lundi 9 mai 2011

Wang Zuo Yan : " En cas d'accident, je m'interroge "

Marianne, no. 733 - Repères Monde, samedi 7 mai 2011, p. 64

Questions à Wang Zuo Yan, chercheur à l'Institut de protection contre les radiations au ministère chinois de la Santé.

Pékin - Marianne : La Chine " accueille " 27 des 62 réacteurs nucléaires en construction dans le monde. A-t-elle tiré des leçons de Fukushima ?

Wang Zuo Yan : A défaut de freiner ce vigoureux programme, auquel j'adhère, Fukushima a permis aux scientifiques les plus sceptiques de retrouver l'oreille du gouvernement central. Jusqu'ici, personne n'écoutait les avis divergents et on validait chaque projet de réacteurs au nom du développement économique.

La Chine est-elle préparée en cas d'accident ?

W.Z.Y. : Ni la technologie ni le personnel ne m'inspirent d'inquiétude. Mais, en cas d'accident, je m'interroge. Le ministère de la Santé gère les problèmes de radioactivité dans les aliments et l'eau, mais l'air est désormais passé sous la responsabilité du ministère de la Protection de l'environnement (créé en 2008) ! En ce qui concerne les aliments, le ministère de l'Agriculture, l'Administration générale de contrôle de la qualité mais aussi l'Administration d'Etat du commerce et de l'industrie se les disputent. Bref, c'est le règne de la bureaucratie, propice à une absence de décision. Enfin, ce système empêche, à dessein, de définir les responsabilités en cas de problème. Cette dilution bureaucratique vaut aussi pour la distribution des médicaments. Le gouvernement doit absolument prendre conscience de cela.

Les Chinois connaissent-ils les risques du nucléaire ?

W.Z.Y. : Faute d'information, la population ignore tout du nucléaire. Or, on l'a vu avec la ruée sur le sel iodé en mars dernier, les rumeurs suffisent à semer la panique. Il faudrait éduquer la population sur les précautions à prendre en cas de fuite radioactive. En attendant, mon bureau a créé une revue pédagogique pour les fonctionnaires. Espérons qu'elle soit un jour distribuée !

Propos recueillis par Jordan Pouille, notre correspondant à Pékin.


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