lundi 11 avril 2011

Les investisseurs doivent se méfier de l'agitation sociale en Chine - John Foley

Le Monde - Economie, mardi, 12 avril 2011, p. 16

Pékin ne recule devant rien. En arrêtant, dimanche 3 avril, un artiste de réputation internationale, les autorités chinoises ont envoyé un message clair : la stabilité sociale est de plus en plus leur préoccupation majeure. Mais cette crainte arrive-t-elle jusqu'aux investisseurs ? Rien n'est moins sûr.

Sous le coup d'une enquête pour " crimes économiques ", Ai Weiwei doit sa célébrité en Chine à ses oeuvres ouvertement politiques. Après avoir croisé le fer avec le gouvernement sur le nombre des victimes du séisme survenu en 2008 dans le Sichuan, Weiwei a presque franchi la ligne rouge en déclarant récemment à un magazine hongkongais que la Chine était animée d'un puissant désir de révolte.

Son arrestation procède peut-être d'un simple accès de paranoïa. La hausse fulgurante des revenus en Chine devrait pourtant être un facteur de stabilité, au moment où les pays du Moyen-Orient sont en proie à l'agitation. Mais, en Chine, les nouvelles se propagent à la vitesse de l'éclair et touchent un public innombrable. Ainsi, lorsque le bruit a couru que le sel était un excellent remède contre les éventuelles radiations en provenance du Japon, les supermarchés se sont vidés en quelques jours.

Les investisseurs, eux, font preuve d'un enthousiasme imperturbable. Lors des deux premiers mois de 2011, les investissements directs étrangers ont progressé de 27 % sur un an, après une hausse record en 2010. L'indice boursier de référence affiche une hausse de 13 % depuis le point bas de janvier et, ces six derniers mois, les investisseurs étrangers ont acquis à Hongkong pour près de 40 milliards de yuans (4,2 milliards d'euros) d'obligations libellées en renminbi.

Au minimum, ils devraient procéder à un nouveau calcul de la prime de risque sur le marché chinois. Si l'agitation sociale devenait un réel problème, elle pourrait entraîner des ripostes, dont aucune ne serait bonne pour les investisseurs étrangers. Une réaction du gouvernement trop brutale ou trop molle ferait dérailler la croissance du produit intérieur brut (PIB), actuellement de 10 %.

Plus sûrement, la stabilité et la croissance du PIB pourront être préservées, mais les dissidents seront arrêtés, les libertés bridées et les réformes ajournées. L'économie devra en payer le prix, d'où un recul de l'innovation et un moindre empressement, de la part des grandes puissances économiques, à aider Pékin à s'impliquer dans le système financier mondial. Même si la Chine n'est pas prête à de grands bouleversements, les investisseurs qui la côtoient risquent d'être un peu secoués.

John Foley

(Traduction de Béatrice Laroche)

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