Les Echos, no. 20917 - International, jeudi, 21 avril 2011, p. 7
La Chambre de commerce européenne a publié, hier, une étude montrant les nombreuses discriminations rencontrées par ses membres sur les marchés publics.
De l'art d'être critique tout en restant diplomate. Fidèle à ses habitudes de fermeté courtoise, la Chambre européenne de commerce en Chine, qui revendique son indépendance financière vis-à-vis de tout pouvoir politique, a présenté hier, à Pékin, une étude sur les marchés publics chinois qui décrit par le menu les discriminations subies par les entreprises européennes dans ces appels d'offres.
Les auteurs de ce rapport constatent que la participation des entreprises européennes aux contrats publics - qui pèsent environ 20 % de l'économie -reste marginale. A l'exception, note Gilbert Van Kerckhove, qui a dirigé le groupe de travail sur les contrats publics, des flottes de véhicules de fonctionnaires chinois, « pour lesquelles les constructeurs européens sont bien positionnés ». A part cette niche, sur laquelle Audi, notamment, connaît un indéniable succès, les sociétés européennes restent donc le plus souvent à l'écart des marchés publics.
Sans cacher que cela leur est préjudiciable, les auteurs de l'étude insistent, dans leur argumentaire, sur les effets négatifs de cette éviction pour l'économie chinoise elle-même. Celle-ci découle en effet d'un manque global de transparence dans les procédures d'appel d'offres. Pour Jacques de Boisséson, le président de la chambre, une plus grande transparence « bénéficierait à l'économie chinoise car elle assurerait une meilleure allocation et une meilleure supervision de la dépense publique ».
Une procédure viciée
A en croire la chambre européenne, c'est toute la procédure d'appel d'offres qui est viciée. La définition des besoins, d'abord, manque de clarté. Elle repose souvent sur la commande de produits issus d'un catalogue, qui est lui-même conçu de manière à exclure du jeu certains prestataires. S'ensuit parfois la définition, par les autorités, de contraintes techniques supplémentaires qui peuvent également servir à discriminer des entreprises. La publication de l'appel d'offres, quant à elle, ne se fait pas via un format standardisé et il est « très difficile d'avoir accès à l'information », estime Jacques de Boisséson. Comment proposer un produit lorsqu'on a du mal à identifier la demande ? D'autant que celle-ci est souvent publiée in extremis, lorsque les jeux sont déjà faits. « Le lundi, nous entendons parler d'un appel d'offres dont le terme est le vendredi, alors même que les initiés peaufinent leur dossier depuis des semaines », lâche un industriel amer.
Vient enfin le comité qui choisit le projet vainqueur, et Jacques de Boisséson ne cache pas les « nombreux conflits d'intérêts » qui entachent le choix de ce comité. Lequel choix ne fait d'ailleurs que rarement l'objet d'un rapport accessible au grand public : là aussi l'arbitraire est roi. Il reste à déplorer la quasi-impossibilité d'un quelconque recours. Conclusion : les différents candidats à l'appel d'offres « ne jouent pas sur un pied d'égalité ». En particulier, les entreprises de faible taille n'ont pas les reins assez solides pour dépenser l'énergie nécessaire à l'obtention, en amont, des informations relatives à un appel d'offres. Or c'est cette anticipation qui apparaît, aux yeux des auteurs, comme la condition sine qua non du succès.
En dépit de ce constat accablant, Jacques de Boisséson se veut optimiste et constate que « le progrès est indéniable ces dernières années ». Pour Gilbert Van Kerckhove, il ne fait pas de doute que le pouvoir central a conscience de la nécessité d'améliorer les règles du jeu et que c'est la transmission aux autorités locales qui pose problème. Conclusion de Jacques de Boisséson en forme de menace : « Si la Chine allait trop loin, des entreprises pourraient un jour se lasser et se retirer. »
Gabriel Grésillon
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