jeudi 14 avril 2011

La Chine accueille l'Afrique du Sud parmi les grands émergents


Les Echos, no. 20912 - International, jeudi, 14 avril 2011, p. 7

Le sommet des BRIC devient, cette année, un sommet des BRICS, grâce à l'intégration de l'Afrique du Sud. Une façon de représenter l'Afrique et de donner plus de légitimité politique à un ensemble hétéroclite.

Certaines traductions sont significatives. Sachant que l'expression « coller de l'or sur son visage » signifie, en chinois, se mettre en valeur, nul doute que Pékin a bien l'intention de magnifier le groupe des BRIC, ces quatre pays émergents (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui doivent se réunir, aujourd'hui, dans l'île chinoise de Hainan, en accueillant un nouveau membre parmi eux, l'Afrique du Sud. La transcription locale de cet acronyme forgé, en 2001, par l'économiste Jim O'Neill chez Goldman Sachs, est en effet la « brique d'or ». Et la presse chinoise n'a pas manqué de louer, ces derniers jours, la pertinence de cet ensemble. Pour le « China Daily », le travail collectif des grands émergents doit permettre de construire « un ordre politique et économique international plus juste et raisonnable ». Quant au « Quotidien du peuple », il insiste sur l'importance de la stabilité de ce groupe, en dépit de la volonté de « certains pays occidentaux » de voir s'y répandre les troubles observés dans le monde arabe.

Des thèmes absents

Tous unis face aux pays développés ? Une fois de plus aujourd'hui, le ciment de « l'adversaire » commun aura bien du mal à masquer les lignes de fracture qui traversent le groupe. Certes, les sujets abordés devraient permettre d'afficher une certaine unité. Ils vont des questions diplomatiques -la Russie souhaitant parvenir à une position commune sur la Libye -à l'économie : il est question de trouver un terrain d'entente en vue du G20 de Cannes à l'automne prochain, et d'évoquer le développement de monnaies alternatives au dollar dans les échanges internes au groupe. Mais tout aussi intéressants sont les thèmes absents de l'agenda. La question de l'élargissement du Conseil de sécurité de l'ONU ne sera pas évoquée, Pékin se refusant à apporter son soutien à la demande du Brésil d'y être intégré de façon permanente. Et, en matière économique, la sous-évaluation du yuan a également été mise sur liste noire par Pékin. Le sujet est pourtant sensible pour les pays du groupe.

La suprématie de la Chine

De fait, c'est bien l'asymétrie des échanges commerciaux dans la zone qui préoccupe Brasilia, New Delhi, Moscou et Pretoria. Entre les deuxième, huitième, onzième, douzième et vingt-septième économies mondiales que sont respectivement la Chine, le Brésil, l'Inde, la Russie et l'Afrique du Sud, il est difficile de ne pas buter sur la suprématie de la Chine, qui pèse plus de la moitié du PIB de l'ensemble. Tous ses partenaires souffrent notamment de lui vendre des produits à faible valeur ajoutée en échange de biens élaborés. L'année dernière, les exportations de Brasilia vers Pékin étaient à 83 % des matières premières, tandis que ses importations étaient à 98 % des biens manufacturés. De la même manière, plus de 55 % des exportations russes dans l'empire du Milieu sont des ressources énergétiques, et Moscou martèle désormais son souhait de développer avec Pékin des partenariats plus technologiques ou industriels, comme dans le domaine aérospatial. New Delhi, enfin, voudrait voir son secteur pharmaceutique tirer plus nettement profit du marché chinois.

A défaut de cohérence, la transformation du BRIC en un BRICS, c'est-à-dire l'entrée de l'Afrique du Sud dans ce club, traduit donc la volonté de gagner en légitimité politique. Ensemble hétéroclite issu d'un raisonnement d'économiste, le groupe des émergents intègre à son bord, avec l'Afrique du Sud, le continent africain. Plus aucun grand bloc émergent de la planète n'en est désormais absent. Reste que, avec la 27e économie mondiale en son sein, ce forum pourrait légitimement intégrer nombre d'autres pays, à l'image de l'Indonésie, ce que certains n'écartent plus désormais. Et, en s'étendant, prendre le risque de se diluer un peu plus.

Gabriel Grésillon

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