Le Monde - Economie, jeudi 5 mai 2011, p. 16
Quel est l'appétit des investisseurs pour les réseaux sociaux ? Une première réponse devait être donnée, mercredi 4 mai, avec l'entrée en Bourse à New York de Renren, clone chinois de Facebook. Alors que depuis des mois les rumeurs de son entrée en Bourse vont bon train, c'est finalement l'entreprise de Pékin qui ouvre le bal. L'ouverture du capital au public de ce réseau social aura valeur de test, sachant que le prochain sur la liste devrait être le réseau social professionnel américain Linkedin.
Dire qu'avant d'être mis sous les projecteurs de la Bourse américaine, Renren possédait une forte notoriété internationale serait mentir. Et pour cause. Son activité est limitée au marché chinois. De plus, comme la plupart des réseaux sociaux, son histoire est courte. Selon la version officielle, tout commence par la création en 2005 d'un réseau social baptisé Xianei pour et par des étudiants chinois. En 2007, il est racheté par la société Oak Pacific Interactive, dont le principal actionnaire est Joseph Chen, l'actuel patron de Renren. Un an plus tard, l'entreprise lève 430 millions de dollars (289,6 millions d'euros) auprès d'investisseurs. Parmi lesquels l'opérateur de télécommunications japonais Softbank qui, à cette occasion, prend près du tiers du capital. En 2010, le réseau social et l'entreprise changent de nom et deviennent Renren, ce qui signifie " tout le monde " en chinois.
Page d'accueil blanche et bleue, liste d'amis, mur virtuel pour afficher photos, vidéos ou commentaires : autant d'éléments qui ont conduit à qualifier Renren de clone de Facebook. Mais le réseau social chinois reste loin derrière son grand frère américain : 117 millions de membres actifs au 31 mars 2011 contre plus de 500 millions à Facebook. Surtout, les revenus ne sont guère comparables. Même si la société créée par Marc Zuckerberg se refuse à livrer ses chiffres, les investisseurs estiment qu'elle a franchi le cap des 2 milliards de dollars de chiffres d'affaires en 2010. Des revenus essentiellement publicitaires. Le chiffre d'affaires de Renren est, lui, passé de 13,8 millions à 76,5 millions de dollars entre 2008 et 2010. La vente d'espace publicitaire représente moins de la moitié de ses revenus. Le réseau social a aussi développé, sous l'enseigne Mop, une offre de jeux vidéo en ligne qu'elle monétise et une offre de commerce en ligne avec le site d'achats groupés Nuomi. Enfin, contrairement à Facebook, Renren est toujours dans le rouge.
Il n'empêche. Renren espère lever 740 millions de dollars en Bourse, ce qui la valoriserait près de 5 milliards de dollars. Soit 65 fois son chiffre d'affaires, un ratio double à celui qui fixe la valorisation de Facebook. Au vu des dernières levées de fonds en janvier 2011, l'américain était valorisé 50 milliards de dollars (25 fois son chiffre d'affaires).
Pour justifier cette valorisation stratosphérique, Renren met en avant le potentiel du marché chinois. Avec 457 millions d'internautes, la Chine a le plus grand bassin de population connectée au monde. Mais le taux de connexion n'est que de 34 %, ce qui laisse supposer une marge de progression considérable. Toutefois, dans son document d'introduction, la liste des risques potentiels pour Renren et ses investisseurs est longue. L'entreprise reconnaît que la compétition est féroce en Chine. Elle est confrontée au groupe Tencent dont la messagerie instantanée QQ a connu un succès fulgurant. Le portail Sina a lancé également Weibo, un service de micro-blogging proche de Twitter, qui progresse très vite. Il y a aussi le réseau social Kaixin001. Sans oublier Facebook qui pourrait nouer un partenariat pour entrer sur ce marché dont il a été banni mi-2009 pour des raisons de censure. Sur le secteur des sites d'achat groupés, la concurrence est encore plus vive, l'américain Groupon tentant une percée en Chine.
Autre ombre au tableau, à la veille de l'introduction en Bourse, le responsable du comité d'audit de Renren, Derek Palschuk, a été contraint de démissionner. Directeur financier de Longtop, une société chinoise également cotée au Nasdaq, il est soupçonné de fraudes comptables dans cette société. Sachant que, auparavant, Renren avait déjà dû amender son document d'introduction en révisant à la baisse le nombre de ses nouveaux membres conquis au premier trimestre 2011.
Laurence Girard
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