Marianne, no. 733 - Savoir vivre, samedi 7 mai 2011, p. 99
L'affaire de l'iPhone espion n'en finit pas de provoquer des remous : sur les téléphones Apple, un fichier horodate tous les déplacements du terminal sur une période pouvant atteindre un an. Non seulement ce flicage s'effectue à l'insu de l'utilisateur, mais il a lieu même si le service de géolocalisation est désactivé. Mieux : toutes les données sont accessibles en clair, au plus grand bonheur des conjoints suspicieux et débrouillards et des apprentis barbouzes.
Face au scandale, la marque à la pomme a réagi officiellement : " Apple ne trace pas les iPhone et ne le fera jamais ". On est prié de le croire. Tout juste le constructeur reconnaît-il des dysfonctionnements corrigés, on l'espère, dans un futur proche. L'enregistrement des données ne devrait plus fonctionner lorsque l'utilisateur désactivera les services de géolocalisation. Et la conservation des données n'excédera pas une semaine. Les utilisateurs peuvent-ils être rassurés ? Même si Apple colmate ses failles, rien ne leur garantit qu'il n'en subsiste pas d'autres. Et quand bien même l'iPhone nu deviendrait un exemple de vertu, impossible de garantir que des applications téléchargées ne soient pas atteintes d'espionnite aiguë. Certes, Apple contrôle très étroitement les applications disponibles sur l'Appstore. Mais cela ne l'a pas empêché, en 2010, de valider une simple application lampe torche qui comportait une fonctionnalité cachée transformant l'iPhone en routeur Internet, un usage interdit par la marque. Apple, qui a finalement eu vent de cette fonction cachée, a retiré fissa l'application de son catalogue.
Si une fonctionnalité secrète à visée philanthropique a pu se glisser dans le programme à son insu, quid des malveillantes ? C'est tout le problème des technologies fermées où l'utilisateur est obligé de faire confiance au tiers à qui il remet le plein contrôle de ses données personnelles. Mais si l'iPhone est pointé du doigt, Android, le système concurrent et ouvert de Google, est lui aussi accusé de fliquer ses utilisateurs. Comme Apple, Google se défend en expliquant que les données collectées sont anonymes et qu'elles ne servent qu'à offrir un service de qualité. En théorie, Android est modifiable par tout un chacun. Ce qui le rend séduisant pour exercer davantage de contrôle et de sécurité sur ses données personnelles. Voire. De plus en plus de constructeurs empêchent techniquement les utilisateurs d'installer des versions d'Android modifiées sur leurs mobiles. Le modèle fermé comme celui de l'iPhone semble donc s'imposer avec la complicité des utilisateurs qui, en achetant ce type de machine, ont aussi leur part de responsabilité : dans le monde réel, si un tiers nous demandait l'accès à notre carnet d'adresses ou à la liste de nos déplacements, pour en faire ce qui lui chante, nous serions nombreux à refuser. Dans le monde numérique, pourquoi l'acceptons-nous ?
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