lundi 16 mai 2011

Dominique Strauss-Kahn : des atouts intellectuels, des failles personnelles

Les Echos, no. 20933 - France, lundi 16 mai 2011, p. 5

Ses dossiers judiciaires, son style de vie flamboyant et ses frasques privées ont terni l'image du brillant intellectuel et ténor socialiste.

Toute la carrière de l'actuel directeur général du FMI aura été l'histoire d'une ascension favorisée par d'exceptionnelles qualités intellectuelles, mais freinée en même temps par un dilettantisme dont il ne sera jamais vraiment parvenu à s'abstraire. Nul ne se hasarderait à contester la virtuosité conceptuelle et l'expertise technique de ce surdiplômé qui enchaîna HEC, Sciences po, une licence de droit et un doctorat en sciences économiques. Si le barbu à grosses lunettes se sent à ses débuts des sympathies pour le Parti communiste, c'est au service du PS, auquel il adhère en 1976, qu'il va vite mettre ses compétences. Après avoir été proche de Jean-Pierre Chevènement, l'universitaire capable de passionner ses étudiants de Nanterre en leur vantant les nationalisations va se rendre indispensable auprès de Lionel Jospin, premier secrétaire rue de Solferino. Il deviendra responsable du programme dans la perspective de la présidentielle de 1988, puis se chargera de l'ensemble des dossiers économiques et financiers.

L'affaire de la MNEF

Sa nomination comme ministre délégué à l'Industrie dans le gouvernement d'Edith Cresson, poste qu'il conservera auprès de Pierre Bérégovoy, apparaît alors comme une consécration logique. Le député-maire de Sarcelles franchira une nouvelle marche en se voyant confier le portefeuille de l'Economie et des Finances par Lionel Jospin après le succès de la gauche aux législatives de 1997. S'il a été durant la campagne un actif défenseur de l'abaissement à 35 heures de la durée du travail, le « social-réaliste », une fois à Bercy, oeuvre à l'ouverture du capital de France Télécom et prépare un projet de fonds de pension à la française.

Las, cette envolée vers un destin de plus en plus flatteur va connaître un brutal coup d'arrêt. Car ce pilier du gouvernement, qui a exercé comme avocat durant la période où il s'est retrouvé dans l'opposition, se retrouve mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires. Il est poursuivi pour avoir fourni des documents antidatés concernant son rôle de conseil de la MNEF, elle-même en proie à de multiples dérives financières, alors que celle-ci négociait l'entrée de la Compagnie Générale des Eaux au sein de Raspail Participations, un holding lui appartenant. Il est également accusé d'avoir fait prendre en charge une partie des rémunérations de sa secrétaire par une filiale suisse d'Elf, via le Cercle de l'industrie, un cénacle de lobbying dont il est le fondateur. C'est à cette occasion qu'il fait la connaissance de la juge d'instruction Eva Joly. La justice soupçonnera aussi le ministre d'avoir octroyé une très importante remise fiscale au couturier Karl Lagerfeld en échange de l'obtention de la « cassette Méry », un enregistrement contenant des révélations sur des pratiques douteuses liées aux marchés de rénovation des HLM de la Ville de Paris.

Cure d'opposition

Face à l'accumulation des dossiers, Dominique Strauss-Kahn est politiquement contraint de démissionner de Bercy. Il sortira blanchi des accusations pesant sur lui. Toutefois, son image est ternie et la gauche a entamé une cure d'opposition qui le prive de toute chance d'exercer de sitôt une fonction gouvernementale. Il retrouve néanmoins son mandat de député du Val-d'Oise et sa place dans les instances du PS en 2002. Redevenu avocat, le père de quatre enfants, époux en troisièmes noces de la journaliste de TF1 Anne Sinclair, mène alors une vie confortable, entre son appartement de la place des Vosges et son riad de Marrakech, un lieu très prisé de ce Méditerranéen de tempérament qui a passé sa jeunesse à Agadir. Sa tentative de se faire investir candidat par les militants socialistes à la présidentielle de 2007 se traduit alors, au terme d'une campagne mal conduite, par une cuisante défaite face à Ségolène Royal.

En appuyant sa candidature à la direction du FMI, Nicolas Sarkozy croira alors éloigner pour de bon celui qui reste un rival potentiel. Mais, à Washington, le Français polyglotte, servi par la crise financière qui lui permet de redorer le blason de l'institution, va révéler à plein ses talents. Au point que celui qui apparaît au milieu des grands de ce monde sur toutes les photos des réunions internationales conquiert rapidement un statut de présidentiable dans son pays, en tête des intentions de vote dans tous les sondages.

Talon d'Achille

Ces dernières semaines, les critiques sur son train de vie, la diffusion de sa photo au moment où il s'apprêtait à monter dans la Porsche de son communicant Ramzi Khiroun avaient sonné cependant comme des coups de semonce.

Son inculpation pour tentative de viol bouleverse bien sûr complètement la donne. Elle met en avant ce qui est depuis toujours le talon d'Achille du séduisant intellectuel : son attirance pour le beau sexe. L'auteur de « La Flamme et la Cendre » brûle pour les femmes d'un feu que, selon la rumeur, il leur manifeste parfois sans excessives précautions diplomatiques. Il a défrayé la chronique à la fin de 2008 à la suite d'une relation extraconjugale avec une de ses collaboratrices hongroise au FMI. L'enquête diligentée par l'organisation a alors conclu à « une grave erreur de jugement ». Cette fois, la justice américaine risque de faire preuve de moins d'indulgence à son endroit.

Jean-François Polo

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1 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout ça ressemble étrangement à ce qui était arrivé à Elliot Spitzer candidat pour diriger "Security and Exchange Commission"en 2008.Il a eu la mauvaise idée d'attaquer les grandes banques et leurs attitudes mafieux. Il a été pour toujours sali par une affaire avec un call girl . DSK depuis une année essaie de changer le cap " marché à tout prix". Il y a une semaine à Brookings Institut demandait un changement de cap et une redistribution de la richesse (cf Washington Post ).
Sarko ne doit pas être étranger à cette affaire.Cf le tweet d'un militant UMP ,juste quelques minutes après l'heure supposée de l'affaire, qui dénonce DSK!Si tout ça explose les Américains diront c'est une machination des Français!