce dans un silence total. Le nucléaire civil a en outre l'avantage de ne pas rejeter de CO2. » Pour l'actionnaire de TerraPower, start-up basée dans l'Etat de Washington, spécialisée dans le design de réacteurs, cette peur irrationnelle provient des images d'explosions atomiques, qui marquent l'esprit. Comment faire, alors, pour éviter des Fukushima ? « Je pense qu'une technologie comme l'EPR aurait été plus sûre. »

La France

Nul, l'Hexagone ? « Pas du tout ! Mais comment s'appellent-ils, ces Français qui ont inventé le premier ordinateur doté d'un microprocesseur ?» demandait-il à Paris, le 4 avril, à l'occasion de la 8e édition des Dîners de l'Atlantique. Bill Gates faisait notamment référence au Français François Gernelle, à l'origine du premier micro-ordinateur à microprocesseur, le Micral, en 1972. « Mais, aujourd'hui, il y a une telle avance dans la Silicon Valley que je recommanderais à un jeune entrepreneur d'y implanter un bureau. Il faut y être pour le "Geist [esprit]. » Pourquoi, alors, Microsoft n'y a t-il pas établi son siège il y a trente ans ? « Je me méfiais du turnover et de la course aux salaires. » Même s'il ne les a pas revus depuis longtemps, Bill Gates a toujours de l'estime pour Thierry Breton (Microsoft avait investi dans Thomson Multimédia en 1997) et Dominique Strauss-Kahn (« Je l'ai connu avant qu'il ne soit au FMI »).

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