Les Echos, no. 20955 - International, vendredi 17 juin 2011, p. 7La Russie et la Chine ont du mal à finaliser l'accord sur le gaz en négociations depuis des années, en raison d'un désaccord sur le prix et sur le tracé du futur gazoduc.Moscou et Pékin le claironnaient depuis des semaines ; ils signeraient lors du forum économique de Saint-Pétersbourg un accord géant de fourniture de 68 milliards de mètres cubes de gaz russe sur trente ans. Mais, hier soir, la signature de Dimitri Medvedev et de son homologue chinois, Hu Jintao, se faisait toujours attendre.
Ce contrat, qui doit compléter l'accord-cadre signé en octobre 2009 entre Gazprom et la compagnie pétrolière nationale chinoise (CNPC), achoppe sur la question du prix ainsi que du tracé. Les Russes comptent acheminer une petite moitié du gaz par la voie dite occidentale, à partir du gaz de Sibérie occidentale, le reste par la voie orientale (Sibérie orientale, Sakhaline et Extrême-Orient). Mais, comme le rappelle un spécialiste des hydrocarbures à Pékin, « cela fait des années qu'on nous promet un accord et que rien ne vient ». Moscou part du principe qu'il n'y a pas de raison de vendre ce gaz à un tarif différent de celui pratiqué vis-à-vis de l'Europe. A quoi Pékin rétorque qu'au contraire une décote s'impose car ce nouveau pipeline viendrait offrir un débouché supplémentaire à la Russie. D'après nos informations, il subsiste un différentiel de 4 à 5 dollars par BTU (British Thermal Unit), ce qui, ramené à l'énergie fournie par le gaz, correspondrait à une différence de 25 à 30 dollars par baril de pétrole.
Dans ce bras de fer, Pékin estime pouvoir jouer la montre grâce à la diversification de ses approvisionnements en gaz. Outre ses propres productions, estimées à 90 milliards de mètres cubes, il peut compter sur un pipeline en provenance du Turkménistan, d'une capacité qui atteindra bientôt 40 milliards de mètres cubes par an, auquel il faudra également ajouter le gaz birman, qui représentera de 10 à 15 milliards de mètres cubes. Enfin, la Chine développe rapidement ses terminaux et importe de plus en plus de gaz naturel liquéfié : les 50 milliards de mètres cubes annuels sont en vue. Moscou, de son côté, sait que la consommation de la Chine devrait fortement augmenter, pour atteindre 250 milliards de mètres cubes en 2015 contre 110 actuellement, et fait donc le pari que son gaz inira par être indispensable à la deuxième économie mondiale.
Mettre en concurrence
Autre point d'interrogation : le tracé du futur pipeline. La Chine souhaite le faire venir de Mandchourie, pour « mettre la main sur les gisements extrême-orientaux de la Russie », résume le même connaisseur. La Russie, elle, préférerait un tracé par le Xinjiang, à l'ouest de la Chine, ce qui lui permettrait de mettre en concurrence le débouché chinois et l'européen, afin de ne pas être pieds et poings liés avec un unique client.
GABRIEL GRESILLON, AVEC YVES BOURDILLON
PHOTO - Russia's Prime Minister Vladimir Putin (R) and Gazprom CEO Alexei Miller (L) show the control room of the Gazprom company headquarters to China's President Hu Jintao in Moscow June 16, 2011.
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