mardi 12 avril 2011

Zhou Litai : « Les patrons nient le droit du travail »


l'Humanité - Cuisine, mardi, 12 avril 2011

Avocat défenseur des salariés, Zhou Litai pointe les entorses à une législation pourtant existante.

Ancien travailleur migrant, Zhou Litai connaît bien les acteurs du monde qu'il défend. Ouvrier dans une briqueterie du Hunan dans les années quatre-vingt, il commence à étudier le droit. En 1986, il passe avec succès le premier concours d'avocat organisé dans la Chine post-maoïste et, en 1996, ouvre son cabinet spécialisé.

Quelles évolutions avez-vous constatées depuis 1996 ?

Zhou Litai. Nous disposons maintenant d'un arsenal juridique complet. Les lois sur le travail, le droit des affaires, la législation sur les assurances, sont bonnes. C'est le côté positif, de nombreux progrès ont été menés pour protéger les droits sociaux. Ce qui bloque c'est la simple application de ces lois.

Les entreprises ne respectent pas la législation sur le travail. Elles rechignent à signer les contrats de travail prévus par la loi de 2008. Elles ne respectent pas le temps de travail limité à 40 heures hebdomadaires. Elles n'augmentent pas les salaires, ne paient pas les cotisations sociales obligatoires, ne veulent pas reconnaître les maladies professionnelles et refusent des compensations à ceux qui en sont victimes. Tous ces exemples révèlent que la situation est encore très grave pour les ouvriers. Pour que les lois soient appliquées, il faut faire pression sur le patronat. Des pressions qui doivent venir des autorités et des salariés.

Et ces pressions sont insuffisantes...

Zhou Litai. Le gouvernement a mis durant des années la priorité sur le développement économique au détriment des droits des salariés. Les choses bougent mais il faut faire rapidement progresser et le système, et les mentalités.

Qu'est-ce qui caractérise cette seconde génération d'ouvriers migrants ?

Zhou Litai. Les travailleurs connaissent mieux leurs droits que leurs aînés il y a vingt ans, mais pas suffisamment. Ce qui les laisse encore très vulnérables. Paradoxalement le nombre de plaintes diminue. Il y a dix ans et plus, la législation avait des lacunes mais pourtant il était plus facile de porter la cause d'un ouvrier devant un tribunal et de gagner des procès. Aujourd'hui, les plaintes aboutissent de moins en moins et les procédures sont longues. Les salariés perdent confiance. De 1996 à 2006, j'ai traité plus de 6 000 affaires relatives à la défense des mingongs. C'est nettement moins aujourd'hui. Les tribunaux chargés de juger les plaintes ne sont pas indépendants. Ils ne sont pas capables de rendre une justice équitable parce que l'administration, poussée par le patronat, interfère. Si les autorités ne respectent pas les lois qu'elles édictent, comment voulez-vous que les gens aient confiance dans la législation ?

Une des questions centrales est celle de la représentation syndicale digne de ce nom. Les syndicats officiels, les seuls autorisés, sont incompétents parce que dépendants du pouvoir politique. Il faut une reconfiguration syndicale permettant enfin à des délégués d'exercer en toute indépendance et pleinement leur rôle dans la défense des intérêts des salariés.

Propos recueillis par Dominique Bari

PHOTO - A Chinese woman works at a textile factory in Hefei, east China's Anhui province on April 11, 2011. China said it had posted its first quarterly trade deficit in seven years, despite a narrow surplus in March, as rising commodity prices pushed manufacturers' costs higher.

© 2011 l'Humanité. Tous droits réservés.

0 commentaires: